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Le thème de la victoire impériale intrinsèquement liée à la foi chrétienne constitue un aspect majeur de la conception ambrosienne dans le De obitu Theodosii : l’orateur insista longuement sur cette idée de la foi pourvoyeuse de victoires dans un passage du discours qui rappela un succès militaire de Théodose et qui était destiné à la fois à louer l’empereur défunt et à instruire son fils Honorius qui était présent aux funérailles558. En effet, cette croyance selon laquelle Dieu intervenait souverainement dans l’issue des batailles et que la foi jouait ainsi un rôle définitif dans leur déroulement se situe au centre des réflexions d’Ambroise sur l’histoire contemporaine et se trouve illustrée à maintes reprises, dans son discours, au moyen de références bibliques559. L’évêque tentera d’inculquer aux soldats présents à la cérémonie la conviction que la force qui assure les victoires provient effectivement de Dieu. Il verra dans l’épisode de la bataille du Frigidus la preuve concrète et indiscutable de ce qu’il veut démontrer.

Dans sa démonstration, Ambroise insiste moins sur l’exploit et la valeur militaire de l’empereur et des troupes que sur la nécessité absolue du secours divin obtenu par la foi et la prière, car ce qu’il cherche à faire ressortir de cette bataille du Frigidus c’est dans quelle mesure la foi chrétienne est garante de la prospérité de l’Empire560. C’est à travers les exempla bibliques et à leur lumière que l’orateur parviendra à dégager et à expliciter le sens spirituel de cet évènement de la vie de Théodose, car grâce à ces réminiscences, il sera l’occasion d’évoquer l’attitude de ce dernier et les véritables causes de la victoire. En effet, tel l’épisode de la pénitence faite par l’empereur après le massacre de Thessalonique, qui fut abordé progressivement dans le discours et dans lequel l’attitude de David exemplifia celle de Théodose (§27), le thème du secours divin revêt également une signification qui lui est propre et que l’orateur dégage peu à peu dans l’oraison grâce à l’histoire biblique : il affirme d’abord que Dieu a fait savoir à l’armée, par l’intermédiaire de Théodose, qu’Il était favorable à la piété, ce qui explique la félicité de l’empereur, mais qu’Il se vengeait de

558 F. Heim, 1992b, p. 163. 559 Cf. id., 1974, p. 267-281.

560 On s’écarte ici de la conception païenne des panégyriques, qui fait l’éloge de la uirtus et exalte les qualités et les compétences militaires de l’empereur victorieux.

l’infidélité, ce qu’illustrait la défaite d’Eugène (§2) ; au §4, Jacob est donné en exemple à l’empereur qui combattit les tyrans infidèles ; au §7, la victoire sur Eugène s’explique par la foi de Théodose qui se manifesta dans la prière qu’il adressa à Dieu pendant le combat561 ; il est question, au §10, de l’épisode d’Élisée qui, avec l’aide de Dieu, vint à bout des Syriens et au §15, celui d’Asa qui avait été confronté aux Éthiopiens562. La nécessité de la prière et l’importance de l’aide divine dans le combat seront encore soulignées aux §23 et 24 du discours.

L’oraison funèbre d’Ambroise est ainsi marquée par l’implication d’une dimension providentielle dans la réalité historique des faits marquants, notamment politiques et militaires, du gouvernement de Théodose. Le règne de ce dernier et la figure même de l’empereur furent donc interprétés selon une conception religieuse qui conçut une représentation du pouvoir impérial s’insérant dès lors dans l’histoire ecclésiastique et y prenant part563. C’est ainsi qu’Ambroise fit d’un thème purement politique – celui de la victoire impériale – un thème religieux : la fides imperatoris, soit la foi qui devient dès lors le fondement et la garantie du pouvoir politique de l’empereur564. L’évêque donna à la bataille du Frigidus une connotation religieuse où foi et volonté divine sont intrinsèquement liées. C’est donc la foi qui a donné la victoire à Théodose et à son armée (§7-10). L’essentiel était de montrer que la piété avait gagné le cœur de l’empereur et que la victoire obtenue était un miracle de la foi chrétienne565.

Ambroise, en plus d’affirmer que la défaite d’Eugène a été voulue par Dieu, soutient que le succès de l’empereur est miraculeux et qu’il découle d’une intervention divine : la mention au §10 du prophète Élisée et des Syriens vient appuyer l’argumentation de l’évêque, qui soumet ainsi l’histoire biblique aux besoins de son discours566. Ainsi, après avoir évoqué la foi des patriarches, celle grâce à laquelle Jacob avait été aidé par une armée d’anges (§9), Ambroise poursuivit avec un évènement rapporté dans le livre des Rois (2 Rg 6, 13-20) : « Ailleurs aussi, dans un passage du livre des Rois, Élisée se trouvait au sein de la Samarie et une armée de Syriens, qui l’avait

561 Pour montrer l’implication de la foi dans le cours de la bataille du Frigidus, l’orateur rappela, au §7, les conditions difficiles dans lesquelles elle fut livrée et prête cette prière à l’empereur : Ubi est Theodosii Deus? « Où est le Dieu de Théodose? ». Celle-ci est présentée comme un ultime appel auquel Dieu répondra. Ainsi, selon Ambroise, l’empereur aurait imploré Dieu à la vue de toute l’armée pour obtenir la victoire.

562 Cf. B. Gerbenne, 1999, p. 167-176 : ce sont précisément ces épisodes d’Élisée (§10) et d’Asa (§15) qui révèlent les vraies causes de la victoire impériale. En effet, Élisée pria et demanda à Dieu de frapper d’aveuglement les Syriens qui étaient en guerre contre le royaume d’Israël et qui voulaient s’en prendre à sa personne : par sa foi et l’aide divine, les ennemis furent menés en Samarie, où ils se soumirent au roi d’Israël (cf. 2 Rg 6, 13-20). Asa, roi de Judas, invoqua Dieu lorsqu’il fut confronté à une armée éthiopienne et, par sa prière, il les vainquit. Cependant, lorsqu’il fut menacé par le roi d’Israël, il fit une alliance avec le roi de Syrie et pour s’être détourné de l’aide de Dieu, il perdit son appui. Il préféra également s’en remettre aux médecins plutôt qu’à Dieu lorsqu’il eut, par la suite, une maladie et il mourut en infidèle (cf. 1 Rg 15, 9-24 ; 2 Chr 14, 1-16, 14).

563 M. Stoppini, 1997-2000, p. 273.

564 Cf. Ambr., De ob. Theod. 8 ; cf. R. Perrelli, 1995, p. 257-265. 565 P. Brown, 1998, p. 187.

soudainement encerclé, l’assiégea567. » La transition paraît abrupte au premier abord et on peut se demander pour quelle raison Ambroise a fait intervenir, à cet endroit du discours, Élisée ; n’ayant retenu que l’essentiel du récit biblique, ce dernier est d’ailleurs incomplet : Dieu est au côté du prophète et, à la prière de celui-ci, frappe les ennemis de cécité. Chez Ambroise, une telle intervention divine est affirmée aux §23 et 24 de l’oraison, mais sans faits précis. Lors de la bataille du Frigidus, l’armée d’Eugène fut frappée, tel qu’Ambroise l’affirme dans l’Explanatio psalmi XXXVI, d’un vent violent qui l’aveugla en quelque sorte, l’empêcha de combattre et fit retourner, s’il faut en croire l’évêque, les flèches des ennemis contre eux-mêmes, ce qui rappelle l’épisode biblique évoqué au §10 du De obitu Theodosii et qui explique la motivation de le faire intervenir à cet endroit du discours568.

La conception ambrosienne de la victoire par la foi fut reprise plus tard, soit quatre ans après le discours de l’évêque de Milan, par Jean Chrysostome569. En effet, l’Homélie nouvelle VI de ce dernier, qui avait été prononcée lors du quatrième anniversaire de la mort de Théodose, vient compléter le modèle du princeps christianus qu’Ambroise avait élaboré dans le De obitu Theodosii570. C’est à cet égard, soit dans le fait de contribuer à la conception et à l’achèvement d’un idéal chrétien d’empereur, que l’œuvre de l’évêque de Constantinople suscite un intérêt : une tradition chrétienne est manifeste dans les deux discours.

Dans l’homélie de Jean Chrysostome, l’appel à Dieu de Théodose et l’apparition du vent qui fit fuir l’armée ennemie sont liés de façon à rendre encore plus explicite le caractère miraculeux de la victoire impériale :

*ποπηδFσας το5 Gππου κα τ+ν *σπδα χαµα θες, κα γ νατα κλνας, κ τν ο>ρανν τ+ν συµµαχαν κλει, [...] κα οHτως *θρ ον *ν(µου προσβολ'ς µπεσοσης, τI µJν β(λη τν *ναντων κατI τν *φι(ντων φ(ρετο. [Jo. Chrys., Cathar. (VI) 1]

[Théodose] sauta de son cheval, jeta son bouclier à ses pieds, et, à genoux, demanda l’aide du ciel […] et soudainement un vent fort apparu, qui retourna les traits jetés par l’ennemi contre lui-même.

567 Ambr., De ob. Theod. 10 : Alibi quoque, id est in libris regnorum, Helisaeus erat intra Samariam et subito eum circumfusus Syrorum obsedit exercitus.

568 Id., Expl. ps. XXXVI, 25.

569 On retrouve également cette interprétation chez Socrate (Hist. eccl. V, 25), Sozomène (Hist. eccl. VII, 24) et Théodoret (Hist. eccl. V, 25).

La présence divine fut donc déterminante dans l’issue de la bataille et cet état de fait accentue davantage, par rapport au récit qu’en fait Ambroise, l’absence de violence dans l’obtention de la victoire571.

Le thème de la victoire providentielle était déjà présent dans l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée bien que celui-ci le développât dans une moindre mesure : le rapprochement qu’il fit entre la victoire de Constantin au Pont Milvius et celle de Moïse sur le Pharaon sous-entend l’intervention de Dieu, mais sans toutefois exclure le besoin de l’empereur de recourir aux armes572. Le modèle impérial, tel que présenté chez Ambroise et Jean Chrysostome, fait partie d’un τ πος chrétien qui cherche à présenter les succès de l’empereur comme étant obtenus sans le recours aux armes, grâce au rapport de foi qui existe entre l’empereur et Dieu573.

En s’adressant devant l’armée victorieuse réunie aux funérailles, Ambroise veut convaincre les soldats que leur victoire contre Eugène a été acquise en réalité grâce à la foi de l’empereur et que celui-ci, bien que décédé, continue à protéger ses soldats par l’intermédiaire de ses enfants qui bénéficient également de sa protection (ce thème a été annoncé dès la fin du §2)574. L’évêque demande ainsi à l’armée d’être fidèle envers les fils de l’empereur défunt, ce qui voue l’éloge de la foi-fidélité à convaincre les soldats et à les rappeler à leurs devoirs bien plus qu’à magnifier Théodose lui-même (§8-11)575. Ce rôle est laissé à l’Écriture dont est cité un texte des Proverbes (Pr 20, 6) qui vante l’homme faisant preuve de foi et de miséricorde (§12). Ambroise expose des témoignages de la bonté de Théodose mais, une fois encore, la raison d’être de tout ce développement est moins de faire l’éloge de l’empereur que de montrer qu’il a attiré sur lui les faveurs de Dieu et, par extension, la protection divine sur ses enfants : « Qui donc doutera », déclare-t-il à la fin d’une série d’exemples, « que Théodose sera d’une très grande protection pour ses fils auprès du Seigneur?576 ». L’évêque s’incarne ainsi en défenseur de la dynastie impériale, de la volonté de Théodose contre une menace à la fois civile et militaire : il tente, dans son discours, de rassembler les forces politiques autour du nouveau régime, qu’il montre comme le successeur légitime du précédent577. La préoccupation d’Ambroise pour l’immédiat se concentre autour de la

571 Jean Chrysostome est la seule autre source qui affirme que Théodose sauta de son cheval et s’adressa à Dieu, mais selon ce récit l’empereur pria, contrairement à celui d’Ambroise, dans lequel il s’exclama.

572 Euseb., Hist. eccl. IX, 9, 2-11. Concernant le parallèle entre Constantin et Moïse, cf. F. Heim, 1989, p. 283-289. 573 M. Stoppini, 1997-2000, p. 276.

574 Y.-M. Duval, 1977, p. 282. 575 Ibid., p. 282-283.

576 Ambr., De ob. Theod. 15 : Quis ergo dubitabit filiis eius apud dominum maximum praesidium fore?

577 Y.-M. Duval, 1977, p. 282. Cf. J. H. W. G. Liebeschuetz, 2005, p. 174 : «The address has a clear political theme. Ambrose’s words carry the unmistakable implication that the new regime is the legitimate successor and continuator of the old. »

crainte d’une usurpation, car l’armée, peu satisfaite de jeunes empereurs encore enfants, est susceptible de se donner d’autres chefs.

L’exhortation à la fidélité adressée aux soldats prend tout son sens dans une justification théologique : celle de la foi qui augmente l’âge, car elle est la substance de toute chose et représente les réalités futures (§8)578. Ambroise veut démontrer que la foi constitue l’assise de la victoire, c’est elle qui la garantie, elle en est la substantia, et puisque l’essentiel du succès d’un empereur se réduit à la foi, tout le reste – déploiement de troupes, engagements armés, implication personnelle sur le champ de bataille – n’est alors qu’accessoire. Les développements autour de la victoire sans combat, de la victoire non sanglante, devaient ainsi expliciter de quelle manière il était possible pour un empereur de se passer de cet accessoire lié à l’âge mature579. En ce sens, l’oraison d’Ambroise représente un moyen politique pour rassembler l’élite autour des successeurs de Théodose, encore jeunes, et ainsi conserver l’unité de l’Empire ; elle favorise la transition entre le gouvernement de Théodose et celui de ses fils.

Le discours en l’honneur de Théodose montre un changement, une évolution, sur le plan des mentalités au IVe siècle. Les Romains chrétiens, en effet, attribuaient à l’intervention divine, celle de Dieu, la principale cause, sinon la seule, des victoires lorsqu’ils réfléchissaient à leurs succès militaires, intervention qui était la conséquence directe de la foi chrétienne : ce n’est plus l’homme en tant que tel, son courage (uirtus), son esprit de décision (consilium), sa connaissance en matière militaire (scientia militaris), l’action bienveillante et efficace des dieux païens qui étaient sollicités par le uotum580. Les auteurs païens, pour leur part, attribuaient une part considérable à l’activité

578 Ambroise revêt l’empereur d’un rôle avant tout mystique : il doit faire en sorte que l’Empire s’acquière la faveur divine par sa piété, son adhésion à la vraie foi et la défense de celle-ci contre les menaces, dont l’hérésie et le paganisme notamment. Dans son discours, l’évêque montre qu’un enfant, au même titre qu’une personne d’âge mûr, est capable d’assumer ce rôle pour autant qu’il se soumette à Dieu et à la foi chrétienne. Pacatus avait parlé des anni perfecti (Pan. Lat. XII [2], 7) et de l’aetas integra (ibid., 3, 5-6) dans son éloge de Théodose mais il faisait référence à l’âge biologique de l’empereur, qui alliait les privilèges de la jeunesse à ceux de l’âge mûr. Ambroise, quant à lui, a considéré l’empereur non pas en tant qu’homme mais en tant que chrétien que la foi établit d’emblée dans l’âge adulte, face à Dieu : l’enfance n’existe pas chez un empereur qui possède la foi, car lorsque celle-ci est parfaite, sa condition et ses capacités physiques et mentales le sont tout autant. La victoire du Frigidus, grâce à la prière et à la foi, en est la démonstration éclatante. Ainsi, aux soldats rassemblés lors de la cérémonie funèbre, l’évêque demande de ne pas se laisser troubler par le jeune âge d’Arcadius et d’Honorius (De ob. Theod. 6). Dans l’idéologie chrétienne, puisque l’empereur détient son pouvoir par sa fides et non par sa uirtus, il ne peut être ni trop jeune ni trop âgé pour exercer le commandement : cf. F Heim, 1991, p. 283-297. À l’opposé, Pacatus insiste sur l’importance de l’âge à propos de Théodose : il mentionne d’abord sa jeunesse florissante (Pan. Lat. XII [2], 3, 6) puis, plus loin, il donne un ton particulier aux considérations touchant l’âge de l’empereur (ibid., 7, 5).

579 F. Heim, 1992b, p. 165.

580 Cf. ibid., p. 19-34 ; C. Ando, 2000, p. 64 ; 277-292 : cette croyance chrétienne selon laquelle le succès découle de la volonté divine n’a cependant rien de nouveau, la felicitas occupant une place primordiale dans l’idéologie impériale traditionnelle. Tite-Live, par exemple, réfléchissant sur le problème de la cause des victoires, déterminera les forces qui ont fondé Rome et qui la rendront grande et féconde, soit l’aide des dieux et l’énergie humaine (I, 9, 3-4) ; l’historien en viendra à la conclusion que si l’un des deux éléments fait défaut, l’échec militaire est inévitable (XXII, 9, 7-11 ; XXII, 11-12). En XXII, 14, 4-14, Tite-Live associe les deux forces déterminantes, divine et humaine. Elles sont donc indissociables et doivent être garanties en la personne de l’empereur sinon la défaite s’abattra sur l’armée

humaine dans le déroulement de l’histoire : ils désignèrent par uirtus la capacité de l’homme à domestiquer le cours des évènements et la force qui permettait de vaincre l’adversité lors des affrontements581. L’aide divine, selon la conception païenne, fécondait le travail des hommes, le menait à terme, mais sans pour autant pouvoir se substituer à lui. Rappelons également combien la uirtus est louée des panégyristes du IVe siècle lorsqu’ils font l’éloge des vertus de l’empereur et des bienfaits qu’il apporte à l’Empire : cette puissance victorieuse était, dans l’idéologie traditionnelle, intrinsèquement liée au pouvoir politique et à la définition de l’idéal impérial582.

Ainsi, le christianisme modifia fondamentalement la conception de la victoire romaine en diminuant considérablement l’importance de la uirtus au profit de la pietas de l’empereur et de sa foi en Dieu583. Le thème de la victoire revêt donc chez Ambroise une connotation religieuse : il est intrinsèquement lié à la foi chrétienne de l’empereur, laquelle est ainsi gage de salut pour l’Empire. Cette foi en Dieu sera au centre d’un long passage de l’oraison de Théodose, dans lequel Ambroise évoquera la découverte de la croix du Christ par Hélène, mère de Constantin (§41-53).

romaine. La même leçon ressort de l’œuvre d’Horace : les Odes en particulier fustigent le manque de courage, la peur de mourir et la démission (Od. III, 5, 1-56) en exaltant la vertu guerrière (ibid., 2, 1-24 ; 6, 33-43) en même temps que la nécessité de se soumettre aux dieux pour qu’elle aboutisse à la victoire (ibid., 6, 1-20).Louant la uirtus impériale, le corpus des Panégyriques Latins font également de la volonté divine un gage de victoire pour les empereurs romains : bien qu’il accorde une grande importance aux vertus guerrières de Théodose, Pacatus attribue également à la victoire sur Maxime l’intervention de la Fortune, qui lui fut favorable et qui l’aida dans son entreprise (Pan. Lat. XII [2], 40, 1-41, 1) ; le panégyriste de 310 fait intervenir la Fortune dans l’heureuse issue des affaires de Constantin et mentionne les couronnes de laurier offertes par Apollon, son protecteur (id., VII [6], 21, 3-4) ; dans le panégyrique de 321, l’orateur mentionne la puissance divine qui appuya Constantin lors de son expédition contre Maximien et qui soutint sa uirtus (id., X [4], 7, 3-4). Il insiste particulièrement sur la figure de l’empereur assisté par les dieux, bénéficiant de leurs faveurs, et sur l’intervention divine lors des batailles, gage de victoire : la faveur des dieux, selon le panégyriste, a valu jadis à l’empereur la victoire sur Ascaric (ibid., 16, 1-6). Ainsi, c’est à la fois la uirtus de l’empereur, ses exploits guerriers, et l’intervention divine qui assurent le succès des opérations militaires. Cette notion de felicitas est représentée par la relation personnelle qui lie le souverain à ses dieux protecteurs et qui est garante de ses réussites. Elle est donc une qualité propre à l’empereur, marque d’une particulière prédilection divine, mais jamais, si grande soit-elle, elle ne put supprimer la nécessité de la uirtus impériale : le succès, en politique comme à la guerre, découle d’une uirtus alliée à une certaine felicitas ; il est conçu comme le résultat de qualités personnelles sanctionnées par un certain bonheur dans leur accomplissement. Sur ce lien intrinsèque entre uirtus et felicitas, idéologie traditionnelle de la victoire, cf. M. Meslin, 1978, p. 107-109.

581 F. Heim, 1992b, p. 24 : Salluste développa et imposa à l’historiographie romaine la conception de la uirtus comme énergie capable de domestiquer l’évènement historique, volonté d’affronter les obstacles et de les combattre. À ce sujet, cf. E. Tiffou, 1973, p. 49-50 ; 141- 154.

582 Se référer aux p. 17, n. 63 et 71, n. 366 et 377 pour les renvois aux Panégyriques Latins. Cf. F. Heim, 1991, p. 267- 269 et notamment p. 297-303, concernant la place primordiale de la uirtus dans l’idéologie impériale traditionnelle. Ammien vante également l’engagement personnel des empereurs, leur labeur incessant, leur bravoure face à l’ennemi, la part directe qu’ils prennent au combat (XV, 8, 13-14). Le courage militaire est explicitement exigé dans l’Histoire Auguste (Did. Jul. VI, 5-6).

583 La pietas de l’empereur était également louée de manière analogue par les orateurs païens dans leurs panégyriques : ceux-ci élaborèrent une image de l’empereur idéal selon laquelle seul celui faisant preuve de pietas bénéficiait des faveurs divines, dont la preuve tangible était la victoire militaire. Le lien de l’empereur avec les forces divines