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La filiation Say-Bastiat-Poincaré-Mach 75

Dans le document Monnaie et finance (Page 30-32)

IV. B La loi de l'économie en science économique.

1. La filiation Say-Bastiat-Poincaré-Mach 75

La première est que le point de vue de Poincaré recèle deux idées qui se trouvent avoir été esquissées près de cinquante années plus tôt dans Harmonies économiques par Frédéric Bastiat (1801-1850)76, voire cinquante années encore avant par Jean-Baptiste Say (1767-1832).

a) Le choix des faits et l'harmonie de la nature.

L'une était l'idée de l'harmonie du monde, de l'ordre harmonieux de ses parties, combattue par beaucoup comme le remarquait Bastiat lui-même. Certains diront qu'en cela Bastiat ne faisait que reprendre David Hume, soit.

Mais Bastiat faisait aller de conserve l'idée de l'harmonie naturelle, celle des obstacles à quoi se heurtait l'être humain et celle de la perfectibilité de celui-là. Soulignons en passant que, de son temps, Bastiat avait eu beaucoup de mal à les faire accepter, même parmi ses amis du Journal des

Economistes. Et Fontenay, l'architecte et préfacier des uvres complètes, y verra comme cause leur

originalité, leur nouveauté.

Poincaré partage l'idée de base de Bastiat en ces termes :

"Notre esprit est infirme comme le sont nos sens ; il se perdrait dans la complexité du monde si cette complexité n'était harmonieuse [ ] Les seuls faits dignes de notre attention sont ceux qui introduisent de l'ordre dans cette complexité et le rendent ainsi accessible" (Poincaré, 1927, p.26)

Et comme Bastiat, loin de s'arrêter à l'idée de l'harmonie de la nature, Poincaré lui en associe deux autres. L'une est que:

"Le savant n'étudie pas la nature parce que cela est utile, il l'étudie parce qu'il y prend plaisir et y prend plaisir parce qu'elle est belle" (ibid., p.16)

L'autre idée est que :

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La filiation de Bastiat et des économistes dénommés "autrichiens" par les historiens de la pensée officiels n'a rien d'original. Mais si elle est connue, elle n'est pas très étroite. Le texte a l'ambition de la renforcer en faisant intervenir Poincaré et Mach. La filiation par l'intermédiaire de Poincaré surprendra au premier abord si on oublie que le mathématicien de génie n'hésitait pas à citer Mach, "autrichien de Vienne", l'homme de la vitesse du son, et appréciait sa référence à l'"économie de pensée". Elle permet de parvenir à une filiation entre Frédéric Bastiat (1801-50), Henri Poincaré (1854-1912), Ernst Mach (1838 - 1916), Ludwig von Mises (1881- 1973) et Friedrich von Hayek (1899- 1992).

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"les choses qui nous semblent belles sont celles qui s'adaptent le mieux à notre intelligence [ ] par suite elles sont en même temps l'outil que cette intelligence sait le mieux manier " (ibid., p.18)

"cette satisfaction esthétique est par suite liée à l'économie de pensée" (ibid., p.28)

A leur façon, ces idées ont ouvert la voie à l'idée actuelle selon laquelle, par exemple, ce que l' il verrait sans effort, sans variation d'action de ses muscles, il le trouve beau et ce qu'il verrait avec effort, avec variation d'action des muscles, il le trouve plus ou moins laid

b) La science, c'est la méthode, laquelle inclut le choix des faits.

L'autre idée commune à Bastiat et Poincaré est que la science, ce sont en définitive le choix des faits et la méthode, à commencer par celle qui permet de choisir dans l'abondance les faits les plus intéressants. C'est ainsi que, par exemple, Bastiat a écrit:

"Je dis : Laissez faire, en d'autres termes, respectez la liberté, l'initiative humaine Responsabilité, solidarité ; mystérieuses lois dont il est impossible, en dehors de la Révélation, d'apprécier la cause, mais il nous est donné d'apprécier les effets et l'action infaillible sur les progrès de la société : lois qui, par cela même que l'homme est sociable, s'enchaînent, se mêlent, concourent, encore qu'elles semblent parfois se heurter ; et qui demanderaient à être vues dans leur ensemble, dans leur action commune, si la science aux yeux faibles, à la démarche incertaine, n'était réduite à la méthode, - cette triste béquille qui fait sa force tout en révélant sa faiblesse" (Bastiat, chap. XX "responsabilité", pp.588-90)

Et c'est ainsi que Poincaré pestait contre les thèses de sociologie sous prétexte qu'elles présentaient en général, chacune, une méthode différente, nouvelle, mais que, curieusement, l'auteur lui-même ne la respectait pas !

Mais avec Mach, dirais-je, la "triste béquille" est devenue l'"économie de pensée" et, sous la plume de Poincaré, la règle de choix que devrait avoir le savant.

Il est à remarquer en effet et d'une part que, à la fin du XIXè siècle, Ernst Mach avait introduit le concept de l'"économie de pensée" et Poincaré l'avait souligné dans Science et méthode en ces termes :

"Le célèbre philosophe viennois Mach a dit que le rôle de la science est de produire l'économie de pensée, de même que la machine produit l'économie d'effort." (Poincaré, 1927, p.24)

Et Mach considérait que l'économie de pensée était même la tendance constante de la science:

"Et c est ainsi également que cette économie de pensée, cette économie d effort, qui est d après Mach la tendance constante de la science, est une source de beauté en même temps qu un avantage pratique." (Poincaré,

ibid.)

D'autre part, quelle est la logique de Poincaré ? La nature est harmonieuse, les faits sont liés par des régularités à découvrir, mais ils sont trop abondants. L'esprit du savant est infirme, il ne peut

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cerner l'abondance. Dans cette abondance, il doit choisir. Comment choisir ? C'est l'objet de

Science et méthode.

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