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La démonstration de la liberté par les sciences non économiques.

Dans le document Monnaie et finance (Page 32-35)

IV. B La loi de l'économie en science économique.

2. La démonstration de la liberté par les sciences non économiques.

La seconde réponse qui m'amène à privilégier la démarche de Poincaré procède d'un livre de François Lurçat77 (2003) intitulé De la science à l'ignorance. Elle a trois éléments.

a) La question du déterminisme, principe prétendument universel.

Les découvertes mathématiques de Poincaré à la fin du XIXè siècle avaient démontré que le déterminisme, métaphysique ou non, laplacien78 ou autre, avait des limites, il n'était pas le principe universel voulu par ses prosélytes et hérauts. Mais le fait est que les savants majoritaires de la première moitié du XXè siècle ont tenu "secret" cet aspect de la "défaite" des déterministes79. Il faudra attendre la décennie 1960 et les travaux de Edward Lorenz, météorologue, pour que la portée des découvertes de Poincaré ne puît plus être cachée à l'opinion publique. On est entré alors dans l'ère de la théorie mathématique dite du "chaos" qui a tant séduit les vulgarisateurs80.

Pour autant, les mathématiciens déterministes n'ont pas baissé les bras. Ils ont donné un nouveau nom à leur idole : ils ont vu en elle une "propriété mathématique" qu'ils ont dénommée "théorème d'existence et d'unicité" ! Cheval que des savants économistes ont enfourché avec grâce à propos de l'équilibre économique général.

Il reste que le bien avait été fait par Poincaré : on parlera désormais de déterminisme

mathématique et de déterminisme physique sans les confondre et non plus de déterminisme, principe universel.

b) Les limites du déterminisme et le libre arbitre.

Autre élément que je tire du livre de Lurçat pour justifier mon choix, celui-ci laisse entendre que tout n'a pas changé pour autant. Il souligne ainsi le sort fait récemment à un "spécialiste éminent de la dynamique des fluides", Sir James Lighthill (1924-98), qui a si bien éclairé toutes ces questions du

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Physicien, professeur émérite à l'Université de Paris Sud (Orsay). 78

Selon Hawking (1989) :

"Le déterminisme de Laplace était incomplet de deux façons. Il n'indiquait pas comment les lois devaient être choisies et il ne spécifiait pas la configuration initiale de l'univers. [ ] Nous savons maintenant que les espoirs de déterminisme de Laplace ne peuvent se réaliser, au moins dans le sens qu'il donnait à ce mot. [ ] En fait, nous avons redéfini la tâche de la science comme la découverte de lois qui nous rendront capables de prédire les événements dans les limites posées par le principe d'incertitude" (Hawking, 1989, pp.209-210)

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L'autre aspect est le principe d'incertitude d'Heisenberg. 80

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déterminisme. A été occulté, entre autres, le texte "remarquable" selon Lurçat - d'une conférence publique (1986) dans laquelle il disait en particulier :

"Nous, spécialistes de la mécanique, sommes tous profondément conscients aujourd'hui du fait que l'enthousiasme de nos prédécesseurs pour les merveilleux succès de la mécanique newtonienne les a conduits à faire, dans le domaine de la prévisibilité, des généralisations que nous avons eu tendance à tenir pour vraies avant 1960, mais dont nous reconnaissons aujourd'hui qu'elles sont fausses" (Lighthill cité par Lurçat, 2003, p.100)

Et Lurçat de se demander :

"En n'adorant pas une des idoles de la tribu, ce diable d'homme aurait-il causé des blessures métaphysiques" (ibid., p.101).

Quelques paragraphes plus hauts, Lurçat avait fait valoir le libre arbitre de l'être humain81 en citant des éléments du livre de Elaine Pagels (1988) intitulé Adam, Eve and the Serpent. Il avait suggéré que le refus ou la condamnation du libre arbitre de l'être humain était tout simplement l'affirmation du déterminisme, principe universel. On rappellera à ce propos et en passant que l'un ou l'autre avait pris diverses formes au cours des âges (on y reviendra annexe 2). En particulier, il a donné au déterminisme scientifique des oripeaux quand il a pris la forme de la mécanique classique aux XVIIè-XVIIIè siècles. Il a permis à Laplace d'affirmer à la fin du XVIIIè siècle, du haut de son déterminisme absolu, que le hasard est l'expression de l'ignorance de l'être humain82. Mais il s'est heurté à deux obstacles de taille au XIXè siècle, à savoir deux mathématiciens: d'abord James Clerk Maxwell (1831-1879), puis Poincaré.

Il reste qu'il y a vingt ans, Pierre Vendryes (1985) a développé à sa façon la même idée. Originalité de son texte que je retiendrai, il s'oppose à un texte de Maurice Allais (1983) qu'il explique être "partisan du déterminisme universel" (Vendryes, 1985, p.7). Cela étant, et en passant, je vois pour ma part dans le libéralisme, l'opposé du déterminisme et à l'ultralibéralisme dénoncé par certains, j'opposerai l'infradéterminisme qui les anime.

c) La question du scientisme conséquent.

Troisième et dernier élément que je retire du livre de Lurçat pour justifier mon choix, il laisse transparaître dès l'introduction quelque ingénuité de l'auteur ! Celui-ci n'écrit-il pas :

"La critique du scientisme est donc une tâche urgente, qui s'impose aux esprits soucieux de l'avenir de notre civilisation" (ibid. p.15)

En d'autres termes, François Lurçat fait savoir à mots couverts qu'il se heurte en permanence au déterminisme de son entourage, ou à la forme atténuée de celui-là qu'en est le scientisme. Mais il

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Ce libre arbitre qui opposait au Vè siècle Augustin, le futur Saint, qui le condamnait, aux Donatistes et autres Pélagiens qui en faisait l'apologie...

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semble tout ignorer des travaux de Mises, Hayek et autres savants économistes "autrichiens" sur le sujet.

Seule ouverture sur la pensée "non scientiste" qu'affecte de posséder notre auteur, Hannah Arendt, dont il cite les mots suivants :

"D'une manière générale, à notre époque la pensée collective des savants s'acharne à démontrer que la réalité humaine se borne à du formulable en termes physico-chimiques. Comme l'écrivait Hannah Arendt après la Seconde Guerre Mondiale : 'on tente de façon organisée d'exterminer la notion d'être humain' [1946]" (ibid., p.14)

En résumé, pourquoi privilégier la démarche de Poincaré ? Parce qu'elle est une "précaution" contre le déterminisme, principe encore prétendu universel par certains, en dépit des faits reconnus par d'autres, et les ravages que cause le scientisme qui en découle. Elle amène à mettre un accent particulier sur les actions du savant qui alors étaient le dernier souci des savants économistes majoritaires.

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ANNEXE 2

Les atours de la loi de l'économie en sciences non économiques.

En sciences physiques, la loi de l'économie a reçu divers atours aux cours des siècles.

Dans le document Monnaie et finance (Page 32-35)

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