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1.4 Vers des plateformes technologiques

1.4.1 La filière silicium

La fabrication de composants optiques sur substrat de silicium est une excellente ap-proche technologique, car elle bénéficie de toutes les technologies développées pour la micro-électronique CMOS. De plus, la disponibilité de gaufres de grande taille permet de réaliser de nombreuses puces optiques en parallèle et donc d’envisager une production de masse à coût réduit.

La gaufre de silicium est le support sur lequel les circuits optiques sont réalisés. Sur ce substrat, les guides d’onde peuvent être en silice dopée, en alumine (Al2O3), en nitrure de silicium (Si3N4), SiON ou silicium. Indépendamment du matériau qui constitue le cœur, les guides d’onde sont généralement isolés optiquement du substrat de silicium par une couche de silice plus ou moins épaisse. Des guides d’onde ruban, en arête, à fente et à cristaux pho-toniques sont réalisés par une succession d’étapes de lithographie et de gravure chimique ou assistée par plasma. Les trois premiers types de guides sont représentés en figure 1.11. Habi-tuellement, ces guides sont recouverts par une couche de silice ou de verre pour les isoler de l’environnement extérieur.

substrat

silice

cœur

(a)

substrat

silice

cœur

(b)

substrat

silice

cœur

(c)

Figure 1.11 – Différentes typologies de guides sur substrat de silicium oxydé : guide ruban (a), guide en arête (b) et guide à fente (c).

La recherche du meilleur compromis entre les pertes et les dimensions du circuit intégré a amené à une grande variété de matériaux utilisés pour réaliser des guides d’onde sur substrat de silicium.

Des guides d’onde dont le cœur présente un indice de réfraction proche de celui de la silice (n = 1,45), tels que ceux réalisés en silice dopée, sont caractérisés par des faibles pertes de propagation, inférieures à 0,1 dB/cm [47], présentent un bon couplage avec les fibres optiques

1.4. Vers des plateformes technologiques

et une bonne tolérance aux rugosités des guides. En contrepartie, le faible contraste d’indice ne permet que l’utilisation de rayons de courbure minimaux de l’ordre du millimètre, ce qui limite la réduction de la surface occupée par le circuit optique [56].

Les circuits intégrés basés sur des guides à cœur de silicium (n = 3,5) sont caractérisés par des cœurs de section submicronique pouvant supporter des rayons de courbure de quelques micromètres : la densité de fonctions réalisées sur une surface donnée est donc bien supérieure à celle des circuits optiques réalisés en silice dopée. Le prix à payer réside en des pertes de propagations typiques comprises, pour les guides à rubans, entre 1 dB/cm [57] et 3 dB/cm [58], selon la rugosité des parois. Ces pertes peuvent être réduites à 0,1 dB/cm [59], pour les guides en arête, en optimisant les procédés de gravure et de passivation. De plus, un bon couplage avec les fibres optiques requiert l’utilisation d’épanouisseurs.

Les guides en Al2O3 [60], Si3N4 [61] et SiON [62] ont des indices de réfraction intermédiaires entre ceux de la silice dopée et du silicium et présentent un bon compromis en termes de pertes de propagations, de couplages et d’empreintes.

Les guides en silicium, même s’ils sont caractérisés par des pertes de propagations plus élevées, bénéficient du fait de pouvoir être fabriqués sur le substrat silicium sur isolant ( Si-licon On Insulator, SOI), couramment utilisé pour la productions des circuits CMOS. Les circuits optiques peuvent non seulement être intégrés sur le même substrat que les fonctions électroniques, mais ils peuvent de plus être réalisés sur les mêmes lignes de production. Sous l’influence de ce levier, des fonctions d’isolation, modulation, amplification et génération de lumière ont été développées sur substrat SOI, ce qui fait de la photonique sur silicium (Silicon Photonics en anglais) une vraie plateforme technologique.

En effet, des modulateurs peuvent être réalisés à partir de guides en arête. Leur fonctionne-ment repose sur la variation d’indice de réfraction induite par un changefonctionne-ment de concentration des porteurs libres dans le silicium. Ainsi, des guides en arête structurés en jonctionspn ou

pipin sont utilisés pour injecter ou drainer des charges dans une région du guide. Cette archi-tecture combinée avec des résonateurs [63] ou des interféromètres de type Mach-Zender [64] permet de réaliser des modulateurs d’amplitudes. Des débits de 40 Gb/s ont été obtenus en pla-çant un guidepipindans un des bras d’un interféromètre de Mach-Zender [64]. L’architecture de cette structure est représentée sur la figure 1.12(a).

Les progrès faits dans les procédés d’épitaxie rendent possible la croissance de germanium monocristallin sur des substrats de silicium. En utilisant ce processus, il est possible d’intégrer des photodétecteurs dans des circuits photoniques en silicium. Ces photodétecteurs peuvent constituer la portion finale du guide en arête [65] ou être en interaction évanescente avec le guide en silicium [66], comme dans le dispositif représenté en figure 1.12(b). Ils présentent à la fois une grande sensibilité et des bandes passantes supérieures à 40 GHz.

Le silicium, comme le germanium, est un semi-conducteur à gap indirect et ne peut pas générer efficacement de la lumière : il ne peut donc pas être utilisé comme amplificateur ou comme source laser. Pour combler ce manque, les guides d’onde ont été hybridés avec des matériaux actifs, capables d’émettre et d’amplifier la lumière. Les matériaux intégrés ont été

Chapitre 1. Intégration 3D et hybridation : problématiques et intérêts

(a)

(a) (b)

Figure1.12 –Schéma d’un modulateur (a) exploitant une jonctionpipin en configuration Mach-Zender et (b) d’un détecteur Ge en interaction évanescente avec le mode guidé, réalisés sur substrat SOI, d’après [64] et [66].

principalement des guides d’oxydes dopés avec des terres rares ou des semi-conducteurs III-V. Des guides ruban en alumine amorphe dopés Er3+fabriqués sur substrat de silicium oxydé avec des pertes de propagation de 0,2 dB/cm ont permis de réaliser des amplificateurs [67] et des lasers monomodes [68]. Ces dispositifs nécessitent un pompage optique, mais par rapport à ceux réalisés avec des semi-conducteurs III-V, présentent des meilleures caractéristiques de bruit et une plus grande stabilité vis à vis des dérives thermiques. Ces composants peuvent faire concurrence aux semi-conducteurs dans des systèmes qui demandent une plus faible dé-formation du signal lors de l’amplification ou une largeur de raie d’émission laser extrêmement faible. L’intégration des guides en arête en alumine avec des guides rubans réalisés sur substrat SOI à été démontrée à partir de guides rubans en épanouisseur inversé, comme représenté en figure 1.13(a). Les pertes par couplage à chaque interface sont de 2,5 dB, mais pourraient

(a)

Fig. 1. Schematic of a SOI on-chip optical circuit including monolithically integrated

(b)

Figure 1.13 – Intégration du guide ruban en Si avec un guide en arête en alumine dopée Er3+. Épanouisseur (a) et schéma d’un circuit intégré optique qui hybride fonctions passives en Si et actives en alumine amorphe dopée Er3+(b), d’après [69].

1.4. Vers des plateformes technologiques

être réduites à 0,5 dB [69]. Des pertes par interface de cet ordre permettent d’envisager des circuits intégrés optiques complexes, dont un exemple est schématisé en figure 1.13(b), dans lesquelles les pertes, engendrées par la propagation dans les blocs passifs, sont compensées par des guides amplificateurs en alumine amorphe dopés Er3+. Des solutions unissant le pompage électrique avec des guides d’oxyde dopé erbium ont été proposées [70], mais n’ont pas encore été réalisées.

La première intégration d’une source laser pompée électriquement en photonique sur sili-cium a été faite en utilisant des semi-conducteurs III-V [71]. La croissance épitaxiale de ces semi-conducteurs sur silicium est compliquée, principalement à cause de la différence de para-mètres de maille entre les réseaux cristallins qui entraîne des contraintes et des défauts. Ces derniers empêchent une génération efficace de la lumière. Le problème a été contourné en uti-lisant l’adhésion moléculaire. Le recours à cette technique permet d’intégrer le matériau actif au niveau de la gaufre et de pouvoir profiter de la production en parallèle des circuits hybrides, où les fonctions actives et passives sont alignées pendant les étapes de lithographie. Pour la première démonstration, la gaufre SOI, préalablement lithographiée et gravée pour obtenir des guides ruban à sa surface, est collée à un superstrat « actif ». Ce superstrat est une structure complexe réalisée par épitaxie à partir de la gaufre en InP, qui contient des puits quantiques en AlGaInP, responsables de l’émission de la lumière. Les autres éléments de la structure assurent la connexion électrique des puits quantiques et l’absorption des contraintes qui peuvent être générées lors du collage. La partie structurée du substrat InP est collée au circuit intégré passif fabriqué sur le substrat SOI ; cette procédure ne demande aucun outil d’alignement précis. En effet, les étapes lithographiques destinées à délimiter les régions actives sur la gaufre de SOI et à réaliser les contacts électriques ont lieu après le collage. L’architecture du laser hybride est schématisée dans la figure 1.14(a) alors que l’image 1.14(b) permet de localiser sur la facette de sortie du dispositif les différentes régions qui le composent. La figure 1.14(a) met en évidence

(a)

(a) (b)(b)

Figure 1.14 – Schéma (a) et image obtenue avec un microscope électronique à balayage (b) du laser hybride, d’après [71].

le fait que le mode guidé est principalement confiné dans le guide ruban en silicium et interagit de manière évanescente avec les multi-puits quantiques réalisés par épitaxie sur la gaufre en InP. Cette interaction évanescente est suffisante pour obtenir l’émission laser dans la structure en utilisant simplement la réflexion naturelle des facettes du dispositif pour la rétroaction. Des amplificateurs peuvent être réalisés en utilisant la même structure [72]. Les performances

Chapitre 1. Intégration 3D et hybridation : problématiques et intérêts

du laser peuvent être améliorées en intégrant un réseau de Bragg pour la contre-réaction. Des variantes de ces procédés et différentes architectures [73] ont été proposées pour hybrider des sources laser ou des amplificateurs sur SOI ; toutes font recours au collage moléculaire entre une gaufre SOI et une gaufre III-V.

Les résultats récents obtenus en hybridant différents matériaux et fonctions optiques sur le substrat SOI font de cette technologie une plateforme performante pour des applications en télécommunication et les capteurs. Néanmoins, la rentabilité des circuits en photonique sur silicium reste liée au nombre de composants demandés. En effet, l’utilisation des moyens lourds de la microélectronique est justifiée pour de grands volumes de production, mais pour les petits et moyens d’autres technologies peuvent être mieux adaptées.