• Aucun résultat trouvé

2. L’évolution du prix du pétrole

2.2. La demande

Nous avons jusqu’à présent mis l’accent sur le côté offre du marché pétrolier. Le prix dépend aussi, évidemment, de la demande : la courbe d’of-fre dont nous avons détaillé les déterminants doit rencontrer la courbe de demande.

(6) Cf. IHS-CERA.

La demande de produits pétroliers, et son évolution, dépend également d’un grand nombre de paramètres qui, comme pour l’offre, reflètent eux aussi les interdépendances et les incertitudes. En 2008, on estimait qu’en-viron la moitié de la consommation de pétrole était le fait des transports, le reste allant à la production de chaleur, d’électricité et à la pétrochimie. La part allant au transport varie d’un pays à un autre : moins de 30 % en Inde, plus de 60 aux États-Unis. Toutefois, au niveau global, selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le transport est le principal facteur explicatif de la croissance de la demande de produits pétroliers. Les pays de l’OCDE comptent pour environ 55 % de la consommation globale mais leur part diminue au profit des pays non-OCDE, en particulier de ceux caractérisés par une croissance démographique forte et un potentiel de crois-sance élevé. En 2008, l’AIE estimait que 42 % de la croiscrois-sance de la demande de produits pétroliers d’ici 2030 pouvait être attribués à la Chine et l’Inde.

La crise économique a probablement modifié l’évolution anticipée de la demande, en accentuant les spécificités régionales et le clivage OCDE/non-OCDE. On se demande, d’une part, si la demande de produits pétroliers n’a pas déjà atteint un peak dans certains pays industrialisés (les États-Unis, la France ?) et, d’autre part, quelle va être la force de la demande dans les pays non-OCDE.

Ainsi, région par région, l’évolution de la demande de produits pétro-liers dépend du niveau de prix du pétrole brut, des taxes, de la croissance économique et de la qualité de celle-ci (va-t-on vers une croissance plus verte et plus soucieuse de l’environnement dans les pays OCDE ?), des politiques énergétiques mises en place.

À moyen terme, entreprises et ménages peuvent choisir leurs sources d’énergie et adapter leurs technologies et leurs équipements. La demande de pétrole est alors relativement élastique au prix, Elle l’est beaucoup moins à court terme car les agents ne peuvent alors que faire varier à la marge les montants consommés. Ils pourront en particulier réagir aux hausses de prix des carburants en réduisant l’utilisation de leur voiture personnelle, mais ne changeront guère leur utilisation de fioul à des fins de chauffage. Dans leur complément à ce rapport, Marie Clerc et Vincent Marcus font ainsi état d’une élasticité de la demande de carburants des ménages français de l’ordre de 0,4 à long terme et de 0,2 à court terme, alors que la demande d’énergie domestique est nettement moins sensible au prix. Les élasticités-prix mesurées dans d’autres pays sont du même ordre.

Le niveau de prix atteint par le pétrole brut et les carburants en juillet 2008 a clairement fait joué cette élasticité-prix et, peut-être des changements de comportements comme on paraît l’observer dans le cas français. Notons que cette hausse des prix a touché de façon très différenciée les différentes catégories professionnelles et sociales. Les personnes vivant en milieu ru-ral, qui ont impérativement besoin d’une voiture individuelle et qui, sou-vent, sont chauffées au fioul, ont été durement touchées dans leur pouvoir d’achat. À l’opposé, le citadin qui n’a pas de voiture et utilise les transports en commun, est beaucoup moins touché.

Il est intéressant de rappeler l’évolution de la consommation française de carburants en 2008. De janvier à mai 2008, la consommation française de carburants a été stable par rapport à 2007. En juin 2008, au moment où les prix des carburants à la pompe ont atteint des niveaux record, la con-sommation a chuté de 9,4 % par rapport à l’année précédente. Toujours comparée aux mêmes mois de 2007, cette baisse a atteint 12,3 % en août et en novembre 2008. Les reculs de consommation en juin et en août corres-pondent clairement à un effet prix. En revanche, la baisse de novembre, alors que les prix avaient considérablement baissé, reflète l’impact de la crise économique qui détruit une partie de la demande. En prenant l’ensem-ble de l’année 2008, la consommation française de carburants a baissé de 2,8 %. Face à cette évolution, l’Union française des industries pétrolières (UFIP) a demandé à l’IFOP d’effectuer une enquête d’opinion pour recher-cher si cette baisse correspond à des changements durables de comporte-ments des automobilistes. Il semble bien que les automobilistes français aient adopté de nouvelles habitudes.

Cette enquête, réalisée en janvier 2009, soit après la chute des prix, met en évidence les changements de comportement suivants. À la question « au cours des douze derniers mois, avez-vous été amené à modifier votre mode d’utilisation de votre voiture ? » les réponses ont été (en pourcentage des réponses totales) :

• rouler moins vite pour utiliser moins de carburant (58 %) ;

• réduire l’utilisation de la voiture (39 %) ;

• changer le lieu d’approvisionnement pour payer moins cher (39 %) ;

• acheter ou envisager d’acheter une voiture qui consomme moins (24 %).

Parmi les personnes qui ont changé de comportement, près de 80 % d’entre elles considèrent que ces changements sont peu ou pas du tout contraignants.

Il est intéressant de retenir que les causes invoquées pour expliquer le changement de comportement (notées par ordre d’importance de 1 à 10) sont les suivantes :

• la hausse du coût du carburant (7,8) ;

• le souhait de mieux respecter l’environnement (7,1) ;

• le souhait de recentrer les dépenses sur les besoins essentiels (6,7) ;

• la volonté de se maintenir en forme en marchant ou en faisant du vélo (6,3) ;

• une réduction générale des dépenses amenant à moins se déplacer (5,8) ;

• la volonté de changer un certain nombre d’habitudes de vie (5,7).

Enfin, 82 % des personnes interrogées considèrent que si le prix du car-burant baissait en 2009, elles n’utiliseraient – certainement pas ou proba-blement pas – davantage leur voiture.

Ces changements de comportement vis-à-vis de la voiture et des services demandés à celle-ci avaient été perçus par les constructeurs bien avant la hausse des prix de juillet 2008 comme nous l’ont indiqué des personnes auditionnées. D’autres éléments confirment ces changements de

compor-tement : l’âge moyen de l’acheteur d’une voiture neuve en France est de 53 ans. La proportion de jeunes qui ne passent pas leur permis de conduire augmente (différents facteurs d’explication se combinent). Les auditions ont montré par ailleurs que la grande distribution est touchée elle aussi par ce changement de comportement. Les consommateurs ne sont plus dispo-sés à faire 80 km pour faire leurs courses dans une hyper-surface.

Ces changements de comportement reflètent trois facteurs de nature dif-férente :

• la prise de conscience du réchauffement climatique et de la nécessité de préserver davantage l’environnement ;

• la crainte d’une remontée inéluctable des prix ;

• une évolution dans la conception que les individus peuvent avoir de la mobilité, au sens le plus large.

Le second déterminant de la demande de pétrole, à côté du prix, est la croissance économique. Toute hausse de la production mondiale augmente immédiatement les besoins des entreprises tandis que la hausse des revenus qui l’accompagne permet aux ménages de consommer plus. La hausse des années 2000 et le retournement qui l’a suivie en 2008, s’expliquent en par-tie ainsi puisque le début de la décennie a bien été une période de dévelop-pement de la production mondiale, notamment dans les pays émergents, et que l’économie mondiale est entrée en crise en 2008. La demande mon-diale de pétrole a baissé de 2,2 % en 2009. Tout laisse à penser qu’elle va retrouver rapidement le chemin de la croissance, notamment dans les pays émergents.