• Aucun résultat trouvé

La croissance verte

4. Préconisations

4.3. La croissance verte

4.3. La croissance verte

Les tonnes de CO2 évitées constituent le premier critère d’évaluation du programme de croissance verte. L’Union européenne s’est engagée en dé-cembre 2008 à réduire de 20 % ses émissions de CO2 à l’horizon 2020. Une action résolue et cohérente s’impose dès maintenant pour atteindre cet ob-jectif à moindre coût, en évitant de devoir prendre plus tard, dans la préci-pitation, des mesures devenues plus coûteuses. C’est là le sens du Grenelle de l’environnement qui s’est tenu fin 2007 et a reçu une première traduc-tion législative.

Les tonnes de CO2 évitées doivent évidemment être rapportées au coût économique qui doit être supporté pour les éviter. Le respect de nouvelles normes et réglementations environnementales impose des coûts supplémen-taires aux entreprises et ménages, en les forçant à adopter des procédés de production, de construction, de chauffage plus propres mais plus coûteux.

Il faut également prendre en compte le coût public des subventions et des incitations monétaires mises en place par la puissance publique. Une ana-lyse coûts-avantages est donc nécessaire pour classer les différentes mesures mises en œuvre et privilégier les plus efficaces. La mise en place d’un prix unique du carbone permet en principe d’aboutir au même résultat. Les agents privés supportent, à la marge, les coûts des émissions et il est donc dans leur propre intérêt de mettre en œuvre les plus efficaces. L’objectif d’un prix unique du carbone, fixé à un niveau reflétant bien les dommages environnementaux des émissions reste pourtant assez éloigné. Des régle-mentations environnementales différenciées subsisteront donc, dont il fau-dra mener une évaluation permanente.

Le développement rentable de nouvelles activités et de nouveaux em-plois dépend de l’émergence d’une demande solvable, ce qui amène évi-demment à se préoccuper des prix soutenables après subvention. Il s’ac-compagne aussi de destructions dans les activités existantes. L’évolution de l’emploi vert dépend de la vitesse à laquelle les produits et modes de production verts se substitueront aux anciennes activités. Ceci dépend des possibilités de substitution dans la demande des consommateurs. Si la de-mande pour les produits verts se révélait peu élastique au prix, la baisse prévisible de leur prix relatif n’entraînerait pas de forte croissance de la demande et l’emploi vert n’augmenterait que peu. On peut espérer qu’il en ira différemment et que ce nouveau type d’emploi augmentera de manière relativement spontanée, ce qui sera une bonne chose pour l’environnement mais aussi pour les finances publiques qui pourront réduire progressivement leurs subventions.

Le nécessaire redéploiement de l’économie vers une croissance plus verte sera un processus long nécessitant des investissements privés et publics importants. Comme nous l’avons dit, son évaluation doit donc se situer d’abord dans une perspective de long terme. Mais elle doit aussi s’appuyer sur une analyse des bénéfices qui peuvent être attendus à court terme. Le soutien à la croissance verte permet des créations d’emploi, réduit la dé-pendance énergétique et peut contribuer à améliorer les comptes extérieurs.

20. Les effets attendus du Grenelle de l’environnement Source : ADEME (2008).

Marc (en milliards d’euros)Taux de croissance (en %) Emplois Taux de croissance (en %) 2007 2012 2006-2007 2007-20122007 20122006-2007 2007-2012 Énergies renouvelables (EnR) 9,4 24,0 21 21 52 000 120 000 5 18 investissement en systèmes de production et achats d’équipements de chauffage5,9 15,8 12 22 34 000 87 000 2 21 ventes3,5 7,9 41 18 18 000 33 000 12 13 Efficaci énergétique24,0 46,0 16 14 169 000 320 000 14 14 sidentiel 9,1 22,0 9 19 98 000 216 000 3 17 transport 15,0 24,0 20 10 71 000 105 000 18 8 total 33,0 70,0 17 16 220 000 440 000 8 15

Dans un contexte de crise de l’économie mondiale, il est apparu naturel-lement comme l’un des axes des programmes de relance, notamment dans leur composante de soutien à l’investissement. C’était le cas du plan américain de février 2009 et du plan français de décembre 2008, qui doit trouver un prolongement dans la mise en œuvre attendue du Grenelle de l’environnement.

Une perspective keynésienne, qui s’exprime notamment dans le complé-ment à ce rapport de Gaël Callonnec, Thomas Gaudin et François Moisan, peut alors mettre en évidence un certain nombre de mécanismes favorables.

Les emplois créés et les revenus distribués suscitent une augmentation de la demande qui stimule l’activité. La diminution de la facture pétrolière renforce cet effet en augmentant le revenu disponible. Le soutien à la crois-sance verte exerce ainsi des effets multiplicateurs sur la production et l’em-ploi. En outre, le déficit extérieur tend à se réduire grâce à l’allégement de la facture pétrolière et à des investissements requérant moins d’importa-tions, comme ceux qui concernent l’amélioration des performances énergé-tiques des bâtiments ou le développement de transports ferroviaires. Des effets négatifs s’exercent aussi. Le développement de certaines technolo-gies vertes se traduit par des importations, par exemple, d’éoliennes. Le soutien à certains secteurs évince la demande s’adressant à d’autres sec-teurs. Une analyse macroéconomique approfondie est nécessaire pour bien prendre en compte tous les effets indirects du soutien à la croissance verte.

4.3.2. Les effets du Grenelle de l’environnement

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME, 2008) a évalué les effets à attendre de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. L’étude repose sur une décomposition assez poussée des types d’activités et d’emplois qui bénéficieront des mesures prises.

Le tableau 20 en synthétise les résultats. L’étude présente l’intérêt de partir d’une analyse précise de la taille et de la composition actuelle des activités que l’on peut qualifier de vertes. Comme le montre le tableau en reproduisant les taux de croissance observés 2006-2007, ces activités con-naissent déjà une forte croissance, qui s’est élevée globalement à 17 % pour cette seule année. Cette forte croissance est due notamment à la progres-sion vigoureuse des investissements dans des équipements utilisant des éner-gies renouvelables, des travaux d’isolation des ménages et de l’utilisation des biocarburants.

Le tableau présente ensuite les résultats attendus du Grenelle. Il prévoit la création de 220 000 emplois d’ici 2012, soit un doublement de l’emploi du secteur. L’étude prévoit un maintien du taux de croissance actuel du secteur – déjà élevé. Les segments moteurs en seraient les énergies renouvelables et le bâtiment.

Le Boston Consulting Group (BCG, 2009) a également réalisé une éva-luation du Grenelle. L’étude montre comment l’objectif de réduction de 20 % des émissions nationales de CO2 d’ici 2020 peut être atteint et à

quel-Source : BCG (2009).

010515140

45 % du financement public et 88 % des gains de CO2

Dépenses publiques (en milliards d’euros) 55 % du financement public et 12 % des gains de CO255 % du financement public et 39 % des emplois 45 % du financement public et 61 % des emplois Bonus-malus/véhicule propre

174 Lignes à grande vitesse (LGV) Photovoltaïque (PV) Transports (hors LGV) Rénov. bât. public ou CT au-delà du privé Rénov. bât. public ou CT au niveau du privé Autre bâtiment EnR (hors PV)

Autres 040208060100 Emplois par an/million d’euros publicsEn ktCO2 /million d’euros publics

26. Gains et coûts du Grenelle de l’environnement selon le Boston Consulting Group

les conditions. Elle décrit pour cela les résultats susceptibles d’être obtenus dans les différents programmes du Grenelle ainsi que les coûts que la puis-sance publique devra supporter pour atteindre ces objectifs.

Les émissions en 2020 sont réduites de 75 millions de tonnes de CO2 par rapport à 2007. Ce résultat appréciable procède pour moitié de la subs-titution d’énergies renouvelables aux énergies fossiles et pour un quart des économies d’énergie dans le bâtiment. Il s’accompagne d’une diminution de près de 20 % de la consommation finale d’énergies fossiles. À ces 75 mil-lions de tonnes de CO2 s’ajoute une réduction de 52 millions de tonnes résultant des mesures antérieures au Grenelle. Les émissions annuelles de la France passent ainsi de 523 à 395 millions de tonnes, soit une diminution de 24 % entre 2007 et 2020, dont 14 points sont spécifiquement dus aux mesures du Grenelle.

La mise en œuvre du programme se traduirait par la création de 600 000 emplois générant en moyenne une production supplémentaire de 37,5 milliards d’euros par an. L’évaluation est ici plus optimiste que celle de l’ADEME qui ne prévoit, à l’horizon 2012, que la création de 220 000 em-plois, mais le BCG (2009, graphique p. 6) suggère que l’augmentation de l’emploi entre 2009 et 2012 ne serait que de 350 000, ce qui rapproche de l’estimation de l’ADEME. Ces chiffres devraient en tout état de cause être confirmés par une analyse plus explicite.

Un intérêt de l’étude du Boston Consulting Groupe (BCG) est qu’elle met systématiquement en rapport les gains réalisés en matière de réduction des émissions de CO2 et d’emploi, avec le coût pour les finances publiques des mesures prises.

La graphique 26 classe dans sa partie gauche les différentes mesures du Grenelle selon leur ratio efficacité-coût c’est-à-dire selon le nombre de ton-nes de CO2 évitées par euro dépensé (pour les finances publiques). Après le bonus-malus automobile, c’est le développement des énergies renouvelables, notamment de l’éolien, qui apparaît le plus rentable sur le plan écologique.

L’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments suit. Les program-mes de transport et notamment la construction de lignes ferroviaires à grande vitesse sont peu rentables car ils requièrent de très gros investissements. Le photovoltaïque apparaît aussi peu rentable. Les coûts financiers de chaque mesure sont représentés sur l’axe vertical, et les quantités évitées de CO2 apparaissent donc comme les aires des différents rectangles. À l’horizon 2020, le coût du Grenelle s’élève à 170 milliards d’euros par an en moyenne, soit une charge de 0,75 % du PIB. La partie droite du graphique représente de la même façon les gains en emploi. Le classement des mesures en termes d’emplois créés est très différent et plus équilibré. Toutes les mesures, sauf le bonus-malus, conduisent à des créations importantes. En définitive, la mise en œuvre du Grenelle apparaît efficace du point de vue environnemental mais serait très coûteuse si on ne regardait que ses effets strictement écono-miques. Dépenser 170 milliards d’euros par an pour créer, en définitive,

600 000 emplois met le coût de l’emploi créé à près de 30 000 euros. On peut aussi noter qu’un coût de 0,75 % du PIB est nécessaire pour ne réduire la facture énergétique que d’environ un demi point de PIB.

Préconisations (III)

1. Mettre en place, éventuellement au niveau européen, une fisca-lité carbone résolue et lisible, en cohérence avec le marché européen des permis d’émissions. Il est urgent qu’entreprises et ménages puis-sent prendre en compte le prix du carbone dans leurs choix énergéti-ques et leurs décisions d’équipement.

2. Accélérer la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement qui contribue à réduire notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles.

Mobiliser des sources de financement innovantes en faisant appel aux consommateurs et aux collectivités locales.

3. Donner aux administrations centrales et aux collectivités locales un rôle moteur exemplaire dans l’accélération du Grenelle, tant sur le plan des investissements que sur le plan des comportements et de la gestion énergie/climat.

4. Favoriser une offre mondiale du Grenelle de l’environnement en proposant une offre diversifiée de services, d’innovations adminis-tratives et institutionnelles, de financement innovant, d’expérimentions réussies et transposables (best practices) notamment dans le domaine des transports, de l’efficacité énergétique, du traitement des déchets, des systèmes énergétiques décentralisés.

5. Mettre en place un dispositif d’évaluation de la politique de sou-tien à la croissance verte. Mener au niveau microéconomique une ana-lyse avantages-coûts de l’ensemble des mesures mises en œuvre. Éva-luer la cohérence macroéconomique du dispositif global, en termes d’em-plois, de productivité, d’équilibre des comptes extérieurs et des finan-ces publiques.

4.4. Réduire la volatilité des cours et réglementer