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1. Les voies métaboliques

Le microbiote colique possède de nombreuses activités métaboliques dont les produits peuvent interagir de façon bénéfique ou néfaste avec l’hôte. Ainsi, la fermentation des glucides représente une activité majeure et malgré la grande diversité des substrats disponibles dans le côlon, les glucides sont métabolisés selon un nombre relativement restreint de voies métaboliques. Les grandes voies de fermentation sont représentées dans la

figure 20.

La majorité des bactéries anaérobies emprunte la voie d’Embden-Meyeroff-Parnas (EMP ou voie de la glycolyse) pour convertir les glucides en pyruvate, à l’exception des bifidobactéries (Wollin & miller 1983). La voie des pentoses phosphate est également empruntée par certaines bactéries coliques, notamment lors du métabolisme des pentoses, et conduit aussi à la synthèse de pyruvate. Le pyruvate, métabolite central de ces processus fermentaires, est ensuite transformé selon différentes voies métaboliques en produits terminaux de fermentation (acétate, propionate et butyrate), représentant les accepteurs finaux d’électrons.

Figure 20. Principales voies métaboliques de fermentation des glucides utilisées par les bactéries du côlon humain

Un certain nombre d’espèces produisent également des métabolites intermédiaires comme le succinate, le lactate ou l’éthanol, afin d’assurer la réoxydation de cofacteurs réduits (NADPH, NADH et FADH2) produits lors de la glycolyse.

La plupart des espèces dominantes de la flore colique humaine produisent de l’acétate lors de la fermentation des glucides. La voie principale de formation de l’acétate est la décarboxylation oxydative du pyruvate conduisant à la synthèse d’une molécule d’ATP. Le propionate est principalement synthétisé par les espèces du genre dominant Bacteroides ainsi que par les Propionibacterium et Veillonella. Dans le côlon humain, le propionate serait majoritairement produit par la voie de décarboxylation du succinate (Miller & Wolin, 1979), voie empruntée par les Bacteroides. Toutefois la voie de l’acrylate, correspondant à la synthèse de propionate via le lactate, pourrait également être importante, notamment dans le cas de régimes riches en oligosides non digestibles.

Les espèces appartenant aux genres Clostridium, Eubacterium, Faecalibacterium,

Roseburia et Butyrivibrio s’avèrent capables, in vitro, de produire du butyrate par la

condensation de deux molécules d’acétylS-CoA avec synthèse d’une molécule d’ATP. L’acétyl-SCoA est également le précurseur de la synthèse d’éthanol, produit in vitro par de nombreuses espèces comme celles des genres Bacteroides, Lactobacillus ou Bifidobacterium.

Enfin, le lactate est produit par réduction du pyruvate. Les espèces bactériennes transformant majoritairement les oses en lactate, ou bactéries lactiques, appartiennent principalement aux genres Bifidobacterium et Lactobacillus ainsi que Streptococcus et

Enterococcus.

2. Les produits de fermentation

Dans le côlon la fermentation des glucides par les communautés bactériennes aboutit principalement à la formation d’acides gras à chaîne courte (AGCC) et de gaz. Les AGCC, sous forme d’anions dans le côlon, sont plus abondant dans le côlon proximal où les substrats sont en grande quantité, entraînant une acidification du milieu intracolique (pH < 6.0). Dans le côlon distal, la concentration d’AGCC est plus faible et le pH est donc plus élevé, de l’ordre de 6.6 (Cummings, et al., 1987). De nombreux modèles animaux (comme le porc) utilisés pour étudier le métabolisme des AGCC chez l’Homme confirment ces données

Bibliographie

69 (Topping & Clifton, 2001). Dans tous les sites coliques, l’acétate, le propionate et le butyrate représentent 85 à 95% des AGCC totaux et le rapport molaire de ces AGCC est égal à 57/22/21 (acétate/propionate/butyrate), (Cummings & Macfarlane, 1991 ; Topping & Clifton, 2001). La production d’AGCC totaux varie de 200 à 500 mmol/jour et ne représente qu’un apport d’énergie pour l’hôte de 5% de l’énergie totale ingérée.

Environ 95% des AGCC produits dans le côlon sont absorbés au niveau de l’épithélium colique et 5 à 10% sont excrétés par les fèces (Hijova & Chmelarova, 2007). Les AGCC majeurs : acétate, propionate et butyrate, sont absorbés à des niveaux équivalents quelle que soit la région colique. Une fois absorbés, les AGCC sont métabolisés et conduisent à un effet bénéfique pour la santé humaine (Roy, et al., 2006). L’acétate est métabolisé par les cellules du foie (50 à 70%), par les muscles cardiaque et squelettique et par le cerveau, représentant ainsi une source importante d’énergie. Le propionate est lui aussi métabolisé par le foie (Cummings, et al., 1987) et joue un rôle dans la nucléogénèse (Hijova & Chmelarova, 2007). Le butyrate est utilisé par les cellules du colonocyte à des fins énergétiques (Clausen & Mortensen, 1994). Ce métabolisme a lieu dans le compartiment mitochondrial du colonocyte où 70 à 90% du butyrate est métabolisé (Basson, et al., 2000 ; Della Ragione, et al., 2001).

3. Les gaz produits

La fermentation des substrats se traduit également par la production de gaz qui sont essentiellement l’hydrogène (H2), le dioxyde de carbone (CO2) et pour 40% de la population le méthane (CH4). Le volume total de gaz formés par fermentation dans le côlon varie de 400ml à 2L par jour (Perez, et al., 2007). Ces gaz sont en partie excrétés par le rectum ou par voie pulmonaire (environ 20% des gaz), (Bond, et al., 1971). Contrairement au CH4 et à l’H2, d’origine fermentaire, le CO2 peut avoir plusieurs origines : sanguine, fermentaire ou par dissociation du bicarbonate. Le CO2 est rapidement éliminé après sa formation, sa concentration atteint 8 à 50% dans les flatulences. La production d’H2 est d’environ 100 à 300ml par gramme de substrat fermenté. Son élimination a lieu en partie par dissolution dans le sang et par excrétion pulmonaire (10-15%) ou dans les flatulences (10-20%), mais le mécanisme majeur d’élimination de l’H2 reste son utilisation par les microorganismes hydrogénotrophes (Christl, et al., 1992). Le méthane produit par la moitié de la population environ, provient du métabolisme des archaea méthanogènes qui utilisent l’H2 pour réduire le

Polyosides complexes

Bactéries fibrolytiques

Osides et oligosides

Produits intermédiaires de fermentation (lactate, succinate …) Bactéries

fibrolytiques

Bactéries glycolytiques

Acétate Propionate Butyrate CO2 H2 SO4

Bactéries hydrogénotrophes Méthanogènes (CH4) Acétogènes (CH3COOH) Sulfato-réducteurs (H2S)

Produits terminaux de fermentation

CO2 et former du CH4. Ce gaz est totalement excrété dans les flatulences et par voie pulmonaire.

4. Dégradation microbienne des fibres pariétales

La dégradation des polymères glucidiques dans le côlon est un processus complexe qui requiert la contribution de différents groupes bactériens possédant des activités métaboliques variées, complémentaires et qui sont associées en une chaîne trophique (Figure 21).

Bibliographie

71 Les polyosides sont tout d’abord hydrolysés en fragments plus petits par les bactéries fibrolytiques intervenant lors de la première étape de la chaîne trophique. La communauté fibrolytique est composée d’espèces bactériennes capables de synthétiser des enzymes permettant d’hydrolyser les liaisons existant entre les différents polymères composant les parois végétales. Les oses libérés par cette hydrolyse sont ensuite fermentés d’une part par cette flore fibrolytique et d’autre part, par les espèces non-fibrolytiques (espèces glycolytiques), incapables d’utiliser les polymères, mais qui se maintiennent grâce à l’utilisation des produits d’hydrolyse. La croissance des espèces glycolytiques est donc en grande partie contrôlée par l’activité des espèces fibrolytiques, par la disponibilité en glucides libérés, ainsi que par la compétition pour le substrat entre ces différentes espèces.

La fermentation des oses libérés aboutit à la formation d’AGCC, d’hydrogène et de dioxyde de carbone. Des métabolites intermédiaires sont également formés comme le lactate, l’éthanol, le formiate ou le succinate, qui ne s’accumulent pas dans l’écosystème mais sont rapidement réutilisés par d’autres espèces (Wolin & Miler, 1983).

L’hydrogène est un métabolite intermédiaire majeur qui est, pour une grande part, réutilisé

in situ par la communauté hydrogénotrophe. Trois mécanismes de réutilisation de l’H2

fermentaire ont été mis en évidence dans le côlon : la méthanogénèse conduisant à la formation du méthane ; l’acétogénèse réductrice, conduisant à la production d’acétate, source d’énergie pour les cellules eucaryotes ; la sulfato-réduction conduisant à la formation de sulfure d’hydrogène potentiellement toxique pour les cellules eucaryotes.