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III. LES BACTERIES FIBROLYTIQUES

1. Description des communautés fibrolytiques par méthodes culturales

La digestibilité de la cellulose (50 à 80%) ou des hémicelluloses (90 à 95%) étant importante dans le côlon, les communautés bactériennes cellulolytiques et hémicellulolytiques sont attendues à un niveau important dans cet écosystème. Un nombre restreint d’études a concerné le dénombrement des flores cellulolytiques du côlon humain. La plupart de celles-ci ont été réalisées à l’aide de celluloses de nature différente et sur un nombre limité de sujets (Betian, et al., 1977 ; Montgomery, 1988 ; Wedekind, et al., 1988). Les bactéries cellulolytiques dénombrées au cours de ces études pouvaient atteindre un niveau moyen de 108 par gramme de fèces. Seuls les individus méthano-excréteurs possédaient une

communauté cellulolytique capable d’hydrolyser la cellulose cristalline à un niveau de population de 107 à 108 bactéries par gramme de selles (Robert & Bernalier-Donadille, 2003). Plus récemment, la flore cellulolytique a été dénombrée sur différents types de substrats (Tableau 7) à des niveaux de populations de 107 à 109 bactéries par gramme de fèces soit environ 0,2% de la flore colique totale (Chassard, et al., 2008).

Tableau 7. Niveaux de population des communautés cellulolytiques et xylanolytiques dénombrés dans les fèces de 15 individus sains (Chassard, et al., 2008)

Les espèces cellulolytiques isolées à partir des différents enrichissements obtenus à l’aide de cellulose purifiée ont été assignées aux genres Bacteroides (Betian, et al., 1977),

Eubacterium (Montgomery, 1988), Enterococcus (Robert & Bernalier-Donadille, 2003) et Ruminococcus (Robert & Bernalier-Donadille, 2003), (Montgomery, 1988). D’autres travaux

utilisant différentes sources de cellulose ont aussi montré l’activité des genres Ruminococcus,

Clostridium (Wedekind, et al., 1988) et Butyrivibrio (Rumney, et al., 1995).

La communauté bactérienne hémicellulolytique semble quantitativement plus importante que la communauté cellulolytique. Les bactéries xylanolytiques ont été dénombrées à des niveaux de population compris entre 109 et 1010 bactéries par gramme de

Substrat de croissance log10 N / gramme de fèces Intervalle

Bactéries cellulolytiques

papier filtre de cellulose

n=5 6,0 ± 1,0 4,9 - 7,2 n=10 3,6 ± 1,4 3,0 - 6,5 cellulose Sigmacell 101 8,9 ± 0,7 7,5 - 9,5 épinard 9,0 ± 0,6 7,9 - 9,9 poireau 9,2 ±0,7 7,5 - 9,9 chou 9,2 ± 0,6 7,5 - 9,9 blé 8,8 ±0,7 8,2 - 9,9 Bactéries xylanolytiques

xylane oat spelt 10,1 ± 0,4 9,5 - 10,9

épinard 8,5 ± 0,4 7,5 - 9,9

poireau 8,8 ± 0,7 7,2 - 9,9

chou 9,0 ± 0,7 7,9 - 9,9

Bibliographie

73 fèces (Wedekind, et al., 1988), soit environ 2.6% de la flore colique totale et 5 à 7% de la flore anaérobie stricte (Tableau 7), (Chassard, et al., 2007 ; 2008). Les espèces xylanolytiques isolées sont apparentées aux genres Clostridium, Butyrivibrio, Roseburia et

Bacteroides. Les organismes xylanolytiques les plus abondants appartiennent aux genres Bacteroides et Roseburia (Chassard, et al., 2007). Les isolats de Roseburia sont assignés à

l’espèce Roseburia intestinalis. B. ovatus et B. fragilis ont longtemps été considérées comme les espèces xylanolytiques majeures du côlon (Hespell & Whitehead, 1990) mais de nouvelles espèces de Bacteroides ont été isolées plus récemment, comme Bacteroides xylanisolvens (Chassard, et al., 2007 ; 2008), qui présentent aussi des activités xylanolytiques importantes.

Rôle des Bacteroides dans la dégradation des xylanes

Les Bacteroides représentent une fraction importante de la flore colique (Salyers, 1984). Ce sont des bacilles Gram négatif anaérobie, non sporulant, dont de nombreuses espèces ont été isolées à partir de fèces humains comme : B. thetaiotaomicron, dont le génome a été séquencé (Xu, et al., 2003), B. finegoldii (Bakir, et al., 2006) ou B. intestinalis (Bakir, et al., 2006) par exemple. Différentes espèces de Bacteroides ont la capacité de dégrader les polymères complexes et les sucres simples présents dans le côlon (Wexler, 2007). Dans le génome de B. thetaiotaomicron par exemple, on retrouve 172 gènes de glycoside-hydrolases, codant 23 fonctions enzymatiques différentes, dont de nombreuses hémicellulases (Comstock & Coyne, 2003), montrant l’importante capacité des Bacteroides à dégrader les polysaccharides présents dans l’écosystème côlon (Wexler, 2007).

En 1977 et 1979, deux études du groupe de Salyers ont montré que plusieurs espèces de

Bacteroides étaient capables de dégrader différents polysaccharides, et notamment les

xylanes. Ainsi, B. ovatus, B. eggerthii, B. vulgatus et B. fragilis présentaient des activités xylanolytiques importantes (Salyers, et al., 1977, 1979). Cette équipe a ensuite étudié plus en détail la dégradation du xylane par B. ovatus et B. eggerthii. Les auteurs ont montré que ces deux espèces libéraient dans le milieu de culture de grandes quantités d’oligosaccharides solubles, utilisables ensuite par d’autres micro-organismes du microbiote intestinal (Salyers,

et al., 1981).

En 2007, la flore xylanolytique a été à nouveau caractérisée dans notre laboratoire (Chassard, et al., 2007). Plusieurs souches de différentes espèces de Bacteroides ont été isolées dans cette étude, et il a été montré que B. intestinalis possèdait aussi une activité

xylanolytique importante, supérieure à celle de B. ovatus. Par contre, d’autres Bacteroides décrits récemment, comme B. dorei par exemple, ne sont pas capables de dégrader les xylanes.

Les seules études visant à décrire le système xylanolytique des Bacteroides ont été conduites chez B. ovatus, et ces travaux restent limités. Deux gènes codant pour des xylanases (xylI et xsa) ont été isolés chez B. ovatus par Whitehead en 1990 ; ces deux gènes appartiennent à un même opéron (Whitehead, et al., 1990 et Weaver, et al., 1992). Les gènes

xylI et xsa codent respectivement pour une xylanase de la famille GH10 et une xylosidase /

arabinosidase de la famille GH43 (Whitehead, et al., 1995), (Weaver, et al., 1992). Les gènes sont induits lorsque B. ovatus est cultivé sur xylane. La xylanase (XylI) et la protéine bifonctionnelle xylosidase / arabinosidase (Xsa) ont des tailles respectives de 43 et 37kDa.

Les capacités de B. ovatus à fermenter des substrats complexes ont été étudiées (Martin, et

al., 1998). Des cinétiques de croissance de B. ovatus pendant 72 heures ont montré que cette

bactérie dégrade efficacement différents sons de céréales (74% de son d’avoine dégradé en 72 heures) et utilise préférentiellement le glucose, le galactose et le mannose présent dans ces substrats. Par ailleurs, des cultures de B. ovatus sur 12 sources de carbone différentes (5 polysaccharides et 7 mono ou disaccharides) ont montré que le niveau de dépolymérisation des polysaccharides n’est pas un facteur limitant à la croissance de cette bactérie. De plus, les mesures des activités enzymatiques indiquent que B. ovatus synthétise un grand nombre d’enzymes qui sont réprimées en présence de sucres simples dans les cultures. B. ovatus est donc une bactérie capable de croître sur de nombreux polysaccharides, dont le xylane, et cette utilisation des substrats est en partie régulée par le niveau d’enzymes synthétisées (MacFarlane, et al., 1990).

Plus récemment, en 2005, plusieurs xylanases ont été isolées à partir d’ADNg de bactéries extraites d’un microbiote fécal de volontaires sains (Hayashi, et al., 2005). Cinq xylanases de la famille GH10 ont été identifiées et leurs séquences sont très homologues aux xylanases des bactéries du groupe Bacteroides / Prevotella. Ces résultats confirment l’importance du rôle des Bacteroides dans la dégradation des xylanes.

Bibliographie

75 Rôle des Roseburia

Roseburia représente un genre majeur du microbiote colique de l’homme. Les espèces de

ce genre ont été essentiellement décrites comme amylolytiques, et jouent un rôle important dans la production du butyrate dans le côlon (Ramsay, et al., 2006). Seuls des travaux récents dans notre laboratoire ont montré que certaines espèces comme R. intestinalis étaient xylanolytiques. Nos connaissances sur l’équipement enzymatique de ces bactéries et leur contribution réelle à la dégradation des fibres végétales dans le côlon sont donc encore très limitées.