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Chapitre 2 - Ancrages théoriques spécifiques

2.1. La constellation prise de conscience-apprentissage-développement

2.1.1. Le développement précède l’apprentissage

2.1.1.1 L’apport de Piaget : le constructivisme

Les recherches sur le développement sont fortement influencées par les travaux de Piaget et de Vygotsky. Piaget entreprend d’étudier la genèse des fonctions cognitives chez l’enfant ; de par sa formation de biologiste, il considère que l’intelligence se construit progressivement par l’action, lorsque l’individu entre en contact avec le monde. L’intelligence est le résultat de l’intériorisation de cette action qui s’appuie sur deux processus : l’assimilation et l’accommodation. L’assimilation est l’action de l’individu en vue de s’approprier les données de son environnement pour mieux s’y adapter ; l’individu donne du sens aux objets, fait émerger leurs propriétés et fonctions. Mais lorsqu’il rencontre une difficulté nouvelle, il doit adapter ses structures mentales afin d’assimiler à nouveau les données rencontrées, c’est l’accommodation. C’est une nouvelle réponse de l’individu à l’environnement, elle lui permet d’ajuster ses connaissances lorsqu’elles s’avèrent insuffisantes. Cette confrontation du sujet avec l’environnement, dans une situation sujet / objet, crée un déséquilibre cognitif, appelé « conflit cognitif » et nécessite un rééquilibrage. Les connaissances se construisent ainsi par l’action et s’élaborent à partir des représentations anciennes. L’intelligence n’est de ce fait pas un élément inné (conceptions innéiste) et elle ne nait pas non plus par une simple sensation (conception empiriste).

Le schème et l’activité du sujet apprenant

Chez Piaget, le concept de schème est l’élément central de la théorie de l’adaptation, car il permet l’assimilation et l’accommodation avec une double fonction sur le réel et l’exploration des propriétés du réel. Ce concept est associé à l’idée de progression au cours du développement de l’organisation de l’activité et des conceptualisations.

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L’appropriation comme auto-construction en interaction avec le milieu

Chez Piaget, cette appropriation est d’abord l’objet d’une auto-construction analogue, selon lui, à celle concernant les structures objectives de coordination (assimilation-accommodation) des actions, propres au stade sensori-moteur. Le même processus naturel d’interaction entre organisme individuel et milieu s’applique initialement aux comportements et aux objets non langagiers, et il provoquerait la rencontre avec les mots ou les signes de l’entourage. Par le jeu, notamment des mécanismes d’abstraction réfléchissante, ces structures se transposeraient au plan des représentations autonomes, et se transformeraient en structures opératoires, ébauches des structures logiques du raisonnement et de la pensée qui peuvent ensuite intervenir dans l‘apprentissage de la réflexivité. Dans l’ouvrage La formation du symbole (1946/1964), cette interprétation passe sous silence ou, plus justement, laisse de côté le statut des signes langagiers et le rôle de l’entourage humain. Revenant sur ce point particulier Piaget se borne simplement à déclarer que « les opérations de la pensée […] tiennent aux coordinations générales de l’action […] et non pas au langage et aux transmissions sociales particulières, ces coordinations générales de l’action se fondant elles-mêmes sur les coordinations nerveuses et organiques qui ne dépendent pas de la société. » (Piaget, 1970, p.177). Donc les processus par lesquels l’organisme humain accède à la maîtrise de son propre fonctionnement psychique proviennent des seules capacités naturelles de l’organisme, et les interventions sociales et langagières n’y jouent aucun rôle particulier

Les stades de développement préfigurent les apprentissages

Piaget est amené à découper le développement intellectuel de l’enfant en grandes périodes, ou stades. Sa thèse se prolonge avec l’idée de la construction du social par le biologique, dans laquelle s’est engagé le neuro-cognitivisme : « Les structures générales mentales et les structures générales sociales sont de formes identiques et témoignent donc d’une parenté de nature, dont les racines sont sans doute en partie biologiques. » (Piaget, 1970, pp. 180-181).

Cette insistance à promouvoir le biologique s’illustre ensuite dans l’intervention et la contribution de Piaget dans le débat sur l’évolution des espèces puis, plus tard, à travers la thèse qu’il soutient sur le rôle de l’activité créatrice des organismes dans le processus d’évolution de ces mêmes espèces et la possibilité ainsi d’une transmission héréditaire de certains acquis (1967) Cette démarche appliquée à l’acquisition du langage permet à Piaget d’affirmer que celle-ci découle linéairement du développement sensori-moteur antérieur, et qu’elle n’a qu’un impact secondaire ou purement instrumental sur l’émergence de la pensée consciente et opératoire. Les structures de cette dernière constituent avant tout les suites de la logique des schèmes d’action du bébé.

Cette thèse ne consiste pas, en revanche, à considérer que toute connaissance présuppose l’expérience: une forme d’interaction avec le sujet et le milieu est cependant nécessaire, au terme de laquelle certaines propriétés de ce milieu ou empiries sont enregistrées et conservées. Elle indique aussi que l’esprit analyse et organise ce matériau en lui appliquant des catégories rationnelles (temps, espace, causalité, etc.) qui relèvent de ses propriétés intrinsèques et qui ne sont pas à priori ou innées. Cette application des catégories de la raison aux données expérientielles aboutissent aux diverses formes de jugement et de raisonnement humains. Si l’on écarte avec Piaget le fait que ces catégories rationnelles, en tant que telles, ne sont pas innées mais sont construites par les mécanismes biologiques généraux, en particulier

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dans l’articulation entre processus d’abstraction empirique et processus d’abstraction réfléchissante.

Il faut reconnaître indiscutablement le mérite à Piaget de proposer une démarche proprement scientifique qui met en évidence le rôle décisif du comportement dans la transformation des espèces. Seulement sa lecture de l’acquisition reste essentiellement biologisante. C’est que conteste Jean Paul Bronckart (2002, p. 35) pour qui « Piaget est cependant resté insensible aux apports des approches historiques qui, chez Hegel, Marx et Vygotski soulignent le rôle décisif du social et du langage dans l’émergence de la conscience humaine. De cet ancrage découle une lecture du processus d’hominisation qui reste sans histoire, quasi intégralement évolutionniste. » Le même Bronckart (op. cité, p. 36) récuse, à juste titre, me semble-t-il, cette lecture exclusive quand elle s’applique aux données empiriques qui la fondent : « l’adulte, par ses actions et ses interventions verbales, stimule et guide en permanence l’activité de l’enfant, et il ajuste en outre ses interventions en fonction de son évaluation des capacités comportementales actuelles de ce dernier.»

Comment dès lors penser cet accompagnement et ses apprentissages si l’on demeure convaincu, à l’instar de Piaget qu’ils sont soumis au déterminisme biologique et que le développement précède l’apprentissage ?

La méthode clinique

Les travaux de Piaget ont apporté beaucoup à la psychologie du développement surtout en ce qui concerne sa méthode clinique qui tient à la fois de l’entretien psychiatrique et de la psychologie expérimentale. Celle-ci dépasse tout ce qui est produit par les méthodes d’observation pure, les questionnaires et les tests par le fait qu’elle vise à mettre en évidence ce qui et généralisable dans la conduite des sujets.

2.1.1.2. Du conflit cognitif au conflit sociocognitif

Il y a conflit cognitif lorsqu’une contradiction existe dans une situation entre « ce que l’enfant croit et ce que le monde lui révèle. Si l’enfant prend conscience de cette contradiction, cette expérience peut être à l’origine de déséquilibres (ou de perturbations), l’incitant questionner ses propres connaissances et à en essayer de nouvelles. La perturbation de l’équilibre intellectuel a bien été travaillé par Piaget (1975) ; selon lui c’est bien le conflit entre différents éléments cognitifs qui, chez un même individu, lui permet de réorganiser ses connaissances. Il y a apprentissage intellectuel qui se fait dans une succession de déstructurations/restructurations cognitives. Le réel, le monde des objets est à l’origine de ce processus mais l’environnement social peut jouer le même rôle, ainsi Piaget pense que les enfants peuvent vivre des situations groupales, avec des enfants du même âge, propices au choc des idées qui les incite à réexaminer, revoir, et justifier leurs propres connaissances. Ce choc est le conflit socio-cognitif mis en exergue par l’Ecole NéoPiagétienne et les Psychologues Sociaux de Genève pour qui la conception piagétienne du fonctionnement de la pensée « laisse peu de place aux facteurs externes, notamment aux facteurs sociaux et à l’influence des autres » (Brossard et Fijalkow, 1998, p.18) mais permet de comprendre que des structures plus développées sont le résultat de transformations et de coordinations de structures ou de schèmes de niveau inférieur.

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Mais toute tentative d’influence externe experte peut contrarier l’activité de recherche et parasiter le fonctionnement de la pensée collective, donc l’échange libre des idées n’a de valeur que s’il est associé à l’égalité, et que chaque partenaire soit considéré comme des égaux, c’est une condition indispensable au bon déroulement de la collaboration. Cela, Vygostki l’avait compris.

2.1.2. Apprentissage, médiation et développement chez Vygotski

Dans l’Histoire du développement des fonctions psychiques supérieures, Vygotski développe (en théorie mais aussi en actes) la nécessité et la fécondité d’une approche génétique, étudiant le psychisme et le comportement non comme formes faites mais comme histoire. (1928-1931 / 2014)

Ses thèses et cette approche génétique et comparative y sont mises en œuvre, dans les 10 derniers chapitres, afin de démontrer la double origine biologique et socio-sémiotique de la pensée consciente humaine et s’apparentent, au plan ontogénétique, à la thèse de l’hominisation formulée par Engels dans La dialectique de la nature. Il y étudie le développement de la signification (au cœur de Pensée et langage, son premier ouvrage traduit en français) et une conception de la personnalité, non comme ensemble additif de fonctions faisant l’objet de développements séparés, mais comme système de rapports évolutifs entre elles, faisant lui-même l’objet d’un développement. Donc, si « le conflit entre les formes développées, les formes culturelles de comportement à la rencontre desquelles va l’enfant et les formes primitives qui caractérisent son propre comportement est l’essence même de son développement culturel », celui-ci « ne peut être ni, d’un côté, identifié au processus de maturation organique ni, de l’autre, ramené à une simple assimilation mécanique d’habiletés externes.[…] Le développement culturel, comme tout autre, est soumis à ses propres lois, il a son propre cadre interne, ses propres stades » (op. cité, pp. 113, 273-274, 505-506) et ne saurait être envisagé comme réorganisation et développement séparés de « fonctions » indépendantes, mais comme développement et restructuration du système de leurs rapports qu’est la personnalité.

Une telle conception dialectique du développement humain ne vaut pas seulement pour le développement de l’enfant, mais également pour celui de l’adulte, quoique selon des modalités qu’il convient de spécifier ce qui est l’objet même de cette recherche en thèse.Si le développement relève de l’acquisition et de l’usage « d’instruments psychologiques » (au sens que Vygotski donne à ce terme) au cœur de situations éducatives, d’activités sociales ou professionnelles comme la VAE, formelles ou informelles, et d’échanges avec autrui, inscrits dans des rapports sociaux d’apprentissage, de collaboration, il ne s’y réduit pas. S’il va de l’inter-psychique à l’intra-psychique, ce mouvement est tout sauf «sans histoire(s)». D’une part, il n’est jamais simple internalisation, incorporation ou «pli», mais toujours processus productif, de développement et de transformation, car « les fonctions psychiques ne prennent le caractère de processus interne qu’à l’issue d’un développement prolongé.

Leur transfert à l’intérieur est lié à des changements dans les lois qui gouvernent leur activité ; elles sont incorporées dans un nouveau système qui possède ses propres lois » (Pensée et langage); « bien entendu, le passage du dehors au dedans transforme le processus lui-même, modifie sa structure et ses fonctions. Derrière toutes les fonctions supérieures,

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derrière leurs rapports, il y a génétiquement des rapportssociaux, il y a les rapports réels des individus » (op. cité, p. 286). D’autre part, ce mouvement peut être facilité, ou au contraire gêné ou empêché par les caractéristiques des situations et des rapports sociaux ou intersubjectifs dans lesquels ces activités et ces échanges se réalisent ; dès lors, l’étude du développement ne saurait être séparée de l’analyse de la spécificité et de la pluralité, des « activités médiatisantes », des instruments ou artéfacts, des sphères d’expérience, des contextes et des historicités qui font l’épaisseur et l’hétérogénéité des situations et des processus par lesquels il se réalise ou se grippe. Ce dont il sera discuté à la section 2.5

Chaque activité, chaque usage, chaque acquisition, les processus développementaux générés, les médiatisations opérées et les dynamiques subjectives et intersubjectives auxquels ils peuvent donner lieu, apparaissent ainsi pluri-déterminés.

D’une part, ces processus développementaux s’inscrivent au carrefour de plusieurs «pré-histoires», d’abord celle des sujets : ici, ce sont les candidates à la VAE CAP Petite Enfance, celle des institutions, le DAVA, et celle des situations et rapports sociaux proposés par l’accompagnatrice ; en outre, ces processus développementaux doivent s’affronter en controverses, en oppositions dont l’issue n’est jamais jouée d’avance, par des tensions, contradictions et ambivalences propres à chacune des situations.

Patrick Mayen (2006, p.136), remarque qu’au cours de l’expérience : « les événements, les situations, les positions ont été l’objet d’attribution de valeur, d’abord par les autres, personnes ou institutions, par les événements tels qu’ils ont été interprétés, ensuite par chacun, mais toujours référencés, en quelque sorte aux yeux, aux mots, aux jugements des autres » (op. cité, p.138).

Ainsi Vygotsky, qui peut être considéré comme un constructiviste, insiste sur la composante sociale dans l’apprentissage. Pour cet auteur, « la vraie direction du développement ne va pas de l'individuel au social, mais du social à l'individuel ». Il définit le concept de zone de développement proximal ou potentiel (ZDP) comme la différence entre un niveau actuel se basant sur ce que l’apprenant sait faire de façon autonome (exemple : résolution d’un problème) et un niveau supérieur auquel il ne peut accéder qu’en étant accompagné par le formateur, et qu’il maîtrise par la suite de façon autonome. Pour le dire d’une façon plus simple : l’apprentissage visé est à la portée de l’apprenant mais pas encore à son niveau. Contrairement à ce qu’on a vu chez Piaget, le développement cognitif est un produit de l’apprentissage et par conséquent le succède. Les fonctions psychiques supérieures (attention, mémoire, affect, raisonnement, pensée verbale, ...) sont issues de la rencontre et des transformations des processus sociaux interpersonnels en processus cognitifs intra personnels.

L’interaction (dimension sociale) entre les candidates, et entre elles et l’accompagnatrice serait-elle donc essentielle pour le développement cognitif de chacune des participantes au dispositif VAE ? Nous le verrons.

2.1.2.1. Apprentissage et prise de conscience

La thèse de Vygotski, sur la double origine biologique et socio-sémiotique de la pensée consciente, comme son œuvre toute entière peut être considérée comme une tentative de replacer le problème de la conscience au centre des préoccupations de la psychologie et notamment « de jeter les bases d’une psychologie qui soit apte à traiter des phénomènes de

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conscience en même temps que des phénomènes d’ordre comportemental » (Bronckart, 1999, p.28) de la conscience, et « comme une tentative de ne pas simplifier ce problème » (Clot, 2003, p.7).

La conscience se réalise dans l’activité

Pour Vygotski « la conscience n’existe pas comme un état mental séparé mais comme un rapport au réel. C’est seulement en mouvement qu’elle montre ce qu’elle est. Si nous la séparons de la vie nous la privons de sa fonction principale qui consiste, au travers de l’action, à nous affranchir des subordinations de la situation concrète » […] « En revanche, en passant d’une activité dans une autre elle se réalise. Elle n’est donc pas seulement représentation et organisation mentale d’une activité – ce à quoi on la réduit souvent- mais traduction d’une activité dans une autre activité, rapport entre activités, liaison des activités. » (op. cité, pp.11-12) Dans son article Conscience, inconscient, émotion, (1925/2003) Vygotski exprime clairement sa thèse : « avoir conscience de ses expériences vécues n’est rien d’autre que les avoir à sa disposition à titre d’objet (d’excitant) pour d’autres expériences vécues. La conscience est l’expérience vécue d’expérience vécues, exactement de la même façon que les expériences vécues sont simplement les expériences vécues des objets » (op. cité, p.78). Il la compare « à un instrument qui isole, fait des choix, sépare, abstrait, fait des choix parmi ce qui a trait à la réalité. » (Friedrich, 2010) Dans le chapitre 8 de la signification historique de la crise en psychologie, (p. 167, 1927/1999), il insiste sur le fait que notre conscience ne se rend pas compte de tout, « c’est comme si la conscience suivait la nature par bonds, avec des omissions et des lacunes » […] elle est « l’organe qui choisit, le tamis qui filtre le monde et le transforme de telle sorte qu’il soit possible d’agir [….] et elle ne représente pas le monde mais elle « le travaille». Donc le chercheur n’a accès au psychisme qu’exclusivement sous formes de fragments qui ont été filtrés et tamisés pour reprendre les termes mêmes de Vygotski, « ce qui sort après la sélection » ; il faut donc retrouver ce qui a été écarté, ce qui n’a pas passé le filtre. Ainsi pour l’analyse des activités professionnelles, Yves Clot s’inspirant de cette idée, différencie dans chaque activité, l’action réalisée de l’action réelle ou réel de l’activité (1999, p.119-120).

La conscience se réalise dans la médiation

Cela nous mène à une autre thèse importante de Vygotski (1925/2003), celle consistant à «reconnaître que l’élément social a dans la conscience la primauté de fait et la primauté de temps » car « l’élément individuel se construit comme dérivé et second, sur la base du social et à son exacte image. » (op. cité, p.90-91)

Comme le remarque Janette Friedrich (2010), Vygotski s’est appuyé sur la « philosophie du devenir » de Hegel qui s’inscrit explicitement dans la lignée du monisme et du panthéisme spinoziste et qui tente de répondre à la question non pas seulement du fonctionnement de la pensée humaine mais à celle de la présence universelle de la conscience dans le monde. En effet selon Hegel, « le monde est le produit de l’idée divine en perpétuelle activité ». Ainsi dans La Phénoménologie de l’Esprit, l’auteur propose un recensement des étapes de l’« autoréalisation de l’idée divine », débutant par l’émergence d’une conscience de Soi comme distinct de l’Autre, et se poursuivant en différenciations successives pour aboutir finalement à l’ensemble des réalisations matérielles, sociales et culturelles de l’humanité. Dans ce mouvement dialectique, le processus général de réappropriation, en l’esprit humain

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singularisé des caractéristiques du milieu auquel le sujet a accès constitue les formes ultérieures de ce mouvement. De par la puissance de son esprit, l’homme se dote d’instruments, de formes d’interaction avec ses semblables et ces productions transforment objectivement le milieu avec lequel il est en contact. La rencontre conflictuelle entre l’esprit et ces propriétés du milieu conduise alors à une synthèse supérieure. Il n’est pas anodin d’observer que dans ce processus permanent, Hegel attribue une importance décisive à la réabsorption dans la conscience des objets culturels, et singulièrement de cette partie du milieu construite par le travail et le langage.

La conscience se réalise dans la médiatisation

Mais Vygotski s’est aussi appuyé sur les thèses radicalement matérialistes de Marx et Engels qui ne pouvaient adhérer, en l’état, à la conception idéaliste de Hegel même si l’idée d’une activité médiatisée, par le biais du travail est reprise stricto sensu. Dans les Thèses sur Feuerbach et dans L’Idéologie allemande, les deux auteurs se proposent, selon une formule célèbre, de « remettre Hegel sur ses pieds » : «pour Hegel, le processus de la pensée, qu’il transforme même, sous le nom d’Idée, en un sujet indépendant, est le démiurge de la réalité qui ne constitue plus que son apparence extérieure. Pour moi, inversement l’idéal n’est rien d’autre que le matériel, traduit et transposé dans la tête humaine » (Marx. Engels, Werke, t. XXII, p. 27).Tout en conservant les principes mêmes de la dialectique comme processus explicatifs des changements historiques, ils en inversent le postulat de départ: ce n’est pas la