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La connaissance et l’utilisation des règles organisationnelles

Dans le document Devenir citoyens parents (Page 98-101)

L’analyse des relations stratégiques Par Cyrille Duch

4.3. Bilan des ressources

4.3.4. La connaissance et l’utilisation des règles organisationnelles

Une autre ressource se mesure à la marge de manœuvre que chacun peut trouver par rapport aux règles, celles-ci déterminent également des lieux où des relations de pouvoir pourront se développer. « En définissant des secteurs où l’action est plus prévisible que dans d’autres, en mettant sur pied des procédés plus ou moins faciles à maîtriser, elles créent et

circonscrivent des zones d’incertitudes organisationnelles que les individus ou les groupes tenteront tout naturellement de contrôler pour les utiliser dans la poursuite de leurs propres stratégies, et autour desquelles se créeront donc des relations de pouvoir. »57 Autrement dit, en contraignant les acteurs à s’insérer dans un ensemble organisé, la structure restreint leur liberté d’action et ce faisant conditionne profondément l’orientation et le contenu de leurs stratégies. La connaissance et l’utilisation des règles organisationnelles deviennent une ressource dès lors que l’acteur en joue dans la réalité pour parvenir à ses fins.

Dans la nature des règles, on peut distinguer celles relatives au contrat qui lie l’association et les salariés. Certains se souviennent avoir été embauchés sans un profil de poste réellement défini. D’ailleurs, ce constat perdure pour les délégués. Situation jugée comme « un tort » quand le premier travail d’accompagnement des délégués pour la création d’une crèche parentale est la définition de fiches de poste. Les règles fixant les horaires et les congés payés ne sont pas davantage formalisées : « c'est un peu flou » ou encore « c’est un système de confiance. » L’absence de règles établies concerne principalement les trois délégués. Les personnes sur les fonctions supports respectent le cadre conventionnel : « pour

les trois délégués, il n’y a aucun respect du droit du travail. On a un contrat de travail et c’est tout. » Les statuts et les liens de dépendance n’ont pas plus de caractère officiel. Il n’existe

pas d’organigramme. L’association a toujours achoppé sur la mise en place d’un coordinateur général. La gestion du personnel est résumée de manière lapidaire par : « sur les ressources

humaines, ça a jamais été génial à l’ACEPP. » L’attribution statutaire trouve une explication

singulière suivant les interlocuteurs. Par exemple, il est bien difficile de comprendre ce qui distingue le délégué ayant un statut de cadre et le cadre qui n’a pas la reconnaissance de délégué. Une première réponse d’un délégué nous apprend qu’ « un délégué, c’est celui qui

porte un thème, qui le développe et qui l’anime au sein de l’Acepp. » Un autre délégué

reconnaît, lui, qu’il ne se « considère pas comme un développeur. » En somme, les règles statutaires qui définissent les qualifications et positions des salariés les uns envers les autres ne sont pas clairement établies. Du coup, les effets en termes d’autonomie ne sont pas les mêmes pour tous.

Malgré un fonctionnement qui s’apparente à une forme de collégialité hérité du « modèle autogestionnaire citoyen », il existe des règles informelles qui donnent des possibilités d’action à certains acteurs. A cet égard, la présidente de l’association assure la fonction de ressource humaine mais il revient aux délégués la gestion quotidienne des

personnes qui travaillent avec eux. La collégialité n’échappe pas à la mise en place de « trois hiérarchies. » Chaque délégué possède son « équipe » avec des « gens qui sont adjoints » et « des gens qui sont en transversal et qui souffrent un peu de pas être associés forcément. » En d’autres termes, le manque de précision de règles relatives au contrat liant l’association et les salariés donnent un avantage sans conteste aux délégués dans leur liberté d’action. Le principal enjeu en question ici est celui de la gestion des carrières.

Au-delà des règles informelles qui permettent de bénéficier d’une importante marge de manœuvre pour parvenir à ses fins, un second élément vient enrichir cette ressource. C’est la faculté de créer des règles formelles. La création de nouvelles règles émane très souvent de l’encadrement. Examinons la position des acteurs à l’ACEPP dans leur rapport aux règles en prenant appui sur le fonctionnement des instances dirigeantes. Dans l’article 9 des statuts, les salariés de l’ACEPP Nationale peuvent être appelés par le bureau à assister, avec voix consultatives, aux séances du conseil d’administration ou du bureau. Or les salariés dans les entretiens ne font référence qu’à un bureau technique. Cette instance ne trouve pas d’existence officielle dans les statuts et le règlement intérieur. Ceux-ci décrivent « un bureau chargé de l’application des orientations définies en assemblées générale et des décisions du Conseil d’administration ainsi que du suivi technique des missions des salariés. » Lorsqu’il est demandé dans les entretiens d’apporter des précisions entre le bureau et le bureau technique, la réponse est « ce n’est pas un bureau, c’est un bureau technique, ça a toujours

fonctionné comme ça. » On peut émettre l’hypothèse que la réinterprétation de la règle

officielle permet d’être présent au niveau des instances dirigeantes où le pouvoir est présent. Un des présidents fondateurs apporte une explication historique sur la nature des règles qui gouvernent l’ACEPP. Au début de l’ACEPP, les décisions se prenaient en Assemblée Générale. Avec le temps, l’ACEPP se structure et les relations avec le bureau se modifient. Cette évolution a été vécue alors par la direction comme un problème : « c’est la

prise de pouvoir des techniciens à l’intérieur de la structure. Parce que comme tout le monde était militant, tout le monde était sur un pied d’égalité. Les uns sont devenus responsables politiques, les autres sont devenus responsables techniques : chargés de missions, responsables de programmes, etc. Et ce qui m’a marqué c’est la tension qui était difficile à réguler entre les responsables politiques et les responsables techniques, qui revendiquaient aussi le pouvoir sur les actions qui étaient menées et, au-delà des actions sur l’ensemble. » Et concrètement, c’était effectivement les chargés de missions qui assuraient le quotidien, « donc ils avaient de fait le pouvoir. »

délégués. Les lieux statutairement décisionnels comme les bureaux ou les conseils d’administration constituent de puissants centres de ressources pour la connaissance et la création des règles organisationnelles. Indubitablement, ils créeront des relations de pouvoir et privilégieront ceux qui y ont accès et qui les utilisent. D’ailleurs, ces instances politiques décisionnelles ont également en général la responsabilité de l’attribution des moyens financiers, matériels et humains.

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