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La collaboration

Dans le document Université de Montréal (Page 67-71)

CHAPITRE 2 - CADRE THÉORIQUE

2.2 Les compétences transversales

2.2.2 La collaboration

La composante collaborative de cette étude est certainement un facteur qui détermine son ancrage dans le socioconstructivisme (Vygotsky, 1934). Globalement, le socioconstructivisme met

ou intérieur, il nécessite différents niveaux d’abstraction et amène l’apprenant « à prendre conscience de ce qu’il fait et, par conséquent, à utiliser volontairement ses propres savoir-faire » (Vygotsky, 1997, p. 345). On y évoque la notion de développement global, qui succède à l’apprentissage et qui n’est pas segmenté en fonction des matières scolaires. Le niveau de développement de l’enfant peut varier et le postulat principal de Vygotsky est qu’en collaboration avec quelqu’un (un adulte ou un pair), l’élève est capable de résoudre des problèmes plus complexes que lorsqu’il est seul. C’est là le concept de zone proximale de développement17 (Vygotsky, 1934).

« La possibilité plus ou moins grande qu’a l’enfant de passer de ce qu’il sait faire tout seul à ce qu’il sait faire en collaboration avec quelqu’un est précisément le symptôme le plus notable qui caractérise la dynamique de son développement et de la réussite de son activité intellectuelle. Elle coïncide entièrement avec sa zone prochaine de développement » (Vygotsky, 1997, p. 353).

La théorie de l’activité (Leontiev, 1978), qui s’inscrit dans la « tradition historico-culturelle de Vygotsky » (Kaptelinin et Nardi, 2006, p. 30), est particulièrement pertinente dans le cadre de notre recherche, tout comme c’est le cas dans de nombreux autres travaux portant sur les interactions médiatisées par l’ordinateur (voir notamment George, 2001; Hodgson et al., 2012).

Le modèle de la théorie de l’activité d’Engeström (1987) présente dans un premier temps le cœur du concept d’activité, c’est-à-dire l’interaction entre le sujet (personne) et l’objet (le but, par ex. : créer un programme) (figure 5). Cette interaction est médiatisée par l’outil, qui peut être concret (par ex. : ordinateur) ou abstrait (opération mentale).

Figure 5. – Modèle de la théorie de l’activité (Engeström, 1987).

17 Le terme utilisé dans l’ouvrage traduit est zone prochaine de développement (Vygotsky, 1997, p.351).

Cela dit, il faut considérer cette interaction au sein de l’environnement du sujet, d’où la nécessité d’ajouter la communauté (par ex. : un ou d’autres élèves). L’ajout de la communauté crée donc deux nouvelles interactions : celle entre le sujet et la communauté, médiatisée par des règles (pour favoriser les interactions optimales), et celle entre la communauté et l’objet, médiatisée par la répartition des tâches, qui renvoie à « l’organisation explicite et implicite d’une communauté en lien avec le processus de transformation de l’objet en résultat » (Kuutti, 1996, p.

28). L’ensemble de ces interactions au sein de l’activité se déroule à trois niveaux hiérarchiques : l’activité, l’action et l’opération (Jonassen et Rohrer-Murphy, 1999). L’activité est composée d’un ensemble d’actions alors que chacune des actions est composée d’un ensemble d’opérations. Par exemple, dans le cas d’une activité de programmation, l’activité pourrait être la création d’un programme, l’action pourrait être de programmer un module et l’opération pourrait être l’utilisation d’une fonction particulière dans le module (Kuutti, 1996). La théorie de l’activité, qui s’est avérée utile pour l’analyse de l’apprentissage (Teasley et Roschelle, 1993), de même que le paradigme au sein duquel s’ancre cette recherche contribuent à préciser comment la collaboration s’inscrit dans cette thèse et pourquoi elle représente une partie importante de notre objectif de recherche.

La collaboration naît donc d’une interaction orientée vers l’objet entre un sujet et un ou plusieurs autres. Selon Henri et Lundgren-Cayrol (2001), la confrontation des points de vue permet de développer la compréhension du monde. L’utilisation des TIC en contexte pédagogique offre d’ailleurs un environnement dans lequel l’apport des autres est une composante majeure (Depover et al., 2007). Or, deux termes s’imposent lorsqu’il est question de l’apport des autres dans l’apprentissage : la coopération et la collaboration. Malgré leur rapprochement sémantique, la coopération et la collaboration possèdent des différences intrinsèques qui les distinguent de façon significative; c’est d’ailleurs le constat auquel arrive George (2001). Dans son effort de les distinguer, il propose cet exemple :

« Imaginons que trois personnes soient engagées dans une activité collective qui consiste à construire un mur de pierre. Si chaque personne va chercher des pierres sur un tas pour les poser sur le mur en construction, ces personnes coopèrent. Le mur se construit par la somme des actions individuelles distinctes (chacun transportant ses

Maintenant, si une pierre est trop lourde et que ces personnes décident de s’y mettre à trois pour la transporter, nous sommes en présence d’une collaboration, une action collective étant entreprise » (George, 2001, p.49).

Ainsi, le terme coopérer renvoie à une division des tâches dans le but de réaliser un projet commun, où tous les membres ont leur propre tâche spécifique à accomplir (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001). Quant au terme collaboration, il fait plutôt référence à un travail qui se réalise entièrement de façon commune et où le contrôle de l’enseignant s’estompe pour laisser plus de place à l’autonomie des apprenants (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001). Il est à noter que l’autonomie est au cœur de l’approche vygotskienne18. Cette approche a orienté les décisions prises en amont de l’étude, notamment à l’égard de la méthodologie, c’est-à-dire quant aux façons d’observer la mobilisation d’habiletés de RCP lors d’activités de programmation.

L’autonomie que permet la collaboration est cohérente avec le contexte d’utilisation de la programmation, où l’autonomie est essentielle (Depover et al., 2007). Nous nous référons à la conceptualisation de la collaboration de Hesse et al. (2015), qui identifient trois composantes de la collaboration : la participation, la prise de position et la régulation sociale. D’abord, la participation détermine le niveau d’engagement de l’élève dans la tâche et l’interaction avec le ou les autres membres de l’équipe. On reconnaît la participation notamment par la capacité de l’élève à être actif lors des tâches, à interagir avec ses coéquipiers et à mener à bien une tâche.

La prise de position, quant à elle, détermine la façon dont les élèves vont affirmer leurs points de vue tout en étant à l’écoute de celui des autres. Cette prise de position se manifeste tant par la réaction de l’élève aux contributions d’un pair que par son habileté à s’adapter pour favoriser le fonctionnement de l’équipe. Enfin, la régulation sociale fait référence à la gestion des conflits et au maintien d’un climat de travail approprié, tout en incluant l’évaluation de la performance des autres membres de l’équipe. Cela implique que l’élève est en mesure de régler les différends à l’aide de compromis, d’évaluer sa performance ou celle d’un pair de façon réaliste et de faire preuve de leadership. Bref, la compétence « collaborer » a été retenue en raison du potentiel collaboratif inhérent à l’utilisation des TIC (Depover et al., 2007), sans oublier son apport majeur à la résolution de problème (Hesse et al., 2015). Le modèle de Hesse et al. est particulièrement

18 Voir le concept de zone proximale de développement.

bien adapté à l’apprentissage à l’école et permet de comprendre ce qu’est la collaboration en contexte technopédagogique. Il présente des critères empiriques compatibles avec notre méthode d’observation, qui est présentée au troisième chapitre de ce manuscrit. La collaboration a été associée par de nombreux auteurs à la pensée informatique, comme Yadav et al. (2017) qui la considèrent comme une « pratique fondamentale de la pensée informatique »19 (p.1059) chez des élèves du primaire et du secondaire. Il en va de même pour les outils permettant de développer la PI (des outils numériques variés, incluant la programmation informatique), qui sont très propices à la collaboration (Ching et al., 2018).

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