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L’analyse des indicateurs de fréquence

Dans le document Université de Montréal (Page 161-166)

CHAPITRE 6 - COMPRENDRE LE PROCESSUS DE RÉSOLUTION COLLABORATIVE DE PROBLÈMES

6.5.1 L’analyse des indicateurs de fréquence

La mobilisation des habiletés associées à la dimension 2 (réalisation des actions appropriées à la résolution du problème) représente le cœur de l’activité selon les données. En effet, représentant en moyenne plus de 56% des habiletés observées à l’aide de la grille d’observation utilisée, cette dimension se distingue des deux autres. Ces actions associées au problème sont vraisemblablement soutenues par des habiletés liées à la compréhension partagée (dimension 1) et à l’organisation de l’équipe (dimension 3). Rappelons que les dimensions ne sont pas

la réalisation des actions appropriées (dimension 2) ne saurait être associée uniquement à la RP, puisque ces actions sont réalisées de façon collaborative. Cela démontre le caractère hautement complémentaire et interdépendant des trois dimensions de la RCP (Care et Griffin, 2017), ce qui revient en quelque sorte à dire que le tout (RCP) est plus grand que la somme des parties (RP et C). Or, certaines habiletés sont considérablement plus mobilisées que d’autres. C’est le cas d’échanger (dimension 1), de mettre en œuvre les actions et vérifier la solution (dimension 2), ainsi que d’attribuer les rôles (dimension 3). Ces habiletés sont discutées ci-après.

6.5.1.1 Échanger

Cet indicateur désigne les échanges à propos des caractéristiques inhérentes au problème, et ce, dans le but d’en avoir une compréhension partagée dans l’équipe. En tant que première étape du processus de résolution de problème (Jonassen, 2014; Polya, 1957) et établissant en quelque sorte la fondation de l’espace problème (Simon et Newell, 1971) au sein de l’activité de RCP, cette habileté représente une partie particulièrement importante du processus. Bien que tout aussi importante dans un processus de résolution de problème individuel, cette habileté revêt un caractère particulièrement important lorsque plusieurs individus doivent coordonner leurs actions en vue d’atteindre un but commun. L’établissement d’une compréhension partagée du problème devient alors primordial, et c’est d’ailleurs ce qui semble expliquer pourquoi cet indicateur a une fréquence d’occurrence relativement élevée.

Cela dit, lorsque l’on compare avec les deux autres indicateurs de la dimension 1, on remarque que la sollicitation des points de vue n’a pas été relevée aussi souvent. Nos observations ont permis de mettre en évidence un déséquilibre entre la capacité des apprenants à énoncer leur propre point de vue et leur capacité relativement limitée à solliciter le point de vue des autres.

En effet, alors qu’en général les élèves participent aux échanges visant à établir une compréhension partagée, ils ne semblent pas percevoir l’utilité ou ressentir la nécessité (dans plusieurs cas) de questionner les autres membres quant à leur point de vue. Il en va de même pour l’indicateur adapter les interventions, qui n’a été que très peu observé. Ce troisième indicateur et le second, que nous avons abordé avant, relèvent d’opérations plus complexes et portées sur les autres. Comme ces élèves du niveau primaire en sont à développer leurs compétences, notamment quant à la collaboration, il nous semble normal que ces indicateurs

n’aient pas été observés davantage. Nous posons l’hypothèse que dans une situation nouvelle comme celle que nous avons induite avec l’activité de programmation, les élèves ont perçu l’utilité d’échanger et d’offrir leur point de vue, mais pour la plupart, n’ont pas pensé de façon proactive pour solliciter le point de vue des autres membres de l’équipe.

6.5.1.2 Mettre en œuvre les actions

Cet indicateur désigne les discussions entre les élèves d’une équipe lorsqu’ils cherchent à savoir comment mettre en œuvre les actions pour résoudre le problème. Contrairement à échanger, il s’agit ici de déterminer la mise en œuvre des actions (et non la détermination des actions en soi).

En plus de représenter une part importante du processus de résolution de problème en collaboration, cet indicateur indique dans notre cas la concrétisation des actions postulées lors des échanges en une série de procédures propres à l’activité de programmation. Ce processus d’abstraction (Hromkovič et al., 2016b) consiste à comprendre comment le robot pourra être animé de façon à répondre aux critères énoncés dans le problème, tout en tenant compte des outils disponibles pour y parvenir, c’est-à-dire l’interface de programmation et les codes qu’elle est en mesure de traiter. Cette abstraction est fondamentale dans l’activité de programmation en général et démontre le caractère complexe inhérent à celle-ci : elle renvoie notamment à la définition de régularités (Wing, 2010), à la modélisation ou simulation (Voogt et al., 2015) et à la systématisation (Tatar et al., 2017). Par exemple, bien que les élèves aient compris qu’il fallait faire avancer le robot d’un mètre, ils doivent néanmoins trouver une façon de traduire cette action en une série de consignes objectives qui pourra être intégrée dans l’interface de programmation, puis interprétée par le robot.

La très faible mobilisation de l’habileté vérifier les actions (1,03%42), qui consiste à vérifier si les actions ont été correctement effectuées, soulève un questionnement lorsque comparée à la mobilisation de l’habileté vérifier la solution, qui est considérablement plus présente (13,33%43).

D’emblée, précisons que la vérification dans notre contexte est l’action de lancer le programme pour en analyser le résultat ; ici, comme il s’agit de programmation tangible et que l’animation

d’un robot est le résultat escompté, les élèves peuvent faire la vérification en observant le comportement du robot et en déterminant si celui-ci correspond ou non aux critères énoncés dans l’espace problème. Nous observons que les élèves étaient davantage portés à vérifier la solution entière (vérifier la solution) plutôt qu’à effectuer plusieurs vérifications intermédiaires (vérifier les actions) avant la vérification de la solution.

6.5.1.3 Vérifier la solution

Cet indicateur désigne les actions visant à confirmer la validité du programme en le lançant sur l’interface de programmation, puis en observant le comportement du robot. La mise en œuvre de cette habileté permet aux élèves d’analyser de façon objective la validité de leur solution en se référant aux conditions et critères énoncés dans le scénario pédagogique. Quelques éléments sont à considérer dans l’interprétation des résultats présentés. En effet, nos observations ont démontré que très souvent les équipes procèdent à plusieurs vérifications pour une même solution. Deux principales raisons expliquent ce comportement : la première est fonctionnelle, c’est-à-dire que lorsque plusieurs critères ou conditions doivent être respectés, les élèves peuvent procéder à plusieurs vérifications successives en validant certains critères chaque fois.

La seconde est liée au caractère ludique de l’exercice, lorsque le résultat est, par exemple, de faire danser le robot NAO. Dans ce cas, les élèves répètent la vérification par plaisir, pour la montrer à d’autres équipes, ou encore pour montrer l’animation du robot à leur enseignante. Le poids de cet indicateur dans la grille doit donc être interprété en fonction de cette réalité.

Lors de la vérification de la solution, la compréhension partagée du problème s’impose comme norme de référence commune à tous les membres de l’équipe. S’amorce alors un processus décisionnel à l’issue duquel deux avenues sont possibles : dans le premier cas, l’animation du robot démontre que la solution proposée répond aux attentes du problème, mettant ainsi fin au processus de RCP dans cet espace problème (pour ce défi). L’équipe peut alors passer au problème (défis) suivant. Dans le second cas, l’animation du robot ne rencontre pas les attentes imposées dans l’espace problème. Dans ce cas, les élèves mettent en place un processus de débogage (correspondant à l’indicateur adapter les solutions inadéquates), qui est en quelque sorte un second processus de résolution collaborative de problèmes subordonné au processus général de RCP associé au défi ciblé. Le débogage, qui sollicite la RCP (Nugent et al., 2009), amène

les membres de l’équipe à convenir ensemble des actions à poser pour corriger le ou les problèmes ayant émergé de la vérification de la solution. De façon itérative, ils apporteront des modifications, puis effectueront une vérification jusqu’à ce que la solution proposée réponde pas aux attentes.

Par ailleurs, pour les indicateurs de la grille d’observation, nous n’avons jamais fait allusion à la durée puisque ce n’était pas un facteur pertinent pour l’interprétation des résultats. En revanche, pour l’indicateur adapter les solutions inadéquates en particulier, la durée doit être considérée.

Bien que mobilisée de façon moins fréquente, cette habileté représente une période définie qui débute lorsque la première vérification de la solution n’est pas concluante et qui se termine, après une ou plusieurs itérations, lorsque la solution mise en œuvre est adéquate. Ainsi, la durée de cette période est fonction de plusieurs facteurs, notamment le nombre de tentatives de débogage. La comparaison entre la fréquence de cet indicateur et les autres n’est donc pas pertinente : une analyse plus approfondie des enregistrements vidéo est nécessaire à la compréhension de cette habileté en particulier.

6.5.1.4 Attribuer les rôles

Cet indicateur désigne le mécanisme par lequel les élèves s’attribuent des rôles dans l’équipe afin de favoriser le bon déroulement du processus de résolution collaborative de problèmes. Cette attribution peut avoir lieu en amont, mais aussi pendant l’activité et peut faire l’objet de changements à différents moments. Elle peut être à la fois explicite et implicite : certains élèves peuvent décider de prendre la responsabilité et occuper une fonction précise sans que cela ait fait l’objet d’une discussion. Il peut aussi y avoir une attribution explicite, pendant laquelle les membres de l’équipe discutent et choisissent ce que chacun fera. Nos observations montrent que l’attribution est plus implicite, ou encore qu’elle est explicite mais qu’elle ne fait pas l’objet d’un consensus explicite. Par exemple, un élève affirme qu’il s’attribue un rôle et les autres élèves n’offrent aucune réponse, évitant ainsi le processus d’attribution. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’indicateur identifier les forces et les faiblesses n’a été que très peu relevé dans les observations : ignorant souvent le processus explicite et consensuel d’attribution de rôles, les

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