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Chapitre 2 La co-conception d’une application éducative

2.2 La co-conception

Afin d’encourager la collaboration entre différents acteurs, des chercheurs ont élaboré des modèles théorisant la co-conception dans la démarche de développement d’applications.

2.2.1 Le Research, Practice and Design framework

Kucirkova (2016) souligne le manque d’investissement des chercheurs dans des projets de co-conception. Elle a donc développé son modèle de Research, Practice and Design framework (iRPD). Ce modèle place la collaboration entre les différents acteurs comme un élément central lors de la création d’un logiciel applicatif. La triple collaboration entre chercheurs, praticiens et concepteurs d’applications permettrait aux chercheurs de nouvelles opportunités de diffusion à l’aide des outils technologiques. Ensuite, Kucirkova met en avant l’aspect qualitatif des applications développées et testées empiriquement par des équipes universitaires. Enfin, l’utilisation des applications peut être un moyen de faciliter la communication et les relations avec les utilisateurs. Le modèle iRPD se base sur cinq principes clefs :

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La triple collaboration chercheurs-praticiens-concepteurs. Le premier principe

permet une meilleure implémentation de l’application dans le milieu souhaité. Dans cette perspective, des discussions, journées d’études ou workshops sont proposés afin de permettre un développement itératif de l’application.

Un domaine de connaissance partagé ou une épistémologie partagée. Le deuxième

principe requiert que les trois types d’acteurs engagés dans la conception de l’application doivent partager un même socle de connaissances concernant l’environnement d’apprentissage et les compétences des enfants afin de faciliter la communication.

La prise en compte des facteurs sociaux. Le troisième principe de ce modèle se réfère à la prise en compte des facteurs socio-culturels lors du développement de l’application. Lors de la co-conception, des interactions entre les croyances, les valeurs et les normes des divers acteurs peuvent être observées. Tous ces facteurs limitent ou soutiennent la collaboration entre eux.

La sensibilisation aux possibilités offertes par l’environnement (affordances). Le quatrième principe renvoie aux affordances qui, selon la théorie écologique, seraient conceptualisées comme des offres de l’environnement qui ont besoin d’être découvertes et réalisées par l’agent à travers l’action (Gibson & Pick, 2000). Les membres de l’équipe ont besoin d’utiliser et d’examiner l’outil afin de se rendre compte des possibilités qu’il offre. Ainsi, afin que tous les acteurs soient pleinement conscients des affordances de l’application, un temps et un espace spécifique doivent être déterminés pour examiner les affordances de l’outil et déterminer son potentiel d’utilisation. Par exemple, Pegrum et al. (2013) ont constaté que les tablettes peuvent contribuer à l’enseignement, mais que les enseignants doivent avoir la motivation, le temps et suffisamment d’opportunités pour analyser les affordances des appareils utilisés.

La pédagogie centrée sur l’enfant. Le cinquième principe fait référence au rôle central et actif de l’enfant dans le développement, la pratique, la recherche et la conception d’application sur tablette. Ainsi, il est encouragé d’introduire l’enfant comme un élément actif dans les différentes étapes de la recherche et de la conception. Dans la

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mesure du possible, il est recommandé de lui demander ses retours sur l’application et d’en observer sa prise en main.

Il n’existe pas de hiérarchie entre ces cinq principes. Cependant, même s’ils sont présentés comme des facteurs individuels pour faciliter leur explication, il existe d’importantes et complexes interactions entre eux (cf. Figure 1).

Figure 1. Illustration du modèle iRPD. Tiré de « iRPD - A framework for guiding design‐based

research for iPad apps », par N., Kucirkova, 2016, British Journal of Educational Technology,

48(2), p.605.

Ce modèle de Kucirkova met en avant l’importance du rôle du chercheur dans le développement d’applications éducatives, mais aussi de celui de l’enseignant. Leur collaboration avec les équipes de développement d’application est importante pour affiner la recherche concernant les applications éducatives pour enfants. En effet, de nombreuses applications s’auto-proclament à but éducatif alors qu’elles ne sont pas appropriées pour le développement des enfants, favorisant des contenus récréatifs de bas niveau n’encourageant pas un apprentissage profond (Papadakis et al., 2018a). Faire participer les chercheurs et les enseignants permet d’assurer la prise en compte de bonnes pratiques pédagogiques et de proposer des applications ludiques et éducatives au contenu riche stimulant les capacités des élèves.

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Cette démarche de développement participatif est déjà utilisée en dehors du domaine de l’éducation et a pour but favoriser l’utilisabilité, l’acceptabilité et l’efficacité du produit final en impliquant l’utilisateur (Simonsen & Robertson, 2012). C’est dans un ordre d’idée équivalent que nous trouvons la méthode agile dans le domaine de l’entreprise.

2.2.2 La méthode agile

Dans le déroulement classique d’un projet, il est demandé au client de produire un cahier des charges et à l’entreprise de créer le produit en se référant à celui-ci. Cette façon de faire ne prend pas en compte la possibilité que la demande puisse évoluer avec le temps. Par conséquent, le produit final est susceptible de ne pas répondre aux attentes du client. Afin de parer à ce problème, la méthode agile a été développée. Cette méthode est initialement introduite comme une méthode de développement rapide d’applications (Rapid application development) (Martin, 1992). Elle repose sur un cycle de développement itératif, incrémental et adaptatif des interactions entre le développeur et le client. Cette méthode favorise une démarche de co- développement et fortifie les liens entre les créateurs et les utilisateurs que les longues phases de programmation pouvaient finir par démobiliser (Collignon & Schöpfel, 2016).

Cependant, les méthodes agiles ne sont pas synonymes que de réussite. Collignon et Schöpfel (2016) soulignent l’importance de l’effort collectif et de la connaissance partagée entre les différents acteurs du projet. Si le sujet n’est pas maîtrisé, le résultat ne répondra pas non plus aux attentes. La méthode agile répond à un besoin des entreprises de proposer un meilleur travail collaboratif avec leurs clients afin de faire en sorte que les finalités des projets soient les plus proches possibles de leurs attentes. Cela permet ainsi de faciliter la communication entre les différents acteurs comme le recommande le modèle de Kucirkova. Dans le cas contraire, les échanges entre concepteurs et équipes universitaires peuvent s’avérer difficile s’ils ne sont pas en partenariat au départ.

Concevoir une application éducative permettant aux enfants d’apprendre de façon significative nécessite un travail de développement rigoureux. Tout d’abord, se référer à des théories actualisées sur les modèles d’apprentissages est nécessaire. Ensuite, pouvoir incorporer ces principes aux fonctionnalités de la tablette numérique est aussi à accomplir. D’autant plus que ces applications doivent être adaptées public et à l’environnement visés. La démarche de

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co-conception permet de favoriser ces points en réunissant l’expertise des différents acteurs de l’apprentissage des enfants. Dans le cadre de l’apprentissage en maternelle, impliquer les acteurs éducatifs permet d’inclure le cadre d’usage de l’école et ainsi incorporer des contenus qui correspondent aux attendus officiels des Programmes de l’Education Nationale.

Dans le cadre de la thèse, notre équipe a développé une application éducative pour enfants d’âge préscolaire en collaboration avec des enseignants de maternelle et des développeurs informatiques.

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2.3 Article 1 : Co-designing a new educational tablet app for preschoolers