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La classification des différents intermédiaires du numérique

A. LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES PLATEFORMES DE CONTENUS

1. La classification des différents intermédiaires du numérique

Afin de déterminer quelle responsabilité s’applique aux acteurs du web, plusieurs catégories d’intermédiaire du numérique ont été créées. La Loi pour la confiance dans l’économie numérique distingue notamment l’opérateur de télécommunication, le fournisseur d’accès à l’internet, et le fournisseur d’hébergement.

En premier lieu, l’opérateur de télécommunication effectue une prestation de transport de l’information et n’a en aucun cas un contrôle sur les informations qu’il transporte, cela dans un but de neutralité de l’internet, principe prévu à l’article L. 32-1, II, alinéa 5 du Code des postes et des

communications électroniques. En effet, il doit notamment respecter la confidentialité des

correspondances prévue à l’article L. 32-3 du Code des postes et des communications

électroniques100. Il s’agit par exemple d’Orange ou encore de Bouygues Télécom en France, et de

Bell ou encore Vidéotron au Canada.

Les fournisseurs d’accès à l’internet, eux, ont pour activité, comme le précise l’article 6, I, 1 de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique « d’offrir un accès à des services de

communication au public en ligne »101. Leur rôle n’est que technique puisqu’ils ne permettent

qu’un accès à l’internet à leurs clients et n’ont aucun contrôle sur les informations. Ainsi, « le

fournisseur d’accès n’a en principe aucune incidence, ni matérielle, ni intellectuelle, sur le contenu en ligne et assure la mise en relation du public avec les services de communication en ligne »102.

En France, parmi les fournisseurs d’accès à l’internet, on retrouve là encore Orange et Free, et au Canada, Vidéotron revêt également le rôle de fournisseur d’accès à l’internet, en plus de celui d’opérateur de communication.

100 Supra note 2, p. 17. 101 Supra note 17, art. 6-I-1. 102 Supra note 8, p. 1129, §1912.

Les juges ont cependant tendance à élargir la notion de fournisseur d’accès à l’internet. En effet, sous l’empire de la loi du 1er août 2000103, ils ont décidé de qualifier la banque BNP Paribas

de fournisseur d’accès à l’internet104. En effet, les fournisseurs d’accès ayant pour obligation de

conserver ainsi que de communiquer les informations qui permettent d’identifier les utilisateurs de leurs services, une telle décision avait eu pour conséquence de contraindre le groupe BNP Paribas à fournir l’identité de l’expéditeur d’un message qui avait été envoyé par des employés de la banque105.

Les fournisseurs d’hébergement sont à leur tour définis par l’article 6, I, 2 de la Loi pour la

confiance dans l’économie numérique comme étant des « personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services »106.

Le fournisseur d’hébergement n’est qu’un intermédiaire technique, c’est-à-dire qu’il fournit une prestation à l’éditeur de contenu ayant pour but le stockage du site internet sur lequel l’éditeur poste son contenu, mais cette prestation est fournie indépendamment de l’usage qui est fait du site internet par l’éditeur de contenu, et le fournisseur d’hébergement reste donc étranger au contenu de ce site puisqu’il n’exerce aucun contrôle sur celui-ci107, contrairement à l’éditeur de contenu.

Cependant, bien qu’il ne soit qu’un prestataire technique comme le fournisseur d’accès à l’internet, il se différencie de ce dernier par le fait qu’il exerce une prestation de stockage permanente, de manière durable, contrairement au fournisseur d’accès comme l’affirme la Cour d’appel le 22 janvier 2008108.

Le statut du fournisseur d’hébergement est à distinguer du statut d’éditeur. En effet, l’éditeur est défini à l’article 6 de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique comme étant

103 Loi n° 2000-719 du 1 août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de

communication [Loi relative à la liberté de communication].

104 CA Paris, 4 février 2005, n° 04/20259. En ligne : <https://www.alain-bensoussan.com/wp-

content/uploads/CA%20PARIS%2004%2002%202005.pdf>.

105 Supra note 2, p.18. 106 Supra note 17, art. 6-I-2.

107 Emmanuel DREYER, Droit de la communication, Paris, LexisNexis, 2018, p. 363. 108 CA Aix-en Provence, 22 janvier 2008, n° 06/16240.

une personne dont l’activité consiste à « éditer un service de communication au public en ligne » de manière professionnelle ou non. L’éditeur est celui qui a un véritable contrôle sur les contenus mis en ligne puisque c’est à lui de sélectionner les contenus, de les agencer ainsi que de les hiérarchiser. L’éditeur est donc censé avoir connaissance du contenu qui est publié sur son site et de ce fait avoir un réel rôle actif. Or, l’éditeur, contrairement au fournisseur d’hébergement, est responsable de tous les contenus mis en ligne sur son site internet. Il doit donc être attentif à ce qui y est partagé.

Cependant, la frontière entre fournisseur d’hébergement n’étant tracée que par les notions de contrôle et de rôle actif, leur distinction est parfois difficile à faire. De plus, la responsabilité du prestataire est ici en jeu puisque si ce dernier est assimilé à un fournisseur d’hébergement, il pourra bénéficier de la responsabilité sous conditions qui est accordée à ce statut, mais à l’inverse, s’il est qualifié d’éditeur, alors il devra être beaucoup plus vigilant pour éviter que sa responsabilité ne soit engagée du fait des contenus qui sont partagés sur le site en question, étant donné que l’éditeur est responsable de tous les contenus apparaissant sur son site.

2. L’existence d’une confusion entre le statut d’hébergeur et celui d’éditeur de