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Conclusion du chapitre

Chapitre 2 L’usage juridictionnel de l’expertise du risque biologique

Dans le cadre d’un procès, le juge peut recourir à l’expertise afin qu’elle lui apporte un éclairage technique, chaque fois que ses compétences sont insuffisantes. Si le pouvoir décisionnel revient au juge, l’expertise peut être déterminante pour l’issue d’un procès. Il semble que plus le domaine de l’expert échappe aux connaissances du juge, plus l’influence de l’avis de l’expert sera importante. Le risque biologique est un domaine d’expertise particulièrement technique et en constante évolution. Le juge devrait dès lors user de l’expertise du risque biologique chaque fois que nécessaire.

Or au niveau de l’Union, si les institutions normatives usent de l’expertise de manière importante dans l’élaboration des normes, l’usage de l’expertise est plus modéré s’agissant du juge de l’Union. Dans le contentieux relatif au risque biologique, il a pu être constaté que le juge de l’Union ne recourt pas systématiquement à l’expertise mais privilégie les expertises présentées par les parties. En outre, bien que sa compréhension du domaine d’expertise soit limitée, il n’en restreint pas pour autant son pouvoir d’appréciation et peut dans certains cas décider d’outre-passer l’avis scientifique pour trancher le litige.

Il en ressort, qu’au niveau de l’Union, bien que le juge dispose pourtant d’une liberté d’exercice (Section 2), il fait un usage modéré du recours à l’expertise (Section 1).

Section . Un usage modéré du recours à l’expertise

Deux raisons majeures semblent justifier la réticence du juge à recourir à l’expertise. Tout d’abord, il apparaît que la décision de recourir à l’expertise menacerait la compétence d’autres institutions. Le juge de l’Union semble réticent à contrôler par ce biais l’action des institutions normatives de l’Union (§1). En outre, le juge de l’Union est peu enclin à recourir à l’éclairage de l’expert dès lors qu’il semble considérer que celui-ci puisse empiéter également sur son terrain de compétences (§2).

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§1 La réticence du juge à contrôler l’action des institutions normatives de

l’Union européenne par l’usage de l’expertise

Parmi les institutions de l’UE, la Commission joue un rôle central dans le processus normatif de l’Union européenne.

Dotée d’un monopole d’initiative législative de principe247, la Commission élabore les actes

législatifs de l’Union tels les règlements européens et les directives européennes. En outre, dans le cadre de sa fonction exécutive, la Commission est chargée, comme les Etats membres, de la mise en œuvre du droit de l’Union248.

Lorsque la Commission envisage une nouvelle réglementation, susceptible de mettre en cause la protection de la santé et de l’environnement des citoyens de l’Union, elle use de l’expertise qui lui est fournie sous la forme d’avis rendus par les agences d’expertises de l’Union européenne, telles l’Agence européenne des produits chimiques, l’Agence européenne pour l’environnement, ou l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Les avis rendus par ces agences interviennent de façon prépondérante dans les missions de la Commission en matière environnementale et sanitaire.

Cependant, bien que ces avis représentent un support utile à l’élaboration, par la Commission et les Etats membres, d’actes d’exécution du droit de l’Union, les textes de droit originaire de l’Union n’enjoignent aucunement les instances normatives de l’UE à suivre leur contenu. En d’autres termes, les instances normatives de l’UE ne sont pas liées par les rapports rendus par les agences européennes d’expertise. Elles peuvent donc choisir de s’en détacher afin d’élaborer une nouvelle réglementation.

Cette latitude conférée aux instances normatives de l’UE, dans l’appréciation des avis rendus par les agences d’expertise, explique dès lors la réticence du juge de l’Union à recourir à une expertise qui mettrait en cause l’appréciation des institutions normatives, telle la Commission.

247 Art. 17 §2 TUE : « Un acte législatif de l'Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission,

sauf dans les cas où les traités en disposent autrement. Les autres actes sont adoptés sur proposition de la Commission lorsque les traités le prévoient ».

248 Art. 291 TFUE, §1 et §2 : « 1. Les États membres prennent toutes les mesures de droit interne nécessaires

pour la mise en œuvre des actes juridiquement contraignants de l'Union. 2. Lorsque des conditions uniformes d'exécution des actes juridiquement contraignants de l'Union sont nécessaires, ces actes confèrent des compétences d'exécution à la Commission ou, dans des cas spécifiques dûment justifiés et dans les cas prévus aux articles 24 et 26 du traité sur l'Union européenne, au Conseil ».

129 De fait, le juge de l’Union serait réticent à tout contrôle juridictionnel qui serait de nature à mettre en cause le pouvoir discrétionnaire d’appréciation des instances normatives de l’UE sur les expertises présentées (A). L’exercice d’un tel contrôle pourrait avoir des conséquences sur l’action de la Commission et des Etats membres, car il pourrait paralyser la mise en œuvre du droit de l’Union. Néanmoins, il apparaît que la réticence du juge de l’Union à l’exercice de ce contrôle relève plus de l’autolimitation que de la censure par les textes. Le juge autolimiterait son contrôle (B).

A. Le pouvoir discrétionnaire d’appréciation des institutions de l’Union comme fondement apparent

La Commission européenne a largement investi le domaine de la réglementation des procédures d'évaluation des risques, notamment à la suite du scandale sanitaire, dénommé « la crise de la vache folle ». Ainsi, dans un document de communication en date du 2 février 2000249, la Commission précise que l'identification des effets potentiellement négatifs d'un

produit ou d'une activité doit précéder l'évaluation des données scientifiques se rapportant aux risques.

Mais le pouvoir normatif de l’Union, constitué par le Conseil de l’UE, le Parlement européen et la Commission, ainsi que les Etats membres, notamment dans leur mise en œuvre du droit de l’UE, outre son rôle dans l’évaluation des risques, exerce une fonction centrale, celle de la gestion des risques. Cette fonction est intimement liée au rôle politique reconnu au pouvoir normatif de l’Union.

A l’instar du juge qui dispose d’une marge d’appréciation quant à l’opportunité du recours à une expertise, les instances normatives de l’UE ne sont pas tenues de prendre en compte les avis scientifiques émanant des propres agences d’expertise créées au niveau de l’UE, ni même des avis émis par les instances d’expertise des Etats membres.

Il en résulte que le pouvoir normatif de l’Union dispose d’un pouvoir discrétionnaire

249 COM (2000) 0001 final, de la Commission du 2 février 2000, sur le recours au principe de précaution, consulté

le 18 août 2018, disponible sur : https://eur-lex.europa.eu/legal- content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A52000DC0001, (point 5.1.1).

130 d’appréciation des avis scientifiques rendus quelle que soit leur source. Ainsi, le fait que l’avis émane d’une agence européenne en charge de la sécurité sanitaire n’a pas d’incidence sur le monopole décisionnel des instances normatives de l’UE.

La Cour reconnaît250d’ailleurs à la Commission cette autonomie décisionnelle. Cette grande

autonomie251 d’appréciation laissée à la discrétion du législateur de l’UE et du législateur

national prend a priori racine dans les Traités de l’UE qui accordent un rôle majeur, à forte dimension politique, au pouvoir normatif de l’Union. Ainsi, pour faciliter la mise en œuvre de son action, les instances normatives de l’UE seraient dotées d’un large pouvoir d’appréciation dans l’exercice de leurs compétences, pouvoir sur lequel le juge de l’Union ne pourrait exercer de contrôle juridictionnel entier.

Le champ d’application du pouvoir discrétionnaire des instances normatives de l’UE s’étendrait sur la détermination des faits252 et sur la qualification juridique des faits253.

Néanmoins, pour certains auteurs254, le pouvoir discrétionnaire des autorités normatives de

l’Union, ne résulte pas du droit originaire de l’Union, qui attribue des compétences particulières aux instances normatives en raison de la dimension politique des décisions et des mesures qu’elles doivent prendre.

Ce pouvoir discrétionnaire résulterait de l’autolimitation du juge de l’Union dans l’exercice

de son contrôle juridictionnel sur l’action des institutions de l’Union.

Dès lors, le pouvoir discrétionnaire des instances normatives de l’UE n’existerait que par la volonté du juge de l’Union, acceptant de limiter son contrôle à l’erreur manifeste

250 CJCE, 18 juillet 2007, Industrias Quimicas del Vallés c. Commission, C-326/05 ? Rec. P.I-6557, § 75 : « Ainsi

que l’a jugé, à bon droit, le Tribunal au point 95 de l’arrêt attaqué, dans ce cadre, afin de pouvoir poursuivre efficacement l’objectif qui lui est assigné, et en considération des évaluations techniques complexes qu’elle doit opérer, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission ».

251 NOIVILLE, C., Du bon gouvernement des risques : le droit et la question du" risque acceptable, Presses

universitaires de France, 2003, p.51.

252 CJCE, 17 juillet 1997, SAM Schiffahrt GmbH et Heinz Stapf c.Bundesrepublik Deutschland, C-248/95 et C-

249/95, p. I-4503, § 25 : « En outre, il découle de la jurisprudence de la Cour que, lorsque la mise en œuvre par le Conseil d'une politique commune implique, comme en l'espèce, la nécessité d'évaluer une situation

économique complexe, le pouvoir discrétionnaire dont il jouit ne s'applique pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais aussi, dans une certaine mesure, à la constatation de données de base

, en ce sens, notamment, qu'il lui est loisible de se fonder, le cas échéant, sur des constatations ».

253 CJCE, 18 juillet 2007, Industrias Quimicas del Vallés c. Commission, C-326/05 ? Rec. P.I-6557, § 75, préc. 254 RITLENG, D., « Le juge communautaire de la légalité et le pouvoir discrétionnaire des institutions

131 d’appréciation afin de favoriser la mise en œuvre du droit de l’UE, et, par la même, l’exercice des compétences du pouvoir normatif de l’UE.

B. L’autolimitation du juge de l’Union dans l’exercice de son contrôle comme fondement véritable

« Lorsque la règle de droit laisse aux autorités une grande liberté de décision, le juge doit respecter cette liberté »255.

Suivant ce principe, le juge de l’Union limiterait l’étendue de son contrôle afin de ne pas entraver l’exercice du pouvoir normatif.

La rareté du recours à l’expertise par le juge, dans les affaires mettant en cause l’action des instances normatives de l’UE, conforte l’idée selon laquelle le juge de l’Union se soumettrait à une limitation dans l’exercice de son contrôle.

Toutefois, le juge de l’Union s’autoriserait à exercer un contrôle restreint, limité à l’erreur manifeste d’appréciation.

Cette exception faite à la latitude d’appréciation des autorités normatives de l’UE se justifierait dans les hypothèses où le juge identifie une erreur manifeste d’appréciation, soit une disproportion flagrante, évidente entre les faits invoqués et leur qualification juridique par les autorités normatives de l’UE, de sorte qu’il en résulte une dénaturation manifeste des faits. Dès lors, cette appréciation grossièrement déformée des faits ne pourrait alors échapper au contrôle du juge, même dans l’exercice par les instances normatives de l’UE, de leur pouvoir discrétionnaire d’appréciation.

255 PEANO, D., Le contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation , Jcl. Adm., Fasc.1152, 2009,

accessible enlignele29juin2016à :https://www.lexisnexis.com/fr/droit/search/runRemoteLink.do?docLinkInd=true&bct= A&risb=21_T24304240969&A=0.9480934550432684&urlEnc=ISO-8859- 1&&dpsi=00AK&remotekey1=DOC- ID&remotekey2=716_EG_AD0_381716FASCICULEEN_1_PRO_074992&refpt=NDV20&service=DOC- ID&origdpsi=00AK&chunkLNI=5BJN-S891-DY52-8417-00000-00&homeCsi=268025.

132 Cette théorie séduisante du pouvoir discrétionnaire des autorités normatives de l’Union, limitant le juge de l’Union dans sa compétence juridictionnelle, ne peut être considérée comme le fondement même de la réticence du juge à contrôler l’action de l’Union.

En effet, « la Cour de Justice, étant comme toute juridiction, juges des termes de sa compétence », fixe l’étendue de son contrôle, et ce faisant, trace « la frontière entre ce qui relève et ce qui ressort du pouvoir discrétionnaire des organes d’action »256. Le juge de l’Union

n’est pas contraint expressément par les Traités à limiter son contrôle à l’erreur manifeste d’appréciation, mais il déduirait « du large pouvoir normatif » 257que confèrent les Traités aux

institutions de l’Union une restriction de son contrôle à l’erreur manifeste d’appréciation. Dans le cadre d’un tel contrôle restreint, le juge de l’Union limite son office à l’examen de la conformité des décisions des instances normatives de l’UE aux exigences procédurales que sont le principe d’impartialité, l’obligation de motivation des décisions de refus, notamment lorsqu’elles sont sollicitées dans le cadre des procédures administratives d’autorisation de mise sur le marché de denrées alimentaires ou de médicaments au sein de l’Union. Il opère ainsi un contrôle de la légalité externe des actes et des décisions des autorités normatives de l’Union.

Néanmoins, l’application de la notion d’erreur manifeste d’appréciation suscite des critiques. Elle suppose que le juge de l’Union exerce un contrôle léger sur les choix effectués par les instances normatives. Or, dans la pratique, le juge de l’Union ne semble pas se livrer à un contrôle restreint à l’évidence, à une appréciation grossière des faits par les autorités décisionnelles de l’UE.

Si dans certains arrêts, la Cour semble en effet se limiter à un contrôle restreint, d’autres arrêts viennent semer le doute sur l’étendue réelle et donc sur la profondeur du contrôle choisi par le juge de l’Union lorsque le pouvoir discrétionnaire des instances normatives de l’UE est mis en cause.

256RITLENG, D., « Le juge communautaire de la légalité et le pouvoir discrétionnaire des institutions

communautaires », AJDA, 1999, préc.

257 CJCE, 17 juillet 1997, SAM Schiffahrt GmbH et Heinz Stapf c.Bundesrepublik Deutschland, C-248/95 et C-

249/95, p. I-4503, § 24: « le juge ne saurait substituer son appréciation à celle du législateur

communautaire, mais doit se limiter à examiner si elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste ou

d'un détournement de pouvoir ou si l'autorité en question n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation ».

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L’arrêt Technische Universität München c. Hauptzollamt München-Mitte illustre ce problème, mettant en exergue le flou pesant sur la notion même d’erreur manifeste d’appréciation.

Saisi d’une question préjudicielle mettant en cause le pouvoir d’appréciation de la Commission dans les procédures administratives relatives au marché commun, le juge de l’Union rappelle tout d’abord la règle : « Il convient de relever que, s'agissant d'une procédure administrative qui porte sur des évaluations techniques complexes, la Commission doit disposer d'un pouvoir d'appréciation afin d'être en mesure de remplir ses fonctions »258 .

Dans cet arrêt, le requérant, la Technische Universtät, souhaitant importer dans la Communauté européenne, un appareil scientifique, en franchise des droits du tarif douanier commun, contestait le refus des autorités douanières de lui appliquer une telle exemption. La Commission avait été appelée à intervenir pour déterminer si l’appareil litigieux pouvait ou non faire l’objet d’une importation dans la communauté en franchise des droits de douanes. La Commission avait alors confirmé la décision des autorités douanières en ce que la franchise douanière ne pouvait être applicable dans une telle hypothèse, dès lors qu’un appareil d’une valeur scientifique équivalente était déjà produit et commercialisé au sein de la Communauté.

Faisant application de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement (CEE) n°1798/75 du Conseil dans la version du règlement (CEE) n°1027/79 du Conseil, du 8 mai 1979 relatif à l'importation en franchise des droits du tarif douanier commun des objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel, la Cour mit en cause la décision de la Commission.

Selon le juge de l’Union, la Commission n’avait pas suffisamment motivé sa décision pour apprécier la situation du requérant. Selon la Cour, l’appréciation de la Commission ne devait pas se limiter à l’existence ou non d’un appareil à valeur scientifique équivalente au sein de la Communauté, mais devait s’étendre à la question de savoir si l’appareil litigieux entrait dans le champ d’application du règlement, autrement dit s’il répondait à la qualification juridique d’appareil scientifique à usage éducatif, ceux-ci étant exemptés de droits de douanes, « afin de faciliter tant la libre circulation des idées que l'exercice d'activités culturelles et la recherche scientifique au sein de la Communauté »259.

258 CJCE, 21 novembre 1991, Technische Universität München c. Hauptzollamt München-Mitte, C-269/90, §13. 259 Ibid, §17.

134 A cet égard, la Cour retient que la Commission n’avait pas contrôlé si les membres du groupe d’experts qu’elle avait diligentés, « possédaient eux-mêmes des connaissances nécessaires dans les domaines de la chimie, de la biologie et des sciences géographiques » ou s’ils avaient « cherché conseil auprès d'experts en ces matières afin de pouvoir se prononcer sur les problèmes techniques qui se posent dans l'examen de l'équivalence des appareils scientifiques en cause ».

La Cour en conclut que « la Commission a violé son obligation d'examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d'espèce »260 .

Un tel arrêt interpelle par sa teneur. En effet, il apparaît en premier lieu, que le contrôle de la Cour sur la décision de la Commission prise en vertu de son pouvoir d’appréciation discrétionnaire, n’est pas un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation.

De fait, suivant la définition de la notion, la disproportion entre la qualification retenue par la Commission et les faits invoqués n’est pas manifeste, ni même grossière. La motivation de la Commission reposant sur l’existence d’appareils de valeur scientifique équivalente à ceux que le requérant souhaitait importer dans la Communauté, n’avait rien de manifestement erroné. La Commission devait trancher sur l’application d’un règlement de la Communauté subordonnant l’octroi d’une franchise douanière à l’importation au sein de la Communauté, d’un appareil, à l’exigence du caractère scientifique ou éducatif de l’objet donc étranger à toute finalité commerciale. Cependant ledit règlement prévoyait aussi des cas d’inapplication de la mesure d’exemption, lorsque notamment un produit à valeur scientifique équivalente était déjà commercialisé au sein de la Communauté.

Tenant compte de la complexité, de la technicité des dossiers en cause, la Commission s’était conformée à l’exigence procédurale fixée par règlement, du recours à un groupe d’experts. Sur ce point, la Cour reconnaît que la complexité même du dossier étudié, justifie la large marge d’appréciation devant être accordée à la Commission. Ainsi, il appartenait à la Commission d’apprécier si l’appareil en question pouvait être qualifié d’objet à caractère scientifique ou s’il n’existait pas un appareil à valeur scientifique équivalente commercialisé ou produit au sein de la Communauté.

135 Pourtant la Cour sanctionne fermement la Commission, selon un contrôle qu’elle affirme être limitée à la légalité externe de la décision, afin de garantir la protection des droits des intéressés. La Cour sanctionne alors la violation des règles procédurales, l’obligation d'examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents, mais aussi en l’espèce, la violation du principe du contradictoire.

En réalité, c’est la qualification même d’erreur manifeste d’appréciation qui est au cœur du problème. Si en théorie, elle se définit comme l’erreur si grossière, si évidente que le juge ne peut que la sanctionner, en pratique, sa qualification est laissée à la discrétion du juge. Il lui appartient dès lors de démontrer en quoi l’erreur était grossière, évidente.

Or, dans l’arrêt Technische Universität München contre Hauptzollamt München-Mitte, le contrôle opéré par la Cour s’apparente plus à un contrôle normal de la qualification juridique des faits qu’à un contrôle restreint. Ce qui fait dire à certains auteurs, que « le juge communautaire, derrière le paravent d’un contrôle restreint limité à l’erreur manifeste d’appréciation, soumet en réalité celle-ci à un examen approfondi »261 usant de

« cet instrument à géométrie variable, qu’est l’erreur manifeste d’appréciation »262. Bien que

la motivation de la Cour soit bien menée, en ce qu’elle n’attaque pas directement le caractère discrétionnaire du pouvoir d’appréciation de la Commission, mais seulement le manque de lisibilité de la motivation de la Commission, la frontière entre contrôle normal et restreint exercé par le juge de l’UE sur la qualification des faits retenus par les instances normatives de