• Aucun résultat trouvé

E TUDE COMPAREE D ’ ILES OCEANIQUES EN

I. L ES RESERVOIRS SUPERFICIELS

Les deux études locales développées dans les chapitres précédents montrent l’importance des interactions de faibles profondeurs dans les variations isotopiques mesurées au sein des OIB. Les deux localités ciblées pour ce travail de thèse ont été choisies en fonction du plancher océanique sur lequel elles reposent.

L’archipel du Cap Vert est situé à proximité du continent Africain (toutefois éloigné de la bordure continentale), sur une lithosphère âgée d’environ 120 millions d’années, et par conséquent très épaisse. L’archipel des Açores, quant à lui, est situé en plein centre de l’océan Atlantique Nord, à cheval sur la ride médio-Atlantique. En conséquence, l’épaisseur de la lithosphère sous cet archipel est faible.

Trois observations importantes peuvent être faites à partir des études détaillées de ces 2 archipels. La première est liée au contexte géodynamique dans lequel les panaches mantelliques des Açores et du Cap Vert sont positionnés. La seconde porte sur la part relative de chaque composant assimilé pendant l’ascension des basaltes vers la surface. Enfin, la troisième concerne la relation entre l’échelle géographique d’étude et la topologie isotopique.

I.1. L’EFFET DE CONTEXTE SUR LA NATURE DES COMPOSANTS ASSIMILES

A la lumière des conclusions des deux études de détail, le positionnement de l’archipel sur le plancher océanique ne joue pas un rôle clé dans l’importance des interactions superficielles. En effet, pour chaque localité étudiée, les variations des compositions isotopiques ont pu être interprétées comme un mélange entre des liquides issus du panache ayant une composition homogène et plusieurs composants situés dans la lithosphère ou la croûte océanique. Cette observation indique donc que l’échantillonnage des OIB dans une zone où le plancher océanique est jeune ne garanti pas un accès plus aisé à la variabilité isotopique de la source profonde des magmas car la diminution de l’épaisseur de la lithosphère océanique est compensée par la présence d’un système magmatique actif.

La nature des composants identifiés peut cependant varier selon la position de l’archipel sur le plancher océanique. C’est notamment le cas pour le composant isotopiquement appauvri nécessaire pour expliquer les variations mesurées dans ces localités. Au niveau de l’archipel du Cap Vert, ce composant a été identifié à la lithosphère océanique traversée par

modes d’acquisition de la signature isotopique des OIB.

les magmas au cours de leur remontée, alors que pour l’archipel des Açores, ce composant se trouve être le manteau supérieur remontant sous la ride médio-Atlantique.

I.2. IMPORTANCE RELATIVE DES COMPOSANTS ASSIMILES

Les variations isotopiques mesurées sur les îles de São Jorge et São Nicolau montrent, dans les 2 cas, 2 alignements vers (i) un composant isotopiquement appauvri ressemblant au manteau supérieur source des MORB, et vers (ii) des MORB plus ou moins anciens formant le plancher océanique. De plus, sur l’île de São Nicolau, un 3e mélange est identifié en direction des carbonatites de l’archipel du Cap Vert. Toutefois, il faut noter que deux origines différentes sont avancées pour le composant appauvri : une origine lithosphérique pour l’archipel du Cap Vert, et une origine dans le manteau supérieur, au niveau de la ride, pour l’archipel des Açores.

L’influence de la partie crustale du plancher océanique n’est visible qu’à l’échelle de l’île. A une échelle plus large (archipel), les alignements en direction des anciens MORB représentatifs de la croûte océanique sont en effet très peu distincts des autres alignements. En revanche, les mélanges entre les liquides issus du panache et le composant appauvri de chaque archipel représentent toujours un alignement important à l’échelle régionale. Deux facteurs peuvent être proposés pour expliquer cette différence.

En premier lieu, la composition des laves interagissant avec la croûte océanique est déjà le produit d’un mélange entre les liquides issus de la fusion du panache et le composant isotopiquement appauvri, car la croûte est le dernier réservoir traversé avant la mise en place des laves. Ceci implique que les alignements observés à l’échelle locale sont des mélanges pseudo-binaires (Douglass et Schilling, 2000), dans le sens où ils sont le produit d’un mélange entre deux pôles, dont l’un est déjà issu d’un mélange entre deux composants (Panache-Lithosphère). Cette observation est particulièrement visible sur les basaltes de l’île de São Nicolau où l’alignement en direction des MORB Jurassique croise l’alignement Panache-Lithosphère au milieu de ce dernier, et non au niveau du pôle représentatif de la composition du panache du Cap Vert (fig. IV-1).

En deuxième lieu, le contraste isotopique entre ces réservoirs superficiels est faible. En effet, la croûte et la lithosphère océanique sont respectivement les produits et résidus de fusion du manteau supérieur appauvri lors de la genèse des MORB au niveau des rides médio-océaniques. Ces 3 réservoirs n’ont donc été isolés que sur une échelle de temps égale à celle de l’âge du plancher océanique sur lequel l’archipel s’est mis en place. Cette échelle de temps est trop courte au regard des temps caractéristiques (demi-vies) des

isotopes radioactifs considérés. Le contraste isotopique est lié aux différents processus affectant la croûte océanique entre le moment de sa création et celui de son échantillonnage par les laves au cours de leur remontée vers la surface. Cette histoire peut intégrer une interaction avec un panache mantellique proche au moment de sa genèse (cas des Açores). Ces processus provoquent des modifications toutefois faibles des compositions isotopiques au regard des contrastes observés entre les OIB et le manteau supérieur.

FigureIV-1: Identification de mélanges pseudo-binaires dans les basaltes de l’île de São Nicolau, archipel du Cap Vert. Le premier mélange est le produit de l’interaction entre les magmas issus de la fusion du panache mantellique du Cap Vert avec la lithosphère océanique. Les laves ayant enregistré cette première interaction de faible profondeur assimilent ensuite les MORB Jurassique formant le plancher océanique sous l’archipel. On peut noter que le point de départ de ce 2e alignement se situe à une proportion de mélange fixe du 1er alignement.

modes d’acquisition de la signature isotopique des OIB.

I.3. DIVERSITE DES COMPOSITIONS ISOTOPIQUES DES RESERVOIRS SUPERFICIELS

La dernière observation sur les interactions de faibles profondeurs est liée à la diversité des compositions isotopiques des pôles de mélanges nécessaires pour expliquer les variations mesurées dans les laves des archipels du Cap Vert et des Açores.

Les laves de ces localités sont expliquées par des mélanges entre des pôles aux compositions, qui, si elles ne sont celles des pôles extrêmes identifiés par Zindler et Hart (1986), peuvent être classées par affinité avec ces derniers. Ainsi, on peut parler (1) de pôle de type EM1 pour les pôles spécifiques aux îles du Sud de l’archipel du Cap Vert et aux îles de Pico et Faïal de l’archipel des Açores ; (2) de pôles de type DMM pour le pôle spécifique aux îles du Nord du Cap Vert et le pôle non radiogénique en Sr-Nd-Pb des îles de São Jorge et Terceira, de l’archipel des Açores ; et (3) de 2 pôles de type HIMU, d’une part pour le pôle radiogénique des îles de São Jorge et Terceira (archipel des Açores), et, d’autre part, pour les carbonatites du Cap Vert, qui possèdent des rapports isotopiques de Pb radiogéniques pour des rapports 87Sr/86Sr et 143Nd/144Nd appauvris. La composition du pôle spécifique aux basaltes de São Miguel est une exception à l’échelle globale, mais peut être exprimée comme un mélange entre les pôles HIMU et EM2. Enfin le seul pôle de mélange observé au cours de ces deux études n’ayant pas d’affinité particulière avec un pôle extrême est le pôle commun aux îles du Cap Vert, qui bien que possédant des rapports isotopiques de Pb relativement radiogéniques (206Pb/204Pb ~20), est positionné sur la NHRL et est caractérisé par des rapports isotopiques de Sr et Nd situés au milieu de la gamme de variations des OIB.

Il faut noter que sur l’ensemble des pôles ainsi décris, la majorité a été échantillonnée par les magmas lors de leur remontée à travers la lithosphère océanique. Les pôles de type EM1 sont liés, dans les cas des archipels du Cap Vert et des Açores, à de la lithosphère sous-continentale délaminée lors de processus de rifting. De leur coté, les pôles de type DMM sont respectivement liés à la lithosphère océanique et la ride médio-Atlantique. Les pôles de type HIMU sont de deux origines. Si une origine profonde est proposée pour l’archipel des Açores, les basaltes les plus radiogéniques en Pb de l’archipel du Cap Vert sont liés à l’assimilation de carbonatites, dont la source n’est pas clairement identifiée (Doucelance et al., 2007).

Une telle diversité de compositions dans des pôles impliqués au cours d’interactions de faibles profondeurs pose la question de la généralisation de l’approche choisie dans ce travail de thèse à l’échelle globale. En effet, si des variations isotopiques importantes, à la fois en terme d’intensité mais aussi en termes de diversité de compositions, peuvent être

représentatives d’interactions superficielles plutôt que d’hétérogénéités de sources à échelle locale et /ou régionale, alors l’interprétation à échelle globale de la variabilité isotopique des OIB doit être réexaminée. Cette remarque fera l’objet de l’étude menée au cours du prochain chapitre.