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CHAPITRE I : Introduction générale

2 L ES PRINCIPALES MALADIES D ’ ORIGINE BIOTIQUE DE LA VIGNE

2.2 L ES PRINCIPALES MALADIES DU BOIS DE LA VIGNE

Les maladies du bois de la vigne sont devenues préoccupantes durant les vingt dernières années. Trois maladies sont plus précisément décrites et étudiées. Il s’agit de l’eutypiose, de l’esca et du Black Dead Arm (BDA). Ces maladies vasculaires sont associées à des champignons inféodés aux vaisseaux du xylème (Bertsch et al. 2013).

2.2.1 L’eutypiose

L’ascomycète généraliste Eutypa lata (Pers. :Fr.) Tul. & C. Tul (anamorphe Libertella blepharis A. L. Smith) colonise le tronc de plus de 80 espèces de ligneux. Les vignes atteintes d’eutypiose présentent un rabougrissement sévère des rameaux (Figure 10 a-b). Les feuilles de ces rameaux sont chlorotiques et développent des nécroses en périphérie du limbe et entre les nervures. Les spores sont produites toute l’année et dispersées lorsqu’un épisode pluvieux dépasse 0.5 mm. Le phytopathogène envahit les tissus vasculaires du tronc via les plaies de taille (Jiménez-Teja et al. 2006). Le xylème infecté présente une nécrose brune en forme de V

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(Figure 10 c). Les métabolites secondaires nécessaires à l’infection par E. lata ont été caractérisés. Il s’agit de composés acétyléniques et hétérocycliques. L’eutypine, 1,4-hydroxy- 3-(3-methylbut-3-ene-1-ynyl) benzaldehyde, est la phytotoxine principale produite par E. lata (Jiménez-Teja et al. 2006).

Figure 10 Les symptômes au niveau du bois et des feuilles de Vitis vinifera atteintes d eutypiose (a-c), d’esca (d-f) et de Black Dead Arm également appelé chancre à Botryosphaeria (g-k). Planche issue de Bertsch et al. (2013).

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Des composés découlant de la même voie de biosynthèse (eutypinol, siccayne, acide eutypinique, eutypoxideB) ont également été isolés à partir de cultures sur boites et possèdent différentes cibles dans la vigne (Andolfi et al. 2011). Les postulats de Koch ont été validés pour cette maladie. E. lata a également été isolé dans le bois de vignes présentant des signes avancés d’esca. Cette espèce ferait donc partie des microorganismes pionniers formant le complexe fongique associé à l’esca (Bertsch et al. 2013).

2.2.2 Le Black Dead Arm

Historiquement le BDA est connu sous la forme de lente apoplexie. János Lehoczky décrit pour la première fois cette maladie en Hongrie durant les années 1970 afin de la différencier des symptômes causés par Phomopsis viticola (Lehoczky 1974). L’impact du BDA sur la production est difficile à estimer. Des symptômes de feuilles tigrées proches des symptômes d’esca mais sans présence d’une bande jaune chlorosée entre la nervure et le limbe nécrosé rouge sont observés (Figure 10 g). Les symptômes foliaires de Black Dead Arm sont très proches de ceux de l’esca (Figure 10 g-k). La différence entre les deux maladies est sujette à débat. En effet le réseau épidémiologique de surveillance du vignoble français ne fait pas la différence entre les symptômes foliaires d’esca et de BDA lors de ces recensements (Grosman and Doublet 2012). D’autre part l’observation continue de feuilles symptomatiques laisse penser que les symptômes de BDA évolueraient en symptômes d’esca (Lecomte et al. 2012). Ce pathosystème semble également complexe et les Botryosphaeriaceae sont également isolés dans les chancres bruns associés à des symptômes foliaires d’eutypiose (Urbez-Torres et al. 2006), donc avec E. lata (Figure 10 i). Le bois infecté présente des nécroses sectorielles en forme de V. Cette nécrose sectorielle est parfois visible extérieurement sous la forme d’une bande noire (Figure 10 h) parcourant le long du tronc des ceps (Larignon et al. 2009). Il existe 21 espèces appartenant à la famille des Botryosphaeriaceae capables de coloniser le bois de la vigne (Urbez-Torres 2011). Les Botryosphaeriaceae ont également été isolés dans les plantes présentant les symptômes d’esca. Parmi les espèces les plus fréquemment isolées figurent Diplodia seriata, Botryosphaeria obtusa, Diplodia mutila et Neofusicoccum parvum. Ces espèces causent des chancres dans de nombreuses espèces de fruitiers. La sporulation a lieu durant la période végétative en France, en hiver en Californie, et semble être indépendante de la pluviométrie. La voie d’entrée de ces pathogènes est incertaine, cependant l’infection via les plaies de taille est fortement suspectée. Les plantes atteintes

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présentent une mortalité et un retard de croissance des rameaux (Urbez-Torres & W D Gubler 2009). Toutefois des bourgeons de Vitis vinifera cv. Chardonnay et Shiraz infectés par des conidies de D. seriata and N. parvum n’ont pas présenté de mortalités significativement différentes sous serre (Wunderlich et al. 2011). Les postulats de Koch ne sont toujours pas validés afin d’associer de manière certaine les espèces de Botryosphaeriacae aux symptômes de BDA (Larignon et al. 2009; Urbez-Torres et al. 2006; van Niekerk et al. 2004). Certaines phytotoxines sécrétées par les espèces fréquemment isolées dans le bois de vigne exprimant le BDA sont connues. Différents composés appartenant à la famille des mélléines sont caractéristiques des Botryosphaeriaceae colonisant le bois (Bertsch et al. 2013; Andolfi et al. 2011).

2.2.3 L’esca

Le terme esca est employé généralement pour caractériser des ceps de vigne présentant des décolorations foliaires particulières (Figure 10 d) ou bien le dépérissement soudain du cep (Figure 10 e). Ces deux formes d’expressions foliaires de cette maladie du bois apparaissent après plusieurs années, lorsque la dégradation du bois est déjà bien avancée. Cependant le(s) pathosystème(s) associé(s) à l’esca est (sont) complexe(s). Différents pathogènes sont associés, leurs rôles globalement peu connus, et cette composition varie suivant le stade phénologique des ceps ainsi que leur état sanitaire. « L’esca proper », ou amadou, correspond à la pourriture centrale blanche observable dans les ceps sévèrement atteints (Figure 10 f). Le basidiomycète Fomitiporia mediterranea est associé à « l’esca proper » (Fischer 2006). Les organismes pionniers impliqués dans le long développement de cette maladie sont

Phaeomoniella chlamydospora, Phaeoacremonium aleophilum ainsi que d’autres espèces du

genre Phaeoacremonium. Ces organismes pionniers causent des nécroses, des décolorations ou des ponctuations dans le bois des vignes nommées « young esca ». Le développement de « young esca » n’induit pas nécessairement l’expression de symptômes foliaires. Les symptômes de décoloration des feuilles caractérisent la dernière symptomatologie associée à l’esca : la GLSD (Grapevine Leaf Stripped Disease). L’étiologie de la maladie est peu comprise (Bertsch et al. 2013). La partie 3 de cette introduction est dédiée à la définition de l’esca et la description de ce pathosystème. Les moyens de luttes disponibles ou en cours de développement y seront présentés.

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3 L’ESCA : DESCRIPTION DU PATHOSYSTEME ET MOYENS DE LUTTE