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L’Ouvertures vers la postmodernité : la crise des grands récits de légitimation

Les jeux et les enjeux de l’écriture : la postmodernité en question

1. La postmodernité en question

1.1. L’Ouvertures vers la postmodernité : la crise des grands récits de légitimation

Jean-François Lyotard dans son ouvrage La condition postmoderne parle de la « remise en cause des grands récits de légitimation »59, qui représentent la somme des discours théoriques par lesquels la science se justifie.

Les « grands récits » (…) « les métarécits » dont il est question dans La condition postmoderne sont ceux qui ont marqué la modernité (…) ils ont pour fin de légitimité des institutions et des pratiques sociales, des législations, des éthiques, des manières de penser. (…) ils (…) cherchent cette légitimité (…) dans un futur à faire devenir, c'est-à-dire dans une idée à réaliser. Cette idée (de liberté, de « Lumière », de socialisme, etc.) a une valeur légitimante parce qu’elle est universelle.60

Ces discours essayent de réaliser, ce que Habermas appelle, le projet de la modernité qui réside dans la volonté des modernes de vouloir réaliser l’universalité. Ce projet étant considéré comme inachevé.

Selon Lyotard le sujet contemporain a pu, certes, maîtriser ce que la science et les nouvelles technologies lui offraient et cela lui a octroyé une certaine sécurité dans les faits.

Toutefois, la technoscience puisqu’elle n’accepte comme critère que la réussite et partant de l’idée que celle-ci se trouve devant l’incapacité de la définir, le projet d’universalisation de la modernité, ne peut être accompli.

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Le terme procès renvoie à : développement.

59 Jean-François LYOTARD, La condition postmoderne, Tunis, Ed. Cérès, 1994. (1ère édition, Minuit, Paris, 1979), p. 10.

60 LYOTARD (J-F), Le postmoderne expliqué aux enfants : correspondances (1982-1985), Paris, Ed. Galilée, 1988-2005, pp. 35-36.

Cela, a eu pour conséquence d’accélérer le procès de délégitimation des métarécits qui la régissent. Mais c’est aussi les crimes (particulièrement les ethnocides) perpétrés, à travers l’histoire moderne, qui ont ouvert une voie vers la postmodernité. Crimes qui ont porté atteinte à la crédibilité de ceux-là.

S’interroger sur la notion de postmodernité, c’est la situer au sein d’un plus vaste réseau, celui de la littérature française contemporaine, plusieurs théoriciens proposent de la définir, sur le plan littéraire, et de mettre en place ses caractéristiques, parmi lesquels : Bruno Blanckeman, Dominique Viart, Bruno Vercier, Marc Gontard et bien d’autres.

Dans l’ouvrage collectif Le roman Français au tournant du XXIe siècle, Anne Cousseau, reprend les propos de Sophie Bertho (une théoricienne du postmodernisme littéraire) :

Ces récits sont traversés par une conscience du romanesque et de son héritage : une conscience qui travaille à vif les pratiques d’écritures, au travers d’un certain nombre de catégories romanesques qu’elles sollicitent et qui avaient été, pour une part, dévalués par le Nouveau Roman et le textualisme (…) Alors que la modernité s’est construite s’est construite sur des positions de rupture, c’est la question du lien qui se trouve au cœur des enjeux de la postmodernité61

Les propos d’Anne Cousseau soulignent un phénomène propre à cette postmodernité littéraire qui est « le retour au récit » ou la « renarrativisation » qui désigne la réapparition d’une certaine linéarité, d’un certain confort de lecture, perdu avec le Nouveau Roman, en remettant au bout du jour des éléments délaissés par celui-ci comme le personnage et l’histoire. Ces retours ont eu pour répercutions la réhabilitation du personnage, la réapparition du « sujet », qui elle même entraîne la création de formes hybrides comme l’autofiction.

Dans le même ouvrage, est citée, une autre théoricienne, Marie Redonnet qui avance le fait qu’ « il se pourrait que tous les chemins ont été explorés (…) il s’agirait alors plutôt de trouver de nouvelles façons d’explorer ce qui l’a été. »62

61 Anne COUSSEAU, « Postmodernité : du retour au récit à la tentation romanesque », dans, Bruno BLANCKEMAN, Marc DAMBRE (sous la dir. de), Le roman Français au tournant du XXIe siècle, Paris, Presses universitaires de la Sorbonne Nouvelle, 2004; pp. 369, 370.

62 Marie REONNET, Question du roman/Roman en question, Europe, supplément au n° 820-821, août-septembre, 1997 ; p. 17, citée dans, op. cit ; p. 370.

Car en effet la postmodernité ne se veut pas comme une énième nouveauté, elle se veut éclectique, le roman contemporain assimile ainsi des éléments hétérogènes pour s’écrire, en les réinvestissant.

Bruno Blanckeman et la notion de postmodernité

Bruno Blanckeman distingue entre postmodernité et postmodernisme. La première renverrait à un certain nombre de valeurs et caractéristiques propres à une époque (contemporaine), où règne un état de « désenchantement »63, de méfiance, qui a débuté dès les années 1970. Ou encore, un esprit de relativisme traduisant le fait que toutes les grandes valeurs suscitent le doute.

Le postmodernisme, quant à lui, est un art, un ensemble de pratiques et procédures formelles de création/d’écriture. Une littérature postmoderniste qui se caractérise par : l’imaginaire de la bibliothèque, l’écriture comme un jeu et une liberté textuelle totale.

Dans un premier temps, l’imaginaire de la bibliothèque se base sur la notion d’intertextualité, qui est, non plus un simple procédé littéraire mais un constituant intrinsèque, un élément parmi d’autres structurant le roman contemporain. Les « références » à d’autres œuvres/discours ou autres se multiplient, parfois, brouillant les repères entre le texte et ceux qu’ils convoquent.

Ensuite, l’écriture comme un jeu qui est livrée à une autodérision perpétuelle. L’écriture s’ironise et devient « légère », elle s’annule elle-même en tant qu’écriture porteuse de sens, cela peut se lire dans ces romans à travers, les pastiches, parodies, caricature ou encore déformation des modèles.

Finalement, une liberté textuelle totale. Deux axes peuvent être mis en place, axes sur lesquels se fonde l’écriture romanesque postmoderniste, « l’intergénérique » et le « transdisciplinaire », qui ouvrent la voie à une notion que nous allons analyser dans le point suivant, le zapping romanesque.

63 C’est le sociologue Allemand Max Weber qui évoque ce concept dans son ouvrage « Économie et Société, 1922 », un monde où est érigée, progressivement, le raisonnement rationnel au dépens des autres formes d’actions sociales.