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Les jeux et les enjeux de l’écriture : la postmodernité en question

1. La postmodernité en question

1.3. Héritage contemporain : Viart et Vercier

Dominique Viart et Bruno Vercier, quant à eux, dans leur ouvrage La littérature

Française au présent, avancent :

On a pu, ici et là, appeler « postmodernité » cette esthétique qui renonce à la « table rase » prônée par les avant-gardes de la modernité et renouvelle l’intérêt envers le passé (…) souci (…) comprendre notre histoire et ses travers. Dans l’univers artistique et culturel, cela passe par une restauration du regard accordé au sujet et à ses vicissitudes, au réel et aux façons que nous avons de la vivre (…) comment écrire après (…)? (…) difficulté (…) thématisée par des textes qui mettent en scène le jeune artiste face à l’ancien (…) la littérature contemporaine vit de son désir et de son deuil, qu’elle projette rétrospectivement sur la passé. Toute la littérature contemporaine avec ses jeux multiples de citations, d’allusions, de réécritures, d’investigation de la culture, de confrontations aux autres arts (…) l’art comme l’expérience du sujet que s’attachent à restituer les fictions biographiques. 71

Dans cette citation est soulignée, aussi, l’importance de prendre en considération l’héritage afin de l’interroger pour pouvoir comprendre le présent. Ensuite, la postmodernité obéit à une esthétique qui s’emploie à préparer le retour du sujet, ainsi, qu’à réactualiser les problématiques littéraires.

Le procès des écrits de soi : autobiographie, autofiction, récits d’enfance, journal, récits de filiation (héritage, biographies). Ces récits sont souvent taxés par la critique de «narcissique » ou « nombriliste » mais en ayant pour point de départ le sujet, ils donnent souvent la parole à des personnages marginaux ou encore, dénués de toute profondeur psychologique. Pour appuyer ces dires, observons, les propos de Bruno Vercier et de Dominique Viart : « La nécessité de confronter ces paroles au monde qui les ignorent ou les refoule, conduit l’écrivain à leur chercher un espace de profération. D’abord en l’imaginant dans un texte mi-réflexif mi-narratif. »72.

Des espaces d’expressions sont crées où on y trouve des personnages qui peuvent être des reclus de la société, comme l’est le personnage/ narrateur Frédéric Beigbeder, il déclare : « j’accuse la société de consommation de m’avoir fait comme je suis : insatiable. J’accuse mes parents de m’avoir fait comme je suis déstructuré » (WOTW, p.223).

71 Dominique VIART, Bruno VERCIER, La littérature française au présent : héritage, modernité, mutation, Paris, Ed. Bordas, coll. « La bibliothèque Bordas », 2005, p. 124.

72

Comme ils peuvent être sans intérêt particulier, sans profondeur psychologique, à titre d’exemple, les personnages le brun en Kenneth Cole et la blonde en Ralph Lauren.

En haut d’un artificiel piton rocheux, deux amants se tiennent la main.

- J’ai toujours déteste les mardis. C’est encore le début de la semaine mais en plus faux cul que le lundi, dit la blonde en Ralph Lauren.

- Putain ça fait chier qu’on ne puisse pas sortir d’ici, dit le brun en Kenneth Cole. T’as pas deux Advil ? - Nan, j’ai avalé les derniers après avoir inhalé la fumée de la moquette, dit la blonde en Ralph Lauren.

Elle m’a arraché la gorge.

Les conduites d’air conditionné crachaient un nuage dans la salle de réunion. La fumée montait de la moquette d’abord en volutes fines, puis en trois colonnes épaisses le long des murs comme de la brume sur un marécage, ou des feux follets dessinés par décorateur italien.

- Quand je pense que tu ne verras jamais mon home cinéma : un écran plasma de la taille du lac supérieur, dit le brun en Kenneth Cole.

- Too bad… mais ne soit pas défaitiste, les pompiers vont arriver, c’est une question de minutes, dit la blonde en Ralph Lauren.

Ce dialogue est surréaliste car face au danger et à une mort certaine, les protagonistes continuent à parler de futilités au lieu de se préoccuper de leur sort. Pour que ceux-là soient encore plus dénués de profondeur, le narrateur a choisi de les nommer par rapport aux marques de vêtements qu’ils portent, Ralph Lauren et Kenneth Cole.

Dans Windows on the world, c’est le mode de vie et la façon d’être de ces deux personnages qui mettent en accusation une société de consommation de masse, ayant pour principe un hédonisme de masse. A ce propos, Carthew déclare : « pourquoi je pense à des trucs sexuels au lieu de sauver nos peaux ? Parce que c’est une façon de nous sauver. Tant que je serai un obsédé, je serai. Quand je penserai à autre chose, c’est que je ne serai plus » (WOTW, p. 227).

Pour démonter comment des futilités peuvent amener à parler de choses graves, analysons un exemple de ce que Blanckman et Vercier appellent « Un vécu jamais entendu ».

10h01. Les secours ne sont jamais arrivés jusqu’à nous. Vous ne nous avez pas vu à la télé. Personne n’a pris nos visages en photo. Tout ce que vous connaissez de nous est des silhouettes ébouriffées escaladant la façade (…) Mais ils n’ont pas montré les morceaux de gens qui tombaient, les fontaines de sang, l’acier, la chair et le plastique soudés ensemble. Vous n’avez pas senti l’odeur de fils électriques cramés (…) Quoi ? La pudeur ? Il ne fallait pas choquer les enfants ? Il ne fallait pas faire du sensationnel avec nos corps suppliciés ? Trop dégueulasse vis-à-vis des familles des victimes ? On prend moins de gants quand les charniers sont à l’étranger. Tous les crashs aériens sont photographiés et revendus sauf à New York. Le soi-disant « respect des familles » ne dérange d’habitude pas les journalistes, en particulier américains (…) C’est la réalité qui est dégelasse, et refuser de la regarder l’est encore plus. (WOTW, pp. 320-621).

Un vécu jamais entendu, Celui de Carthew Yorston, de ces deux fils et tous ceux qui ont essayé de survivre à la collision de l’avion dans la tour nord du World Trade Center. Leurs voix veulent faire éclater un tabou, qu’est devenu le fait de parler du 11 septembre 2001 au Etats-Unis. Carthew Yorston, après s’être jeté, avec ses deux fils du haut du Windows on the world, le déclare.