• Aucun résultat trouvé

L’ ORIGINALITE DE CE BAIL : UN LOYER PAYABLE EN NATURE

I – Le fait générateur de la copropriété

B. L’ ORIGINALITE DE CE BAIL : UN LOYER PAYABLE EN NATURE

C’est l’article L251-3 du Code de la construction et de l’habitation qui dispose en son premier et second alinéa :

« Le prix du bail peut consister, en tout ou partie, dans la remise au bailleur, à des dates et

dans des conditions convenues, d'immeubles ou de fractions d'immeubles ou de titres donnant vocation à la propriété ou à la jouissance de tels immeubles.

S'il est stipulé un loyer périodique payable en espèces, ce loyer est affecté d'un coefficient révisable par périodes triennales comptées à partir de l'achèvement des travaux. Toutefois, la première révision a lieu au plus tard dès l'expiration des six premières années du bail ».

Cet article prévoit ainsi un loyer payable en nature par la remise d’immeubles ou fractions d’immeubles ou un loyer payable en espèce. Dans le cas où les parties ont opté pour le paiement en espèce, l’article retombe sur le droit commun par l’institution d’une révision triennale du montant des loyers. Aujourd’hui, dans le cadre du bail d’habitation cette révision est subordonnée par un indice de prix qui prendra en considération différents éléments extérieurs, au sens de la Loi ALUR de 2014, afin de déterminer la réévaluation. Il est tout à fait possible pour les parties de déterminer une indexation en basant l’indice sur le montant du coût des travaux ou autre indice portant sur un autre objet du contrat ou de prévoir, comme pour la révision des loyers d’habitation, une réévaluation annuelle21.

Cette indexation n’aura lieue que si les parties ont opté pour le paiement d’un loyer périodique. Les parties peuvent également choisir un versement unique du loyer en cours de bail. Cet article n’étant pas d’ordre public, les parties sont libres de prévoir l’aménagement du prix des loyers. Ici, le législateur et a fortiori la jurisprudence a voulu mettre un panel d’idées à suivre pour l’indexation du prix. Ainsi, au même titre que la détermination de la valeur de base du loyer est libre, le choix d’indexation l’est également.

21 Civ 3ème, 4 mars 1981, n°79-13.960

Dans le cas d’une contestation du prix des loyers, aux termes de l’article L251-5, alinéa 4 du CCH, le président du tribunal de grande instance sera compétent pour connaître du litige. Il statuera au sens du Décret du 30 septembre 1953 relatif aux rapports entre bailleur et locataires (article R251-3). Cette compétence est d’ordre public. La date de paiement est quant elle libre, elle doit être prévue par les parties, toutefois il est préférable qu’il intervienne en cours de bail pour des raisons de qualification du contrat de bail et éviter la vileté du prix. Egalement, puisque le paiement en fin de bail se confondrait à l’accession différée du bailleur.

En son premier alinéa, l’article pose également la possibilité pour les parties de prévoir le paiement en nature, soit donc par la remise d’immeuble ou fractions d’immeubles ou titres donnant vocation à la propriété ou à la jouissance de ces immeubles. Cette remise ne peut être que partielle. De fait il s’agira d’une sorte de paiement hybride dont une partie pourra être acquittée en espèce et l’autre partie en nature. Ici il y va de la volonté contractuelle des parties.

Cette remise en nature, qu’elle soit partielle ou totale est un point au cœur de l’originalité de ce bail. En effet, dans le droit commun des baux, il est rare voire même quasi inexistant de retrouver la possibilité de payer un loyer par la remise d’un bien en nature. La jurisprudence admet même dans le cas du bail à construction, que le bien remis soit issu d’une autre opération que le preneur a bail mène parallèlement au travail sur le terrain du bailleur. En ce sens, l’arrêt de la Troisième Chambre civile du 13 octobre 199922. Cette solution aurait pour effet d’éviter la conséquence immédiate du paiement en nature du loyer qui est donc l’institution d’une copropriété entre bailleur et preneur sur l’immeuble remis en cours de bail.

Ici, une explication est de mise. En prévoyant la remise au bailleur d’immeuble ou fractions d’immeuble, donc par voie directe, ou de titres ayant vocation à la propriété ou la jouissance, soit donc par voie sociétaire, nous arrivons obligatoirement à un transfert de propriété.

En effet, il faut se remémorer que dès lors où le bail est conclu entre le bailleur et le preneur, ce dernier devient automatiquement propriétaire de toutes les constructions qu’il a pu édifier ou rénover durant le bail. Ainsi, en tant qu’entier propriétaire il peut aliéner à titre onéreux ou gratuit ses droits sur les immeubles, au titre de son droit réel immobilier. En effectuant une remise au bailleur que ce soit un immeuble entier ou de fractions d’immeubles, il transfert

également la propriété ainsi que les risques sur la chose. Le bailleur devenant alors entier propriétaire du bien remis. En conséquence de quoi, le preneur restera propriétaire des autres immeubles construits ou rénovés et le bailleur lui le sera sur celui qui a été remis. Ainsi, sur une même assiette on aura deux propriétaires différents, dont les droits seront répartis suivant l’attribution de lots qui aura été déterminé en amont dans le bail même, ce qui au final donnera une copropriété au sens de l’article Premier de la loi du 10 juillet 1965. Plus précisément, il y aura le transfert d’une partie des droits réels immobilier du preneur sur les constructions en faveur du bailleur.

Cette remise pourrait s’analyser comme une fin anticipée du caractère différé de l’accession. Bien que la remise ne puisse porter que sur une partie de l’immeuble et l’autre restant à la seule propriété du preneur, ce qui aura pour conséquence de créer une copropriété entre eux deux, celle-ci viendra en anticipation à l’entrée finale de cette partie des constructions dans le patrimoine du bailleur. Cela ne pose pas de problème en ce que c’est directement prévu par voie législative. Autrement, cette situation n’aurait-elle pas entrainée une rupture anticipée de l’accession différée du bailleur à cette partie de l’immeuble remis ? Il y aurait ici une réunion importante de pouvoirs entre les mains du bailleur seul. En conséquence de quoi cette anticipation à l’accession aurait le même effet sur les autres constructions et ainsi mettrait fin par anticipation au bail à construction même, ce qui aurait pour effet de déclencher la fiscalité qui y est attachée ? Autrement dit, peut-on mettre fin de façon anticipée à l’accession différée pour une seule partie de l’immeuble ?

C’est peut-être pour éviter ce type de question que le législateur a prévu textuellement la situation.

Toutefois, par ce transfert de propriété, ici on aura une copropriété assez originale puisque le bailleur, propriétaire du tréfonds et donc du sol, a, avant remise du bâtiment, la propriété pleine et entière de la partie constituant la partie commune du lot, au sens de l’article 3,