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L’ontologie de l’éducation : entre métaphysique et anthropologie

Dans le document La question des postulats de l'éducation (Page 94-111)

Conclusion du chapitre

I- L’ontologie de l’éducation : entre métaphysique et anthropologie

Les premières analyses ont montré qu’il est une question dans la philosophie de l’éducation qui a tous les aspects d’une condition de possibilité, c’est celle qui porte sur l’être même de l’éducation. Faut-il l’identifier à un questionnement métaphysique, ontologique ou anthropologique ? Des doutes persistent. Il faut en convenir : il est difficile de dire son nom. Fabre parle d’une « métaphysique de la formation » dans le cadre d’une élucidation anthropologique. Kambouchner utilise les expressions de « métaphysique de l’éducation » et d’« ontologie de l’éducation ». Il a été établi que parler d’ontologie et/ou de métaphysique, c’est courir le risque de la critique ordinaire, pour ainsi dire unanime de la part des spécialistes des sciences de l’éducation, consistant à ne voir en elle(s) qu’une spéculation abusive et dénuée de tout rapport à la réalité. C’est, tout simplement, être frappé d’ostracisme. Il s’ensuit donc une nécessaire clarification de cette question première, par la distinction des significations que recouvrent la métaphysique, l’ontologie et l’anthropologie de l’éducation. Cette dernière, en effet, s’est souvent trouvée là où l’on semble pouvoir déceler le propre de l’ontologie et/ou de la métaphysique. Pourquoi certains auteurs parlent-ils d’anthropologie plutôt que d’ontologie ? L’anthropologie, à première vue, porte son attention sur l’homme. Aussi peut-il être facile de confondre, voire d’assimiler, une représentation anthropologique de l’homme et ce que l’on entend par « nature humaine » dans une perspective ontologique. Afin d’engager cette clarification notionnelle, nous allons mettre de côté la distinction entre métaphysique et ontologie, le temps de l’analyse des distinctions entre d’un côté l’ontologie et la métaphysique et, de l’autre côté, l’anthropologie.

A- Ontologie ou anthropologie de l’éducation ?

Sur le plan définitionnel, il semble étrange d’assimiler l’ontologie de l’éducation à l’anthropologie de l’éducation. L’ontologie ne cherche pas d’emblée à penser l’homme sous un aspect culturel ou historique. (C’est d’ailleurs bien ce que les spécialistes des sciences de l’éducation lui reprochent.) Du reste, c’est pour cette raison qu’elle est en un sens plus neutre. Si elle détache l’homme des contextes culturels et historiques, ce n’est pas pour le rendre parfaitement abstrait, mais simplement pour le regarder d’abord comme un individu avant de le penser comme un être déterminé par des circonstances extérieures. L’idée a déjà été évoquée plus haut grâce aux analyses de Kambouchner143. La perspective ontologique sur l’éducation tenterait donc de regarder d’une part l’individu indépendamment des facteurs historiques, culturels et sociaux, et d’autre part le processus éducationnel en lui-même, indépendamment des idéaux et des méthodes spécifiques à un temps et un lieu. Christophe Wulf explique que le « savoir anthropologique de l’éducation fonctionne dans une double contextualité historique et

culturel : d’une part pour celui qui produit la connaissance, d’autre part pour celui qui,

dans ses recherches, s’appuie sur ce savoir, produit dans un contexte »144. On pourrait estimer tenir là un critère de démarcation entre l’anthropologie de l’éducation et l’ontologie de l’éducation, dans la mesure où cette dernière ne s’inscrit pas dans cette double contrainte. Ajoutons que l’ontologie peut sembler moins rigoureuse, de ce point de vue-là.

Cela dit, si l’on considère avec Reboul que la question la plus radicale de l’éducation est : « Qu’est-ce que l’homme pour qu’il doive être éduqué ? »145, on peut parfaitement l’entendre anthropologiquement. De la même manière, la question « Qu’est-ce que cela signifie d’être un humain ? » peut être entendue ontologiquement ; c’est pourtant la question de l’anthropologie, selon Kathryn Anderson-Levitt, dans « Les divers courants en anthropologie de l’éducation »146. Aussi permet-elle d’éclairer un point obscur quant à cette assimilation entre philosophie et anthropologie de l’éducation, en soutenant d’une part que des anthropologies de l’éducation seraient philosophiques, et d’autre part qu’en France, il n’y aurait pas eu d’anthropologie de

143

Cf. La probable contribution de l’ontologie de l’éducation.

144

C. Wulf, L’anthropologie de l’éducation, trad. de l’allemand par J.-L. Evard, Paris, L'Harmattan, 1999, p. 6.

145

O. Reboul, Philosophie de l’éducation, p. 5-6.

146

K. Anderson-Levitt, « Les divers courants en anthropologie de l’éducation », Éducation et Sociétés, 2006, n°17, http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/education-societes/RE017-2.pdf, p. 9.

l’éducation proprement dite, contrairement à ce qu’il en a été aux États-Unis et en l’Allemagne. Autrement dit, on a toutes les raisons de penser que cette confusion entre ontologie et anthropologie trouve sa source dans une assimilation aisée entre philosophie et anthropologie. N’est-ce là qu’une question de mots ? Est-ce bien utile de se poser ainsi la question de la distinction entre ontologie de l’éducation et anthropologie de l’éducation ?

Si la frontière paraît mince, mettre un mot à la place de l’autre peut n’avoir aucune conséquence. Notre propos tentera de montrer le contraire. Nous ne retiendrons pas l’idée d’une justification fondée sur une possible confusion. Il nous semble plutôt que cette assimilation peut être le résultat d’une méfiance à l’égard de la métaphysique et/ou de l’ontologie dans l’histoire de la réflexion sur l’éducation. Cette circonspection, à peine dissimulée, pourrait expliquer le fait que l’on préfère parler d’examen anthropologique, alors même que l’on fait de l’ontologie. Et cela peut avoir des conséquences importantes sur la philosophie de l’éducation elle-même.

Sans vouloir anticiper la suite, il importe de savoir que nous aurions pu très simplement établir la définition de l’ontologie, la réhabiliter en quelque sorte, et engager notre propre étude sur les postulats de l’éducation. Mais nous ne pouvions pas le faire à cause de cette confusion qui n’est pas là par hasard. Et si elle se maintient, c’est qu’une difficulté persiste. Nous pensons pouvoir proposer une version de ce problème. Il semble lié à la question : la science suffit-elle pour rendre compte de l’éducation ? Question étrange, en un sens, dans la mesure où elle a déjà reçu une réponse. Pas tout à fait, puisque c’est dans la formulation de cette réponse que les avis vont à la fois converger et diverger. Car, à moins de souscrire d’emblée à une forme de positivisme, il y a une forme de consensus qui consiste à soutenir que toutes les facettes de l’éducation ne peuvent être expliquées par des théories proprement scientifiques. Il faut savoir quelles sont ces facettes de l’éducation, et comment les approcher. Et c’est précisément là où les choses se compliquent, où les discours s’orientent différemment, dans la mesure où ils vont confier à des disciplines théoriques différentes le problème à régler. C’est alors qu’interviennent en priorité la philosophie et l’anthropologie. Car ce qui échappe à la science, c’est l’homme. La sociologie aura elle aussi son mot à dire, et interviendra donc dans notre analyse. Il convient de poser le problème.

Partons d’un exemple. Jacques Maritain, dans Pour une philosophie de

premiers fondements, ni les directions primordiales de l’éducation »147. Il examine ce que ferait la science si elle était livrée à elle-même, si elle devait se suffire pour expliquer l’éducation. « Il nous faut remarquer ici que si nous essayons de fonder l’éducation et de mener à bien son œuvre sur la seule base de l’idée scientifique de l’homme, nous ne pourrions que déformer et fausser cette idée même, car nous serions bien obligés, en fait, de poser la question de la nature et de la destinée de l’homme, et il nous faudrait presser la seule idée à notre disposition, à savoir l’idée scientifique, pour obtenir une réponse à notre question ; et nous essayerions alors, contrairement à la structure typique de cette idée, de tirer d’elle une espèce de métaphysique »148. Autrement dit, par elle-même, la science parviendrait à la métaphysique, parce qu’elle ne peut comprendre l’éducation qu’au moyen d’une idée de ce qu’est l’homme, dans sa nature et dans sa destinée. La science se contredirait pour parvenir à réaliser sa propre démarche d’explication du phénomène éducationnel. Si bien que Maritain impose le recours à des approches autres que scientifiques pour rendre compte de l’éducation, et plus précisément pour répondre à la question des « premiers fondements et des directions ». Seule une idée « philosophico-religieuse de l’homme »149, c’est-à-dire « une idée ontologique », selon ses mots, peut y répondre. Cette idée, il la caractérise ainsi : « Elle n’est pas entièrement vérifiable dans l’expérience des sens, bien qu’elle possède des critères et des preuves qui lui sont propres ; et elle porte sur les caractères essentiels et intrinsèques (quoique ni visibles, ni tangibles) et sur la densité intelligible de cet être qui a nom : l’homme »150. Par conséquent, la science ne peut saisir seule l’éducation parce qu’elle a besoin de savoir ce qu’est l’homme, ce qui signifie dépasser les données de l’expérience, sortir des cadres et des méthodes strictement scientifiques. Selon Maritain, c’est une approche philosophico-religieuse qui peut ou doit s’en charger. Cette idée de l’homme est une idée ontologique. Donc on pourrait en conclure qu’il doit s’agir, en dernière analyse, d’une réflexion ontologique sur l’éducation. Mais la précision des besoins en question, à savoir l’examen des fondements et des finalités de l’éducation, conduit à douter de l’exclusivité accordée à l’ontologie. On peut nier que l’idée d’homme ne peut être abordée que philosophiquement et/ou religieusement. Car celle-ci pourrait être fournie par l’anthropologie et/ou la sociologie. Voilà pourquoi il convient d’examiner une autre manière de comprendre le problème.

147

J. Maritain, Pour une philosophie de l’éducation (1959), Paris, Fayard, 1969, § 4, p. 20.

148 Ibidem, § 5, p. 21. 149 Ibidem, § 4, p. 20. 150 Idem.

Prenons donc un exemple très différent, la conception tripolaire de l’éducation proposée par Avanzini. C’est donc dans le cadre des sciences de l’éducation que nous explicitons ici notre propos. Avanzini, dans un extrait de l’article « De l’avenir des sciences de l’éducation », fait le point sur ce qu’est le phénomène éducationnel en distinguant ses trois aspects principaux, et en précisant en quoi ils consistent et quelles disciplines s’en chargent. « D’abord, il est nécessairement finalisé, ordonné à des valeurs, qui exercent une fonction simultanément dynamogène et régulatrice ; il se réfère, plus ou moins explicitement mais inéluctablement, à une conception de la société, de l’homme et de sa destinée, du sens de l’histoire et de la vie ; c’est son axiologie. Par ailleurs, il met en œuvre une certaine représentation du destinataire – enfant, adolescent, adulte – qu’il emprunte à la biologie, à la psychologie et/ou à la sociologie ; c’est son anthropologie. Enfin, en fonction de ces deux paramètres, il invente les procédures qui lui paraissent ajustées ou dont il s’efforce de vérifier ou d’améliorer la portée »151. Le dernier aspect n’est pas identifié spécifiquement ; on suppose qu’il s’agit de la pédagogie, de la détermination des méthodes éducatives. Pour les deux autres, des noms sont donnés, et c’est ce qui nous intéresse. Qu’est-ce qu’il place, premièrement, sous l’idée d’axiologie ? Celle-ci doit répondre à la question des fins de l’éducation. Pour ce faire, cinq choses doivent être prises en considération, il s’agit d’après lui de la société, de l’homme, de la destinée de l’homme, du sens de l’histoire, du sens de la vie152. Il faut donc comprendre que c’est en fonction d’une conception globale de l’existence humaine qu’il est possible de donner un sens à l’éducation, sens compris doublement comme direction et signification. L’axiologie, comme étude des valeurs, se fonde donc sur ces cinq aspects de l’existence humaine. De surcroît, elle est, aux yeux de l’auteur, primordiale dans la mesure où elle joue un rôle capital dans cette structure tripartite des sciences de l’éducation. Ce sont ses mots : « le registre prioritaire est axiologique ; c’est en fonction de lui que tout est ordonné »153. L’axiologie serait première, elle déterminerait en définitive les principes même de l’éducation.

Qu’en est-il du deuxième aspect du phénomène éducatif ? Il s’agit de la représentation du destinataire, qui peut être abordée de différentes manières. Il les

151

Guy Avanzini, « De l’avenir des sciences de l’éducation », Recherches & éducations, 2008, 1-2,

http://rechercheseducations.revues.org/454, § 16.

152

On dirait que l’auteur met ensemble l’homme et sa destinée, ainsi que l’histoire et la vie. Nous les avons séparés. Bien que cela puisse affecter le sens précis de l’énoncé, pour notre réflexion, il n’est pas utile de les associer.

153

regroupe toutes sous la rubrique « anthropologie ». Et cela peut étonner, étant donné que l’idée d’homme a été inscrite dans l’axiologie. Que faut-il donc entendre, ici, par « anthropologie » ? Parce que l’auteur donne les exemples de la biologie, de la psychologie et de la sociologie, on peut supposer qu’il regroupe sous l’idée d’anthropologie toutes les approches descriptives de l’homme. La différence avec l’axiologie serait donc évidente, celle-ci étant prescriptive. Bien que l’on puisse comprendre la distribution des fonctions, on doit tout de même appuyer sur l’idée que l’anthropologie délivre, en dernière analyse, un propos descriptif sur l’éducation. Pourquoi faut-il insister là-dessus ? Simplement parce que, pour certains auteurs, c’est soit à l’anthropologie en générale, soit spécifiquement à la sociologie de poser ses valeurs. Or, on peut induire cette possibilité des propos mêmes d’Avanzini. Le glissement est facile, voire spontané, parce qu’il a posé d’emblée que l’axiologie découle, entre autres, d’une idée de la société et de l’homme. Autrement dit, c’est sur cette idée, éventuellement fournie par la sociologie et/ou l’anthropologie, que l’on édifie les valeurs de l’éducation. Prise à la lettre, cette idée peut s’entendre comme la reconnaissance d’une légitimité de la sociologie et/ou de l’anthropologie à définir les valeurs de l’éducation, et par conséquent à répondre à la question des fondements même de l’éducation. En somme, ce qui, chez Maritain, remplit la fonction attribuée à l’ontologie serait, chez Avanzini, l’« axiologie de l’éducation », cette dernière pouvant être rapportée à une « anthropologie de l’éducation », voire réduite à une « sociologie de l’éducation ».

Nous ne voulons pas dire que Maritain et Avanzini se contredisent, comme s’ils avaient dialogué ensemble, comme s’ils s’étaient opposés sur ce point. Nous voulons juste montrer qu’en réfléchissant, sur des modes différents, mais à des problèmes qui se recoupent, il est très facile de perdre le fil des idées à cause des mots. Et finalement, c’est tout un cadre conceptuel qui se trouve indéfini, ou mal défini. Nous ne pouvons pas laisser dans le vague cette idée. Toute notre démarche en dépend. N’est-ce pas là une des préoccupations majeures de la philosophie de l’éducation que de chercher à savoir ce qui se trouve sous ces mots ? Kerlan le rappelle très simplement : « La philosophie devrait au moins apprendre à ne pas se payer de mots, à ne pas laisser les mots penser à notre place »154. Plus bas, il précise que la philosophie doit se pencher sur « la nature même du discours de la formation » [afin de] « ressaisir, sous les figures qui

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le manifestent, le dissimulent et le confisquent en même temps, au plus près de son surgissement existentiel et culturel, notre être-en-formation »155. Cette idée n’est pas nouvelle, elle ne fait que répéter ce qui a été dit, et on doit convenir de la banalité de cette attention à porter aux mots. Toutefois, Kerlan indique expressément quelques conséquences d’un défaut d’attention aux mots, et l’une d’elles nous intéresse en particulier, c’est celle du positivisme naïf. « La crédulité et l’ingénuité régnantes en matière de formation, explique-t-il, laissent malheureusement libre champ à un positivisme naïf, à un fétichisme technocratique, largement répandus dans la littérature et le discours de formation »156. En quoi ne pas faire suffisamment attention aux mots peut conduire à souscrire à un tel positivisme ? C’est précisément ce que nous voulions mettre en évidence dans le paragraphe précédent. Il suffirait, par exemple, de penser que les finalités de l’éducation peuvent être déduites d’analyses sociologiques et/ou anthropologiques pour le soutenir. Voilà une des raisons pour lesquelles il importe d’étudier les formulations des tâches attribuées à la philosophie de l’éducation. Et parce que la transition est naturelle, examinons comment Kerlan s’exprime à ce sujet. Ceci nous permettra de nous rapprocher du problème qui nous intéresse et de préciser la méthode de résolution qui sied.

Dans sa réflexion sur la tentation positiviste, Kerlan repose de façon générale la question du rapport entre sciences de l’éducation et philosophie de l’éducation. « Regardant l’éducation comme "une des activités les plus élémentaires", l’un des propres de l’homme, recevant dans son sens fort l’idée selon laquelle "l’homme existe

en formation", la philosophie de l’éducation participe d’une anthropologie sans s’y

réduire, sans y réduire le principe de l’éduquer. Le point de vue sociologique ne suffit pas non plus à épuiser le sens de l’éduquer »157. Il faut donc comprendre que la nécessité pour l’éducation de s’intéresser à ce qu’est l’homme, ne peut être satisfaite par les traitements anthropologiques et sociologiques. Et c’est précisément la philosophie, en tant qu’elle tente d’appréhender le propre de l’homme indépendamment des structures sociales et anthropologiques, qui peut répondre à cette nécessité. Pour étayer cette idée, il commence par montrer que Durkheim lui-même aurait laissé une marge de manœuvre dans l’institution des valeurs en l’éducation. « La célèbre définition, sous la plume de Durkheim, de l’éducation comme socialisation, demeure une description 155 Idem. 156 Idem. 157 Ibidem, p. 57.

fonctionnelle. Pour Durkheim lui-même, comme le remarque judicieusement Franck Morandi (2000), l’éducation n’est qu’un moyen, un "moyen technique pour la société

d’assurer sa persistance et sa diversité et pour l’individu son intégration". Et donc

condition, poursuit l’auteur, "non de la réalisation d’un idéal (lequel ?), mais de la

continuité de la société". On doit donc se garder, et la philosophie de l’éducation

participe de cette nécessaire distinction, de cette différence maintenue, de "transposer le

mécanisme éducatif à la norme de l’éducation" »158. Et Kerlan de s’appuyer à nouveau sur les analyses de Morandi pour soutenir qu’il est tout aussi impossible de penser que la psychologie peut définir les fins de l’éducation. Celle-ci, en un mot, décrit un processus, or « la description causale du processus, même si elle est utile à l’éducateur et peut l’éclairer et l’aider dans son entreprise, ne peut rendre compte du sens ou de la signification de l’activité »159. On ne peut donc, pour ces raisons, dire que la compréhension première du processus éducationnel, c’est-à-dire le principe et le sens de l’éduquer, se ramène à une sociologie ou à une psychologie. Elle n’est pas non plus une anthropologie, bien qu’elle s’en approche. C’est que toute réflexion sur l’éducation, comme le dit Kerlan plus tôt dans son ouvrage, repose sur une conception de la nature humaine. Le fait est qu’une fois écartées les approches anthropologiques, sociologiques et psychologiques, il reste à savoir comment résoudre le problème laissé aux mains de la philosophie. Doit-elle agir en solitaire ou peut-elle prendre appui sur les données des sciences expérimentales ? Comment, en outre, ne pas éviter la tentation spéculative d’une raison qui erre seule dans les sphères de l’inconditionné ? En définitive, comment procéder philosophiquement pour donner à l’éducation des fondements solides ?

Il nous a semblé que c’est dans ce que Kerlan appelle l’approche phénoménologique de l’éducation qu’il nous livre sa réponse. « La phénoménologie,

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