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4.8 Méthodes de collecte de données

4.8.4 L’observation participante

Afin d’avoir une compréhension la plus informée possible du milieu de vie des femmes et de leur quotidien, je me suis consacrée à des activités d’observation participante. Puisque le sujet de la violence conjugale est délicat et que j’étais alors inconnue des participantes, j’ai pris part aux activités du centre afin d’en apprendre davantage sur la problématique et d’être connue des femmes qui le fréquentent sur une base régulière. Dans un désir de transparence, les femmes ont

été informées dès le départ quant au travail de recherche. Il s’agissait donc d’une observation ouverte (Laperrière, 2009) qui diminuait, selon moi, les conflits éthiques pouvant survenir lors d’une observation dissimulée. Bien qu’une modulation du comportement des femmes puisse y être observée (Laperrière, 2009), l’objectif était de me familiariser avec les activités de l’association, d’être connue des femmes fréquentant le centre, et de mieux comprendre certains symboles culturels. En plus de rendre à l’aise les femmes lors des entretiens, cette participation a permis de mieux comprendre et de caractériser l’environnement de ces femmes. Laperrière (2009) amène un aspect intéressant de l’ethnographie et de l’observation directe : « [l]a nouvelle ethnographie définit enfin l’observation comme un processus d’interaction culturelle, dont le produit est une traduction culturelle rendant sa culture intelligible à l’autre » (Laperrière, 2009:

316).

La position adoptée lors des premiers jours d’observation a été celle définie par Laperrière (2009), soit celle de l’apprentie-observatrice qui démontre un désir d’apprendre, une ouverture, mais aussi certaines connaissances préalables. J’ai tenté d’adopter la position la plus neutre possible afin de ne pas teinter ou influencer les interactions et de garder un juste milieu entre observation et participation (Laperrière, 2009). Ensuite, la position interprétative a été prisée, soit dans l’effort de comprendre le sens que les acteurs associent à leurs actions (Martineau, 2005b).

L’observation a aussi nécessité de consigner dans un journal de bord autant les observations que les impressions et réactions des différents acteurs sur le terrain afin de mieux comprendre certaines situations pouvant être troublantes, ainsi que de conserver un certain recul face aux observations (Laperrière, 2009). D’autre part, en étant davantage dans un rôle d’observatrice

lors des échanges entre l’interprète et les femmes, il m’a été possible de prêter attention au langage non-verbal des participantes et de consigner mes observations dans le journal de bord.

Ce dernier m’a permis d’écrire mes impressions, et mes questionnements. Il m’a permis de demeurer davantage objective dans mes observations (Martineau, 2005a). Il s’agissait aussi d’un outil utile pour la triangulation des données (Baribeau, 2005) : je pouvais en effet confronter mes observations notées avec les écrits d’autres chercheurs et la littérature scientifique et je pouvais aussi discuter de certains éléments à éclaircir avec des intervenants. Ces actions permettaient alors de limiter la part subjective de l’observation (Martineau, 2005b). Tout au long de mon séjour, j’ai tenu un journal de bord dans lequel j’ai consigné mes observations journalières, mes réflexions personnelles ainsi que mes activités (Martineau, 2005a; Laperrière, 2009).

Ainsi, à tous les jours pendant mon passage à Kaolack, je me suis déplacée à l’APROFES pour y être toute la journée; j’ai ainsi pu assister à des rencontres d’intervenantes auprès de femmes et d’hommes. J’ai aussi eu l’occasion de discuter avec les intervenants (femmes et hommes) qui travaillent à l’APROFES afin de leur poser des questions sur la culture, sur le quotidien. J’ai également pu assister à plusieurs activités organisées par l’APROFES, telles que des causeries, des pièces de théâtre, des rencontres de mutuelles de crédit, etc. Les soirs et fins de semaine se déroulaient en compagnie d’ami(e)s sénégalais(es) que je pouvais accompagner dans diverses activités et qui me parlaient ouvertement de leur façon de vivre, leurs traditions, leurs cultures.

Les activités suivantes m’ont permis de mieux comprendre certaines réalités des femmes sénégalaises :

• Le 28 janvier 2016 à Gagnick (village) : clinique juridique mobile organisée par l’APROFES afin de répondre aux questions des élèves, notamment sur les violences

basées sur le genre, les mariages précoces et forcés, la contraception, et la grossesse.

Cette activité a consolidé mes observations faites en 2014 lors de mon séjour de coopération internationale quant aux difficultés d’accès aux services médicaux et sociaux en milieu rural;

• Le 29 janvier 2016 à Kasnack (quartier de Kaolack) : j’ai pu assister à une célébration de danse sabar qui visait à souligner un baptême le lendemain (figure 2);

• Le 30 janvier 2016 à Kasnack (quartier de Kaolack) : baptême. Je note la séparation des hommes et des femmes qui ils ne sont pas assis ensembles. Lorsque je pose des questions à cet effet, on me répond que les rôles ne doivent pas être mélangés (par exemple, les femmes doivent s’occuper de la cuisine, mais non les hommes), mais que c’était aussi pour éviter tout rapprochement, qu’il fallait conserver une gêne, une retenue;

• Le 1er février 2016 à l’APROFES : groupement d’épargne et de crédit, et un groupe de parole. Cette activité m’a permis d’entrer en contact avec des participantes de l’association et de leur expliquer ma démarche;

Figure 2 - Les sabars

Crédit photo : Véronique Senécal-Lirette Crédit photo : Véronique Senécal-Lirette

• Le 4 février 2016 : troupe de théâtre Bamtaaré dont le thème porte sur les violences conjugales dans le village Thiamene Taba (figure 3). Il s’agissait aors de sensibiliser les gens sur cette réalité et de discuter des services de l’APROFES;

• Le 8 février 2016 à l’APROFES : une délégation malienne est venue nous rencontrer pour discuter des moyens de lutter contre la violence faite aux femmes. Cette activité m’a permis d’en apprendre davantage sur la réalité et les enjeux perçus chez les Maliennes;

• Le 5 mars 2016 à l’Alliance française à Kaolack : pièce de théâtre de la troupe Bamtaaré portant sur les violences faites aux femmes, suivie d’une discussion sur le sujet. Cette activité a également servi de sensibilisation;

Figure 3 - Troupe de théâtre en village Crédit photo : Véronique Senécal-Lirette

• Le 6 mars 2016 au cœur de Kaolack : journée de la femme29 qui mettait à l’honneur Yaye Fatou Diagne, mairesse du village Ngathie Naoudé dans la région de Kaolack. Le sujet de la rencontre était l’atteinte de la parité hommes/femmes pour 2030 (figure 4);

• Le 7 mars 2016 à l’APROFES : rencontre et échange avec les intervenants pour leur présenter les hypothèses de ma recherche suite à mes entretiens avec les répondantes (figure 5).

29 Bien que la journée de la femme soit le 8 mars, les organisateurs de la journée de la femme à Kaolack ont opté pour tenir l’événement le 6 mars, un dimanche, afin de rassembler le maximum de personnes.

Figure 4 - Célébration pour la journée de la femme Crédit photo : Véronique Senécal-Lirette

Figure 5 - Présentation des hypothèses préliminaires Crédit photo : Véronique Senécal-Lirette