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5.3 Le dévoilement

5.3.3 Les facilitateurs au dévoilement et les types de soutien

Lors des entretiens, nous avons abordé le processus de demande d’aide entamé par les femmes lorsqu’elles ont décidé de dévoiler la violence, et il apparaît que plusieurs types de ressources ont été sollicités par elles, les premières étant majoritairement les ressources informelles et semi-formelles. Concernant les ressources informelles, lorsqu’est venu le temps de dévoiler la violence qu’elles subissaient, la majorité des femmes se sont d’abord confiées à des membres de leur famille, principalement à des femmes en qui elles ont confiance. D’autres se sont confiées à une intervenante ou lors d’un groupe de parole. Quelques-unes se sont livrées à une voisine. D’autres encore ont mentionné s’être confiées à d’anciennes victimes de violence conjugale. Quelques participantes, ou leur famille, auront aussi tenté de faire intervenir le chef du quartier, un Imam ou un marabout dans la médiation : « Même une fois mon frère est allé chez lui (le conjoint) avec un Imam du quartier en disant que c’est moi qui veux le divorce » (R.9).

Les participantes ont mentionné quelques éléments-clé qui auront facilité le dévoilement de la violence qu’elles vivaient. Les réponses permettent d’en connaître davantage sur les sources du soutien et ce qui a favorisé le dévoilement. Cela permet d’entamer une réflexion sur l’appréciation du support reçu. De façon générale, ce sont l’accueil sans jugement et les réactions bienveillantes qui leur auront permis d’aller au bout du dévoilement, ainsi que le sentiment d’être écoutée et encouragée à continuer.

Une des répondantes, ayant dévoilé la violence vécue à une amie de la famille, évoque que de se sentir en confiance et en sécurité lui ont permis de révéler les abus : « Cette dame était une amie à ma maman. Et ma maman avait l’habitude de se confier à cette dame. Quand ma mère est décédée, j’ai perpétué cette façon de faire. Je me sentais en sécurité avec cette femme » (R.2).

Quelques-unes des répondantes se sont aussi confiées à d’anciennes victimes de violence conjugale de leur entourage. Ce faisant, elles disent avoir apprécié ce soutien parce qu’elles ont été crues et reconnues, et ont été encouragées à poursuivre leur démarche de dévoilement vers des ressources appropriées. Une répondante évoque à cet effet que sa voisine avait aussi vécu de la violence conjugale et a ainsi pu la référer à d’autres ressources : « C’est ma voisine qui m’a dit qu’elle était une ancienne victime de violence. Ma voisine m’a proposé d’aller à l’APROFES pour avoir du soutien. C’est une dame qui a l’âge de ma mère, je la considérais comme une maman » (R.2). Dans certains cas, des témoins de la violence se sont aussi alliés pour supporter la femme violentée : « Quand il me faisait ça, il y avait beaucoup de témoins, même ses copains, ma famille, des témoins, les voisins sont des témoins. Tout le monde presque était avec moi » (R.3). Nous avons vu précédemment les sources du soutien ainsi que les éléments qui avaient facilité le dévoilement.

Cette prochaine partie présente quant à elle les types de soutien que les répondantes ont reçu. À cet effet, une répondante explique le soutien émotif et financier que lui fournissait sa cousine, aide toujours effective au moment de l’entretien : « Oui, j’ai une cousine, à tout moment je me confiais à elle […]. C’est ma confidente. Elle me soulageait, me donnait des conseils, elle m’aidait financièrement et jusqu’à maintenant elle continue de m’aider » (R.7). Une autre répondante explique que sa tante lui offrait un support matériel au niveau de l’hébergement et de la protection comme elle intervenait pour mettre fin aux épisodes de violence lorsqu’elle en était témoin. Cette répondante confie : « Je suis allée chez ma tante. […]. Quand j’habitais chez ma tante, il essayait aussi de me battre, mais ma tante intervenait. Lorsque je suis retournée vivre chez lui, dans le domicile conjugal, personne n’intervenait lorsqu’il me battait » (R.12).

En ce qui a trait au soutien semi-formel, trois des participantes ont mentionné les groupes de parole de l’organisme partenaire de cette recherche, l’APROFES, et ce qui ressort comme facilitateur au dévoilement est l’accueil bienveillant, le sentiment d’être écoutée sans jugement et le courage que leur a procuré les autres femmes du groupe. Les types de soutien ont été abordé comme ayant été une grande aide au niveau informationnel (comprendre les manifestations de la violence, les formes et leur cycle, les conséquences de la violence), au niveau de l’accompagnement dans les démarches juridiques et pratique, lorsque par exemple des intervenantes leur proposaient de les héberger lorsque la situation le nécessitait. Deux des répondantes évoquent les retombées positives de l’aide reçue, à travers les groupes de parole.

Une de celle-ci indique que de participer à ces groupes lui avait donné du courage et qu’elle désirait désormais se battre pour ses enfants. Une autre participante résume ce sentiment de solidarité qui s’est tissé entre les participantes : « Au niveau de l’APROFES, avec les groupes de parole, je me suis dit que c’était mieux d’écouter l’APROFES que d’écouter mes parents…

parce que je ne suis pas la seule femme victime de violence. Il y en a d’autres qui ont subi des formes de violence beaucoup plus dures que moi, peut-être » (R.4). Comme peu de gens discutent de la violence au sein de leur couple et que la victime se retrouve souvent isolée, il aura été très révélateur pour certaines répondantes de réaliser qu’elles n’étaient pas seules dans cette situation et que d’autres avaient dénoncé avant elles.

Finalement, la présence de Dieu a surgi à de nombreuses reprises dans le discours des femmes, de sorte que si cette présence n’est ni matérielle ni suffisante à elle-seule, elle s’inscrit indéniablement, ici, parmi les ressources auxquelles elles font appel afin de surmonter les obstacles de violence et, à plus forte raison, de surpasser les obstacles rencontrés lors du dévoilement. Dieu est ainsi un élément d’intercession en vue d’un changement, tant chez la

femme que son conjoint. Trois des répondantes interrogées s’en sont remises à la foi pour surmonter des moments difficiles, et certaines soutiennent même que c’était Dieu qui leur avait envoyé ces épreuves : « C’est Dieu qui décide, mais je ne voulais pas ça, d’un mari qui me pousse à aller vers la justice » (R.3).

Si le dévoilement demeure complexe et est au cœur de la problématique soulevée par le présent mémoire, l’expérience de la dénonciation qu’ont vécu certaines répondantes est tout aussi déterminante. C’est ce que nous aborderons dans la prochaine section.