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3 L’observation depuis l’espace

Dans le document LES PLANÈTES (Page 24-31)

3.1 Observer en orbite terrestre

Voilà donc, pour les astronomes, une première raison d’aller dans l’espace : s’affran-chir de la turbulence atmosphérique. C’est ce qu’a réalisé le télescope spatial Hubble (Hubble Space Telescope, HST), en orbite autour de la Terre depuis 1989. Sa caméra nous a transmis des images d’une qualité inégalée des disques de Mars, Jupiter et Saturne, ainsi que des anneaux d’Uranus. Mais le HST avait une autre raison de s’af-franchir de l’atmosphère terrestre : c’était d’avoir accès à de nouveaux domaines de longueur d’onde, d’abord l’ultraviolet et plus tard l’infrarouge avec l’installation de nouveaux instruments.

Figure 1.3.La planète Mars photographiée par le HST (©NASA).

L’extension du domaine spectral constitue en effet à elle seule une raison majeure pour l’observation astronomique depuis l’espace (Fig. 1.4). En effet, certains gaz de l’atmosphère terrestre rendent l’atmosphère opaque à certaines longueurs d’onde.

Il s’agit principalement de la vapeur d’eau, mais aussi, dans une moindre mesure, du gaz carbonique, du méthane, de l’ozone. . . Une fenêtre est épargnée, celle du

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domaine visible, dont la longueur d’onde s’étend d’environ 0,4 à 0,8 micromètre ; c’est celui pour lequel l’œil humain est optimisé. À plus courte longueur d’onde, du côté des hautes énergies, l’atmosphère est complètement opaque aux rayonnements UV, X etγ. Le rayonnement UV est absorbé par la couche d’ozone qui préserve ainsi la vie sur les continents. Dans le domaine infrarouge, quelques fenêtres existent et sont utilisées pour les observations au sol ; c’est aussi le cas du domaine millimétrique et radio. Cependant, même dans ces fenêtres, il est extrêmement difficile de rechercher, dans les atmosphères planétaires, des gaz présents dans l’atmosphère terrestre.

Figure 1.4.Décomposition de la lumière selon le spectre électromagnétique (©T. Encrenaz, À la recherche de l’eau dans l’Univers, Belin 2004).

Le domaine infrarouge est particulièrement adapté à l’étude des atmosphères planétaires, car les molécules qui y sont présentes ont des signatures spectrales facilement identifiables, associées à leurs mouvements de vibration et de rotation. De plus, le rayonnement thermique des planètes est maximum dans ce domaine spectral.

C’est pourquoi la planétologie a tiré grand profit de la mission ISO (Infrared Space Observatory) lancée par l’Agence Spatiale européenne (ESA) en 1995 et en opération en orbite terrestre jusqu’en 1998. Nous verrons que les spectromètres infrarouges de ISO ont réalisé des découvertes de premier plan concernant les planètes géantes.

3.2 S’approcher d’une planète. . .

Certes, l’observation en orbite terrestre apporte des avantages certains par rapport aux observations depuis la Terre. Cependant, l’objet de l’étude est encore bien loin.

Pour étudier de plus près la nature d’une planète, la meilleure méthode consiste à s’en approcher. C’est toute la motivation de la stratégie d’exploration planétaire qui s’est mise en place au cours des cinquante dernières années. Mettons de côté

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Figure 1.5.LeVery Large Telescopede l’ESO à Cerro Paranal, Chili (©ESO).

l’exploration habitée de la Lune dont les objectifs n’étaient pas déterminés en premier lieu par la science (même si celle-ci a su en profiter, en particulier pour la datation du système solaire). L’exploration spatiale planétaire s’est déroulée suivant plusieurs étapes : d’abord les survols, ensuite les missions en orbite, ensuite les atterrisseurs («landers») et les sondes de descente, enfin les engins de surface mobiles («rovers»).

Nous sommes actuellement arrivés à ce stade. La prochaine étape sera le retour d’échantillons planétaires qui pourrait, dans le cas de Mars, se situer à l’horizon des années 2025.

Précisons que ce programme ne concerne que l’exploration robotique planétaire.

Certains pensent, à plus long terme, à une mission habitée vers Mars ou, pourquoi pas, à aller plus loin... Les motivations pour une telle entreprise sont multiples, mais il est important de mentionner que la justification scientifique est loin d’être une raison majeure. Prenons l’exemple du retour des échantillons lunaires : les sondes robotisées soviétiques l’ont réalisé en même temps que les missions Apollo, et l’envoi d’un homme sur la Lune n’était pas indispensable à la réussite du programme scien-tifique. Sur les planètes du système solaire et autour d’elles, les sondes robotisées ont réalisé des performances extrêmes, rendues possible par la haute technologie et la miniaturisation des instruments embarqués.

Commencée dans les années 1960, l’exploration des planètes telluriques a été un long cheminement semé d’embûches. Dans le cas de Mars, en particulier, les échecs

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Figure 1.6.La planète Saturne observée par l’instrument d’optique adaptative NAOS-CONICA au VLT à l’ESO, Chili (©ESO).

ont été multiples. Dans les premiers temps, certaines sondes ont manqué leur cible, d’autres se sont écrasées sur le sol de la planète. Plus tard, d’autres échecs sont intervenus soit au décollage de la fusée, soit à l’arrivée en orbite planétaire, soit au moment de la descente au sol. L’exploration spatiale est une école de patience ! En dépit de ces difficultés, des succès spectaculaires ont été obtenus. Dans le cas de Mars, on retiendra, dans les années 1970, les missions américainesMariner9 et sur-tout Viking. Avec le recul, la mission Viking, constituée de deux orbiteurs et de deux landersidentiques, apparaît comme une prouesse technologique exceptionnelle ; elle a aussi apporté une mine de résultats qui servent de référence encore aujourd’hui.

Après une interruption de près de dix ans, l’exploration de Mars a repris tout à la fin du XXesiècle avec du côté NASA leroverPathfinder, les sondesMars Global Surveyor et Mars Odyssey, puis lesrovers Spirit et Opportunity, puis le lander Phoenix, puis l’orbiteurMars Reconnaissance Orbiter (MRO). L’ESA, qui est entrée dans l’explora-tion planétaire dès 1986 avec le survol de la comète de Halley par la mission Giotto, effectue un retour réussi avec la missionMars Express, lancée en 2003. D’autres pro-jets martiens de rovers et d’orbiteurs sont à l’étude pour la décennie à venir, avec du côté américain lerover Mars Science Laboratory, puis l’orbiteurMAVEN, et du côté européen le projet ExoMars.

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Figure 1.7.Le module de descente de la mission Viking (©NASA).

La planète Vénus a été la cible privilégiée de l’Union Soviétique avec les missions Venera, équipées d’orbiteurs et de sondes de descente. C’est seulement la quatrième sonde de la série Venera qui a pu pénétrer l’atmosphère très dense et toxique de Vénus. Les premières images de la surface de Vénus nous ont été envoyées en 1982 par la sonde Venera 13. Parallèlement, la NASA a entrepris l’exploration de Vénus avecPioneer Venuspuis, au début des années 1990, l’orbiteurMagellanéquipé d’un radar qui a réalisé une cartographie complète de la surface. En 2005, l’ESA envoie la sondeVenus Expressen orbite autour de la planète, pour une étude approfondie de son effet de serre et de ses phénomènes atmosphériques. Quant à Mercure, dif-ficilement observable du fait de sa proximité au Soleil, elle a été observée dans les années 1970 par la sonde américaine Mariner10 à l’occasion de plusieurs survols.

L’exploration de Mercure par la NASA a repris en 2008 avec la sondeMessenger et sera suivie par la mission européenneBepi Colomboà l’horizon 2018.

Du côté des planètes géantes, la NASA a connu d’emblée le succès dans les années 1970 avec le survol de Jupiter et Saturne par les sondes Pioneer 10 etPioneer 11.

Ensuite la missionVoyager, constituée de deux sondes identiques, a connu un succès historique avec le survol successif des quatres planètes géantes entre 1979 et 1989 ; les données de cette mission servent encore de référence aujourd’hui et, dans le cas d’Uranus et de Neptune, le seront encore pour au moins une décennie. Avec la

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Figure 1.8.Le volcan martien Olympus Mons photographié par l’orbiteur Viking (©NASA).

missionGalileo, lancée en 1989 et destinée à l’étude du système de Jupiter, la NASA est passé à l’étape de l’exploration de longue durée avec un orbiteur et une sonde de descente. La sonde a pénétré en 1995 dans l’atmosphère de Jupiter et l’orbiteur a survolé de manière répétée les satellites galiléens jusqu’en 2003. Enfin, dernier chapitre de la saga, la missionCassini-Huygens, menée conjointement par l’ESA et la NASA, explore le système de Saturne depuis 2004. La sonde européenne Huygens s’est posé avec succès sur le sol de Titan le 14 janvier 2005. Quant à l’orbiteur de Cassini, opéré par la NASA, il continuera d’explorer Saturne, ses anneaux et ses satellites, jusqu’à l’horizon 2017. . . D’autres ambitieux projets sont à l’étude, impliquant à la fois la NASA, l’ESA et d’autres agences, pour poursuivre l’exploration des systèmes de Jupiter et de Saturne.

Qu’avons-nous appris de l’exploration planétaire ? Une multitude d’informations concernant les surfaces, la structure et la composition des atmosphères, les magné-tosphères. . . tout ceci à partir de deux types d’instruments. Les sondes de survol et les orbiteurs sont équipés d’instruments de sondage à distance, comme les téles-copes au sol : il s’agit de caméras, de photomètres et de spectromètres opérant à différentes longueurs d’onde (X, gamma, UV, IR). Leslanderset lesroverssont dotés d’instruments « in situ » pour l’analyse d’échantillons prélevés sur place ; on trouve

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Figure 1.9.Le satellite Io photographié par la sondeGalileo(©NASA).

en particulier des chromatographes pour l’étude des nuages et des spectromètres de masse, pour les espèces chimiques neutres et ionisées. À cette palette s’ajoutent des instruments de physique des plasmas : récepteurs radio et plasma, analyseurs de particules, magnétomètres ainsi que d’autres équipements plus spécifiques. Une condition essentielle : la fiabilité, car une fois que la sonde a décollé, il n’est plus question d’intervenir, sauf par télémétrie. Une autre contrainte forte : la masse, qui doit être aussi limitée que possible. De multiples efforts ont été réalisés pour miniatu-riser au maximum les instruments spatiaux. Après plusieurs décennies d’exploration spatiale robotique, une conclusion saute aux yeux et force l’admiration : l’extraor-dinaire fiabilité de l’instrumentation spatiale. Il arrive – malheureusement – qu’une mission soit perdue au décollage de la fusée, mais il est exceptionnel qu’un instru-ment tombe en panne au cours d’une mission.

Après ce bref tour d’horizon, un dernier commentaire s’impose. L’exploration spatiale planétaire rend-elle inutile l’exploration au télescope ? Absolument pas, et ceci pour plusieurs raisons. La première est que les missions spatiales, du fait de leur coût, restent limitées ; à titre d’exemple, il n’y a pas actuellement de perspec-tive d’une nouvelle exploration spatiale pour Uranus et Neptune ; les observations au sol restent donc indispensables. Deuxième raison, l’instrumentation spatiale est

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nécessairement simple car elle doit être fiable et légère ; les instruments utilisés au sol peuvent être beaucoup plus sophistiqués et bénéficier des derniers développe-ments technologiques. Enfin, les observations au sol permettent une surveillance continue des phénomènes sur de longues échelles de temps ; elles permettent aussi d’obtenir des images globales et instantanées des disques planétaires, ce que les mis-sions spatiales ne peuvent pas faire du fait de leur proximité à la planète. Toutes ces raisons montrent que l’astronomie au sol et l’astronomie spatiale sont complémen-taires, et pas seulement dans le domaine de la planétologie. L’étude des planètes uti-lise pleinement les moyens au sol les plus performants, aussi bien dans les domaines optique et infrarouge, avec en particulier le VLT, que dans le domaine millimétrique avec l’IRAM. Elle tirera le plus grand bénéfice de l’utilisation des grands instruments du futur, avec en optique et infrarouge l’ELT et, dans les domaines millimétrique et submillimétrique, le réseau d’antennes ALMA, actuellement en construction au Chili.

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