• Aucun résultat trouvé

5 De la détection à la caractérisation

Dans le document LES PLANÈTES (Page 168-172)

La quasi-totalité des exoplanètes découvertes à ce jour l’ont été par des méthodes indirectes. La question se pose maintenant de déterminer la nature physique de ces objets, et donc de caractériser leur atmosphère. Pour cela, une détection directe, avec analyse spectroscopique du spectre, sera nécessaire.

5.1 Comment détecter directement les exoplanètes ?

La première méthode à explorer est celle de l’imagerie directe. Elle a déjà porté ses fruits, nous l’avons vu, pour la découverte d’une exoplanète supergéante orbitant autour d’une naine brune (2MASS 1207, voir chapitre 6, paragraphe 2.8). L’objec-tif est maintenant d’obtenir directement l’image d’exoplanètes moins massives plus proches de leur étoile. Nous sommes de retour à la question de départ : comment s’affranchir du flux stellaire ? Une première voie : dans la poursuite des observa-tions précédentes, utiliser l’optique adaptative et le traitement d’image, toujours plus

LES PLANÈTES 165

sophistiqué, associés à la coronographie. Cette technique, dont l’astronome Bernard Lyot est le père fondateur, consiste à occulter le flux de l’objet central par un masque pour faire ressortir les structures de faible intensité situées à la périphérie. C’est en particulier par coronographie que la couronne solaire a pu être analysée. Cette tech-nique a permis, en 1983, la première détection d’un disque de poussières autour de l’étoileβ Pic. En 2008, la coronographie a permis la détection d’une exoplanète autour de l’étoile Fomalhaut. En 2009, nous comptons une dizaine d’exoplanètes détectées par imagerie directe. Plusieurs projets spatiaux (SEE-COAST, TPF-C, New World Observer) sont à l’étude, utilisant le principe de la coronographie dans le do-maine du visible et de l’infrarouge proche.

Une méthode alternative est l’interférométrie annulante. Le principe en est le suivant : le flux de l’étoile est enregistré par un interféromètre réglé de telle sorte que, au niveau de la frange centrale, le flux s’annule le long de l’axe de visée, ce qui permet d’éteindre le flux de l’étoile centrale. Si une exoplanète est présente en dehors de l’axe de visée mais à proximité de celui-ci, elle peut être détectée de cette manière. L’interférométrie annulante est développée dans le domaine de l’in-frarouge thermique, autour de 10 microns. Le projet spatial utilisant ce principe est Darwin/TPF-I, en phase de pré-étude à l’ESA comme à la NASA. La mission consiste à envoyer dans l’espace un ensemble de plusieurs télescopes qui travailleront en mode interférométrique. Ils devront être situés à une distance d’au moins 5 UA du Soleil, pour s’affranchir de la lumière exozodiacale du système solaire. La mission, très am-bitieuse sur le plan technologique, ne pourra voir le jour avant l’horizon 2025, voire au-delà.

Une troisième méthode de détection directe consiste à rechercher le rayonne-ment radio des exoplanètes géantes, supposées dotées d’un champ magnétique comme les planètes géantes du système solaire. Une émission non thermique est détectable dans le domaine des ondes décamétriques ; l’avantage de la méthode est que, si l’on se réfère à Jupiter et au Soleil, le flux non-thermique de l’exoplanète géante doit être comparable à celui de l’étoile qu’elle accompagne. Le rayonnement radio peut être mesuré depuis le sol, par de grandes antennes ou au moyen du réseau décamétrique LOFAR actuellement en développement.

5.2 Comment mesurer le spectre des exoplanètes ?

L’observation directe des exoplanètes et leur suivi tout au long de leur orbite pourra déjà fournir une information précieuse sur leur variation temporelle saisonnière. Si les mesures sont assez précises, il sera en principe possible de déterminer leur pé-riode de rotation à partir de leur courbe de lumière. Mais pour déterminer leur composition atmosphérique, la spectroscopie, de l’ultraviolet à l’infrarouge, consti-tue un outil incontournable. Comment réaliser cette mesure ? La technique la plus

166 Chapitre 6. Exoplanètes, les nouveaux mondes

prometteuse semble aujourd’hui être celle de l’observation du transit. Nous avons vu que la mesure du transit (dit aussi transit primaire), qui correspond au passage de l’exoplanète devant son étoile, permet la détection de l’objet ainsi que la mesure de son rayon. À cette occasion, si l’objet est entouré d’une enveloppe de gaz volumi-neuse, il est possible d’en détecter certains éléments par spectroscopie d’absorption devant le flux stellaire. C’est ainsi que l’échappement de l’hydrogène moléculaire, ainsi que la présence d’atomes de sodium, ont été détectés sur la planète Osiris. Une autre opportunité d’observation est fournie par le transit secondaire, c’est-à-dire le passage de l’exoplanète derrière son étoile. En observant le flux de l’étoile avant, pendant et après le transit secondaire, il est possible, par soustraction, d’extraire le spectre de l’exoplanète côté jour. Nous avons vu que des spectres de Pégasides ont été obtenus, par le HST dans le visible et l’infrarouge proche, et par Spitzer dans l’infrarouge moyen et lointain (voir chapitre 6, paragraphe 2.8).

Figure 6.20. Le spectre synthétique d’une exoplanète géante de type 51 Peg b. Le spectre thermique est indiqué en trait plein, le spectre stellaire réfléchi en traits-points, et le spectre stellaire incident en tirets (d’après C. Goukenleuqueet al., Icarus, 2000).

LES PLANÈTES 167

Quel est le domaine spectral le plus adapté pour l’étude spectroscopique des exo-planètes ? Nous avons vu que l’infrarouge thermique est le plus favorable en ce qui concerne le contraste du flux planétaire au flux stellaire. Dans le cas des Pégasides, dont la température est de l’ordre de 1200 K, le flux thermique s’étend à plus courtes longueurs d’onde, vers l’infrarouge proche. Les signatures spectrales apparaissent en émission ou en absorption, selon le profil thermique de l’exoplanète et la région de formation des raies (stratosphère ou troposphère). L’infrarouge, entre 1 et 30 mi-crons, est le domaine privilégié d’observation des molécules neutres qui présentent dans ce domaine des bandes de rotation ou de vibration-rotation aisément identi-fiables. Il y a toutefois des exceptions : ainsi l’azote moléculaire n’a pas de signature infrarouge, mais présente de fortes bandes d’émission dans l’ultraviolet. C’est aussi le cas de l’hydrogène moléculaire, dénué comme N2 de moment dipolaire, dont les signatures infrarouges sont faibles. L’hydrogène atomique présente de fortes signa-tures dans l’UV (la plus intense étant la raie Lyman alpha) et dans le visible (avec notamment la raie H alpha). Le spectre infrarouge des molécules dépend de leur structure. Les molécules dotées d’un moment dipolaire présentent des raies de ro-tation intenses jusqu’à l’infrarouge lointain et le millimétrique : c’est en particulier le cas de H2O, NH3, HCN et CO. Celles qui en sont démunies (comme CO2, CH4 et la plupart des hydrocarbures) présentent des signatures de vibration-rotation qui ne vont guère au-delà de 15 microns.

Reprenons maintenant notre classification simpliste des exoplanètes et essayons d’imaginer ce que pourra être leur spectre. Dans le cas des petites planètes rocheuses, on pourra rechercher N2 dans l’UV, CO et CO2 entre 2 et 15 microns, H2O dans tout le domaine spectral infrarouge au-delà de 2 microns. Avec l’espoir de détecter une planète où la vie est apparue, on recherchera aussi la signature de l’ozone à 9 microns ; nous y reviendrons (chapitre 7). Dans le cas des petites planètes glacées, on recherchera à nouveau N2 dans l’UV, ainsi que le méthane, les hydrocarbures et les nitriles entre 1 et 15 microns. Dans le cas des planètes géantes, on recherchera H2 et H dans l’UV, ainsi que CH4et les hydrocarbures dans l’infrarouge moyen. Si la température le permet, on recherchera aussi les molécules associées à l’hydrogène telles que NH3, PH3 ou H2S entre 2 et 11 microns, et H2O dans tout le spectre infrarouge ; dans les géantes les plus froides, ces molécules seront sans doute piégées dans des nuages trop profonds pour être observables, comme c’est le cas pour Uranus et Neptune.

Le plus difficile reste à faire : mesurer le spectre des exoplanètes ! Jusqu’à présent, les mesures encore très parcellaires, réalisées en particulier avec le satelliteSpitzer, ont un faible pouvoir de résolution spectral, ce qui rend l’identification très difficile.

Encore une fois, les hypothèses présentées ci-dessus quant à la nature des spectres d’exoplanètes ne sont qu’une extrapolation de ce que nous a appris le système solaire, et, sans nul doute, les surprises seront nombreuses.

168 Chapitre 6. Exoplanètes, les nouveaux mondes

7

À la recherche de mondes

Dans le document LES PLANÈTES (Page 168-172)