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3 La formation des systèmes planétaires

Dans le document LES PLANÈTES (Page 160-165)

À la lumière des observations accumulées depuis quinze ans, et face à la diversité des objets découverts, sommes-nous en mesure de définir un scénario cohérent de la for-mation des systèmes planétaires ? Si de nombreuses questions restent sans réponse, il est toutefois possible de définir les grandes lignes de la formation des étoiles et des systèmes planétaires. Les deux vont de pair car les exoplanètes prennent naissance au sein d’un disque protoplanétaire dont la formation accompagne celle de l’étoile elle-même ; ce scénario est analogue à celui du système solaire.

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Figure 6.16. Première détection d’une exoplanète par imagerie directe. Il s’agit d’un compagnon de 5 masses de jupiter situé à 55 UA de l’étoile naine 2M1207, dont la masse est égale à 0,025 masse solaire.

Le contraste entre le flux de la planète et celui de l’étoile est donc particulièrement favorable. L’observation a été faite avec l’instrument NACO du VLT (G. Chauvinet al., 2005) (©ESO).

3.1 Le scénario de formation stellaire

Les étoiles naissent en permanence, au sein de notre Galaxie comme dans les autres.

À l’origine, un fragment de nuage interstellaire plus dense que son environnement peut, suite à une instabilité (par exemple l’explosion d’une étoile voisine), se contrac-ter sous l’effet de sa propre masse. Ce fragment, dont la température ne dépasse pas quelques dizaines de Kelvin, est constitué de gaz et de poussières, les éléments chimiques y étant présents, en première approximation, selon leurs abondances cos-miques : l’hydrogène y est prépondérant, puis l’hélium, puis des molécules telles que H2O, CH4, NH3, CO, HCN, H2CO. . . que l’on observe dans le milieu interstellaire. La phase solide comporte des silicates et des agrégats carbonés, éventuellement recou-verts de glaces.

À mesure que le fragment de nuage se contracte, sa température et sa densité augmentent, ainsi que sa vitesse de rotation sur lui-même. Si la masse du nuage est suffisante, la contraction du nuage entraîne son effondrement en un disque perpendiculaire à l’axe de rotation du nuage. Au centre du disque va se former la protoétoile ; c’est aussi le scénario que nous avons décrit pour le système solaire (voir chapitre 2).

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Figure 6.17. Disque protoplanétaire et jets bipolaires observés par cartographie de la molécule CO par interféométrie millimétrique ; ici l’objet HH 211 observé avec l’interféromètre du Plateau de Bure à l’IRAM (©IRAM).

Notre connaissance des premières étapes de la formation stellaire se base d’une part sur l’observation des étoiles jeunes, d’autre part sur celle des disques protopla-nétaires associés. Ceux-ci sont souvent détectés par leur rayonnement infrarouge et observés dans le domaine millimétrique, la molécule CO étant utilisée comme tra-ceur des abondances moléculaires (Fig. 6.17). Les mesures millimétriques, réalisées à très haute résolution spectrale, permettent une mesure très précise des vitesses.

Elles ont mis en évidence l’existence de jets bipolaires très violents émis selon l’axe de rotation des disques. En parallèle, l’observation en UV, visible et infrarouge des objets très jeunes de type T-Tauri (selon le nom de l’étoile dans laquelle ce compor-tement a été tout d’abord observé) montre l’existence d’éjection de matière avec des taux de perte de masse considérable chez des objets âgés de moins d’une dizaine de millions d’années. Les mécanismes responsables de cette perte de masse peuvent être les vents stellaires, les champs magnétiques ou la viscosité turbulente au sein du disque. L’observation directe de tels objets est difficile car ils sont souvent cachés dans un cocon de gaz et de poussières ; plusieurs d’entre eux ont été observés par le télescope spatial Hubble.

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3.2 Les disques protoplanétaires

L’observation des jeunes étoiles qui nous entourent semble montrer que la forma-tion de disques protoplanétaires autour d’étoiles en formaforma-tion est un scénario cou-rant dans l’Univers, non limité à notre propre système solaire. Autre résultat remar-quable : ces disques ont une durée de vie limitée, de l’ordre de la dizaine de millions d’années. Il semble que l’intense activité des jeunes étoiles lors de leur phase T-Tauri ait pour effet d’éjecter vers l’extérieur la quasi-totalité de la matière. Ceci pose une forte contrainte sur le modèle de formation des planètes au sein du disque, puisque celles-ci doivent avoir achevé leur croissance avant la disparition du gaz environnant.

Comment une planète peut-elle se former au sein du disque protoplanétaire ? Le scénario proposé reprend les grandes lignes de celui de la formation du système solaire (voir chapitre 2). Au départ, suite à l’effondrement du nuage, les poussières tendent à migrer vers le plan du disque protoplanétaire, où leur densité augmente fortement. Les collisions y sont fréquentes, mais peuvent être non destructives, car les vitesses relatives entre particules sont faibles : toutes les particules tournent en-semble dans le plan autour de la protoétoile. Les particules peuvent ainsi s’agglutiner par interaction électrostatique. Sans doute la croissance se fait-elle de manière frac-tale, telle qu’on l’observe sur les poussières interplanétaires collectées dans la strato-sphère ou par les sondes spatiales. Selon les simulations numériques, il est possible de générer des grains de quelques centimètres en quelques milliers d’années.

Par quel processus ces grains vont-ils ensuite croître pour atteindre la taille kilo-métrique ? Ce problème reste mal compris à l’heure actuelle. Certains modèles font intervenir une instabilité gravitationnelle au sein du disque, d’autres favorisent la poursuite du mécanisme de coagulation ; la turbulence du gaz peut également jouer un rôle. Toujours est-il que, d’une manière ou d’une autre, le disque a généré une multitude de « planétésimaux » de taille kilométrique. À ce stade, les interactions gravitationnelles entre en jeu : les plus gros de ces fragments peuvent attirer par gravité les grains environnants, « aspirant » ainsi la matière présente autour de leur orbite. Les modèles montrent que ce mode de formation accélérée favorise la forma-tion d’un petit nombre de gros objets, sur des orbites quasi-circulaires, en quelques dizaines de milliers d’années. Les collisions entre ces objets vont encore en diminuer le nombre, au bénéfice des plus gros d’entre eux.

Comment les exoplanètes géantes se forment-elles au sein du disque ? La ques-tion divise encore la communauté. Le scénario le plus couramment adopté est, comme pour les planètes géantes du système solaire, celui de l’accrétion autour d’un noyau solide dont la taille est suffisante pour capturer le gaz environnant. Pour que le noyau soit suffisamment gros (au minimum une dizaine de masses terrestres), il faut que les glaces y soient incluses, donc que la température soit inférieure à en-viron 200 K, donc que l’accrétion ait lieu à une distance suffisamment éloignée de

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l’étoile (typiquement 5 UA dans le cas d’une étoile de type solaire). C’est là que nous retrouvons le paradoxe mentionné ci-dessus : comment expliquer la présence d’exoplanètes géantes près de leur étoile ?

3.3 Au sein d’un disque, la migration

La clé de l’énigme se trouve sans doute dans le phénomène de migration. Celui-ci permet à une planète géante de se déplacer, soit vers l’intérieur, soit vers l’extérieur, par l’effet d’interactions avec le disque de gaz, ou le disque de poussières, ou d’autres planètes. L’effet est connu dans le système solaire, où il a été invoqué pour expliquer l’existence de satellites extérieurs en résonance, ou celle des objets trans-neptuniens (les Plutinos) en résonance avec Neptune. Nous avons vu que, dans le cas du système solaire, la migration des planètes géantes est restée limitée. Mais rien n’empêche a priori une exoplanète géante, par ce mécanisme, de partir du système extérieur, au-delà de la ligne des glaces où elle se sera formée par nucléation, et de se rappro-cher très près de son étoile.

Les modèles couramment cités prennent en compte l’interaction entre la planète et le disque de gaz. L’interaction crée un couple entre le disque et la planète, ce qui permet un transfert d’énergie résultant, dans certains cas, dans une diminution du demi-grand axe de la planète qui se rapproche alors de son étoile. Pour une pla-nète dont la masse est faible devant celle du disque, le temps de chute est estimé à environ 100 000 ans. Dans le cas d’une planète plus massive, un sillon se crée au sein du disque de gaz autour de l’orbite de la planète, le temps de chute est encore plus court : quelques milliers d’années ! En théorie, le mécanisme de migration est donc parfaitement capable de rapprocher l’exoplanète géante de son étoile. Mais une question s’impose alors : comment s’arrête la migration ? Si les temps de migration sont si courts face à la durée de vie du disque protoplanétaire, toutes les exopla-nètes devraient être englouties par leur étoile et nous ne devrions pas en observer tant. . . Autre fait troublant : une grand nombre de Pégasides sont situées à 0,05 UA de leur étoile. Y aurait-il un mécanisme susceptible de stopper la migration à ce stade ? Certains modèles dynamiques prédisent qu’après une phase de grande excen-tricité, la planète se stabilise à une distance d’équilibre égale à deux fois la limite de Roche (celle-ci étant de 2,5 fois le rayon de l’étoile) en une orbite semi-circulaire.

D’autre processus peuvent entrer en jeu : dans le champ gravitationnel intense de l’étoile voisine, la planète peut perdre sa masse (comme cela a été suggéré dans le cas de l’exoplanète Osiris) ou être déformée par les effets de marée. Pour mieux com-prendre l’histoire de la migration des exoplanètes et son stade final, nous en sommes pour l’instant réduits aux hypothèses.

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