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CHAPITRE 3 : PROPRIETES CYTOPROTECTRICES ET ANTI-INFLAMMATOIRES DE L’ANTITHROMBINE

A. Interaction entre l’inflammation et la coagulation

1) L’ischémie reperfusion rénale

Le rein est indispensable à l'homéostasie sanguine. Grâce à sa capacité à réguler de manière indépendante l'excrétion de l'eau et des substances dissoutes, il participe à leur épuration par l’élaboration de l'urine. De plus, le rein possède un rôle endocrine par sa participation dans l'équilibre du bilan du calcium, du phosphate, du sodium et de la pression artérielle, et à la production des globules rouges (164).

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Entouré par une capsule fibreuse, le rein est constitué de deux zones (Fig-12):

- La médulla : Interne, composée de 6 à 9 formations pyramidales « pyramides de

Malpighi » dont la base est dirigée vers la corticale.

- Le cortex : Externe, située entre la capsule et les pyramides de Malpighi.

La médulla et le cortex sont constitués d'environ un million de néphrons, qui sont les unités fonctionnelles microscopiques des reins. Chaque néphron comprend deux parties : le corpuscule rénal et le tubule rénal.

Figure 12 : Représentation schématique d’une coupe transversale longitudinale d’un rein

montrant ses principales structures : Cortex, médulla, urètre, artère et veine rénale

Le néphron est constitué par les parties suivantes, dans l’ordre (Fig-13) :

Corpuscule rénal: Lieu de la filtration glomérulaire, il est constitué de deux parties : la

capsule glomérulaire (ou capsule de Bowman) et le glomérule.

Tube contourné proximal (TCP): Paroi formée par un épithélium à pôle apical en

bordure en brosse. Celle-ci permet d’augmenter les surfaces de réabsorption de l’ultrafiltrat glomérulaire (164).

Anse de Henlé : De diamètre réduit, formé de la branche descendante et ascendante. Tube contourné distal : Prolonge la branche ascendante de l’anse de Henlé et se trouve au contact de son glomérule d’origine où il entre en contact avec l’artériole afférente pour former l’appareil juxta-glomérulaire (164).

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Figure 13 : Anatomie du néphron au sein des différentes régions rénales (de haut en bas):

le cortex composé principalement du glomérule et du tubule contourné distal, la médullaire externe richement vascularisée par la Vasa Recta, autour de la partie rectiligne du tube contourné proximal, la médullaire interne avec l’anse de Henlé (165)

Appareil juxta-glomérulaire : Il est situé au niveau du pôle vasculaire du glomérule. Il est formé de trois composants: les cellules spécialisées de l’artère afférente et efférente, les cellules mésangiales (des fibroblastes spécialisées), et les cellules de la macula densa qui sont des cellules de la paroi du tube contourné distal sensibles aux ions Cl- et qui agissent par contrôle de la contraction de l’artériole afférente, régulant ainsi la filtration du glomérule (164).

Enfin, les tubes collecteurs font suite aux tubes contournés distaux et représentent la partie excrétrice. Ils se déversent dans les petits calices au sommet des pyramides de Malpighi. La vascularisation du tube urinaire est d’environ 1200 mL de sang par minute destinés aux deux réseaux capillaires du tube urinaire : réseau capillaire du glomérule (filtration) et réseau capillaire post glomérulaire (réabsorption).

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b) Définition et épidémiologie de l’I/R rénale

L’ischémie reperfusion rénale est un phénomène important qui cause une atteinte rénale aigue et qui résulte d’une détérioration générale ou localisée de l’apport en oxygène et en nutriments au rein associée à une diminution de l’élimination des déchets par ce dernier (166). En effet, un déséquilibre s’installe entre le défaut d’approvisionnement en oxygène et les besoins cellulaires nécessaires pour l’élimination des déchets métaboliques. Ce déséquilibre entraine des dommages cellulaires allant de simples lésions à une mort cellulaire par apoptose ou nécrose. L’I/R rénale peut avoir une multitude d’étiologies cliniques représentées dans le schéma suivant (165):

Figure 14 : Causes d’une réduction généralisée ou localisée du débit sanguin rénal, plusieurs

états physiopathologiques et médicamenteux pouvant causer une ischémie généralisée ou localisée du rein représentés en listes (165)

Toutes ces causes aboutissent à une atteinte rénale aigue appelée communément défaillance ou insuffisance rénale aigue. Celle-ci est décrite par une rapide diminution de la fonction rénale allant de quelques heures à quelques semaines, toujours inférieure à 3 mois, objectivée par une augmentation de la créatinine sérique. Pour le réseau mondial « Acute Kidney Injury Network, AKIN », l’atteinte rénale aigue est définie par une brutale réduction de la fonction rénale pendant 48 h (167). Les taux d’incidence chez les patients hospitalisés varient entre 2 et 7 % et peuvent atteindre les 10% en soins intensifs (168,169). En plus des taux de mortalité très élevés variant entre 30 à 70%, l’atteinte rénale aigue peut avoir des conséquences même chez les patients rétablis puisque ceux-ci présentent un risque élevé de

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développer une maladie rénale chronique allant jusqu’à un stade terminal nécessitant une transplantation (170).

c) Physiopathologie

Au cours de l’I/R, différents phénomènes s’installent, comme une altération hémodynamique, une inflammation, ainsi que des lésions cellulaires épithéliales et endothéliales. La seule diminution du flux sanguin rénal total ne suffit pas à réduire le débit de filtration glomérulaire au cours d’un épisode ischémique, aussi bien dans des modèles animaux que chez l’homme (171,172). Ainsi, dans les modèles animaux, le flux sanguin au niveau de la zone médullaire externe semble se réduire de façon disproportionnée par rapport au flux sanguin total (173,174). En effet, la zone médullaire est la plus vulnérable en raison de sa vascularisation très importante. Les lésions endothéliales dans cette zone sont à l’origine d’une vasoconstriction importante après la reperfusion, ce phénomène portant le nom de « no-reflow », ou d’une perfusion perturbée pendant la reperfusion (175). La vasoconstriction majeure qui est observée est liée à la diminution des produits vasodilatateurs comme le NO et la prostacycline (176) couplée à une augmentation des composés vasoconstricteurs comme l’endothéline, l’angiotensine II, et le thromboxane-2 (175). Cette vasoconstriction est associée à une obstruction des vaisseaux de la microcirculation causée par l’adhésion leucocytaire ou par l’activation de la coagulation par l’endothélium lésé ou activé. Ce phénomène a plus de conséquence sur la médullaire externe, très vulnérable étant donné l’organisation des capillaires sanguins à ce niveau (177).(Fig- 12)

L’endothélium contribue fortement au recrutement leucocytaire. L’augmentation de l’expression de molécules d’adhésion comme ICAM-1 sur les cellules endothéliales endommagées et activées (178), contribue au recrutement et à l’infiltrat leucocytaire responsable de l’inflammation tissulaire. Les neutrophiles accumulés au niveau des espaces péritubulaires participent à l’aggravation des lésions épithéliales et endothéliales par la libération de différentes substances actives comme la myélopéroxydase et les ROS (espèces réactives à l’oxygène). De plus, l’endothélium lésé présente une perte de son glycocalyx, une rupture du cytosquelette, et une dégradation de la matrice extracellulaire. Tout ceci favorise une perméabilité vasculaire au cours de l’atteinte rénale aigue comme cela a été observé chez le rongeur, 2 heures après reperfusion (179).

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Un troisième acteur tissulaire participe largement à l’inflammation : les cellules tubulaires épithéliales. En effet, l’épithélium tubulaire exprime les récepteurs TLRs (Toll-like receptors) et est capable de produire des cytokines pro-inflammatoires et chimiotactiques comme le TNFα, IL-6, IL-8, IL-1B, MCP-1 (180). Les lésions tubulaires les plus apparentes sont présentes au niveau du segment S3 du tubule proximal contourné dans les différents modèles d’I/R (181). Les dommages cellulaires observés sont dus à une destruction des cellules épithéliales par apoptose ou nécrose. Les cellules survivantes présentent une perte très rapide de l’intégrité du cytosquelette, de la bordure en brosse et de la polarité. La destruction de la matrice extracellulaire par les cytokines et la perte des jonctions intercellulaires viennent s’ajouter pour entrainer des atrophies tubulaires avec une perte de la fonction rénale (181). Des études récentes ont mis en évidence des biomarqueurs spécifiques du tube contourné proximal, comme Kim-1 (kidney injury molecule-1) et du tube contourné distal comme le NGAL (Neutrophil gelatinase associated lipocaline), dont les taux urinaires augmentent significativement dans des modèles animaux ou chez des patients présentant une ischémie rénale (182,183). L’augmentation d’expression des gènes de ces biomarqueurs a aussi été mise en évidence dans des modèles animaux d’atteinte aigue rénale (184,185). Kim-1 est un récepteur de phosphatidylsérine capable de reconnaitre et diriger les corps apoptotiques vers les lysosomes au niveau du TCP. Par la phagocytose des cellules apoptotiques, Kim-1 joue un rôle protecteur en limitant la réponse immunitaire (184). NGAL est un transporteur de fer, produit notamment au niveau distal du néphron, qui est filtré puis réabsorbé par le TCP normal. Il possède un rôle protecteur dans des modèles d’I/R rénale où la chélation du fer par différentes protéines endogènes semble être protectrice en abrogeant la formation de superoxyde (185). Dans l’I/R rénale, d’autres processus ou systèmes biologiques interviennent, comme le complément ou l’immunité acquise qui apparait dans la réponse tardive.

Le rein est capable soit de se rétablir complètement d’une atteinte ischémique ou toxique, mais peut aussi évoluer vers une pathologie chronique. Dans les conditions physiologiques, les cellules épithéliales présentent un taux de division réduit (186). Cependant, lors d’une hypoxie en réponse à une mort cellulaire importante, cette division cellulaire lente s’accélère de façon significative. Dès lors, les cellules survivantes sont capables de se dédifférencier, de migrer le long de la membrane basale, de proliférer et de se redifférencier pour restaurer les pertes cellulaires et fonctionnelles de l’épithélium rénal (165). Malgré cette capacité de régénération tissulaire, accompagnée d’une résolution de l’inflammation par différents mécanismes, l’I/R rénale peut entrainer à long terme une

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inflammation tubulo-interstitielle, une prolifération de fibroblastes et un dépôt excessif de matrice. Tous ces évènements sont à l’origine du développement d’une fibrose et d’une défaillance rénale chronique qui peut perdurer jusqu’à une phase terminale.

Figure 15 : représentation schématique de la physiopathologie de l’atteinte rénale aigue

d’origine septique, médicamenteuse ou ischémique.

B. Effets cytoprotecteurs des inhibiteurs physiologiques de la coagulation

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