• Aucun résultat trouvé

Le boson de Higgs : un ´ etat des lieux

I.1.2 L’invariance de jauge locale

I.1.2.1 Aspects historiques

L’importance des sym´etries en physique n’a ´et´e reconnue par la communaut´e des physi-ciens que relativement tard. La plupart des lois fondamentales d´ecouvertes empiriquement sont en fait une cons´equence des sym´etries sous-jacentes aux th´eories physiques. Pierre Curie fut l’un des premiers `a tenter de formaliser la cons´equence de la sym´etrie d’un syst`eme en 1894 [10] en ´enon¸cant le principe ´eponyme selon lequel un ph´enom`ene poss`ede les mˆemes sym´etries que la cause qui en est `a l’origine. Plus tard Emmy Noether exprima math´ematiquement le lien entre l’invariance sous une transformation et les lois de conser-vation [11]. Par exemple selon le th´eor`eme de Noether l’invariance des lois physiques dans le temps entraˆıne la conservation de l’´energie, principe ´enonc´e en thermodynamique au 19i`eme si`ecle. Il convient donc de consid´erer en premier lieu les sym´etries du syst`eme, comme la sym´etrie de jauge.

Bien que r´eellement exploit´ees seulement dans les th´eories modernes, les origines des th´eories de jauge remontent au d´ebut de l’´electrodynamique classique, en effet, les prin-cipaux acteurs de la cr´eation de cette th´eorie (comme Lorentz, Maxwell, Helmotz et al.) se sont rapidement rendus compte que l’expression du champ ´electromagn´etique ´etait in-variant `a une jauge pr`es au niveau des potentiels.

Effectivement, on peut voir que les ´equations de Maxwell :

B= ∇ × A, (I.9)

E= −∇V − ∂tA, (I.10)

restent ´equivalentes si l’on choisit une transformation telle que :

A= A + ∇F(⃗r, t). (I.11)

Plus tard en 1926, Fock d´ecouvre un m´ecanisme de transformation du champ charg´e et la transformation associ´ee du potentiel :

ψ(x) → eiα(x)ψ(x), Aµ→ Aµ+1

eµα(x). (I.12)

Ce qui est de fait ´equivalent `a la transformation de l’´equation I.11 et, nous allons le voir, correspond `a une transformation de jauge locale. Cette d´emarche sera reprise par Weyl en 1928 dans une tentative ´echou´ee de g´eom´etrisation de l’´electromagn´etisme et il introduira par la mˆeme occasion le terme ”jauge” pour la premi`ere fois. L’`ere moderne des th´eories de jauge commencera plus tard avec l’article de Yang et Mills en 1954 qui fait l’objet de la section suivante.

I.1.2.2 La th´eorie de Yang et Mills

Si l’on consid`ere un fermion libre de masse m d´ecrite par un spineur ψ(x), son La-grangien prend la forme suivante :

L = ψ(x)(iγµµ− m)ψ(x) (I.14)

On peut voir qu’une transformation de phase telle que :

ψ(x) → eψ(x) (I.15)

laisse trivialement le Lagrangien invariant. Le choix de cette phase appel´ee jauge glo-bale, est donc purement arbitraire et n’affecte en rien la physique. N´eanmoins, cette jauge est ind´ependante de la position dans l’espace, tant et si bien que le choix de jauge en un point fixe celle-ci dans tout l’univers... Notre d´emarche est depuis le d´ebut de construire une th´eorie coh´erente avec la relativit´e restreinte : quel que soit le processus physique en un point de l’espace-temps, il ne peut pas affecter imm´ediatement tout l’univers, les liens causals ´etant r´eserv´es aux points situ´es `a l’int´erieur du cˆone de lumi`ere.

La d´emarche logique est donc de rendre cette phase d´ependante de l’espace-temps :

ψ(x) → eiα(x)ψ(x). (I.16)

On parle alors de transformation de jauge locale.

Malheureusement, le Lagrangien tel qu’´ecrit dans l’´equation I.14 n’est pas invariant sous ce type de transformation. Il est en effet clair que le terme d´eriv´e ∂µψ va faire apparaˆıtre un terme suppl´ementaire irr´eductible.

Nous pouvons n´eanmoins ´etudier la cons´equence d’une invariance de jauge locale sur le Lagrangien. Consid´erons une transformation locale U(x) unitaire quelconque :

ψ(x) → U(x)ψ(x). (I.17)

Comme d´ej`a remarqu´e pr´ec´edemment, le terme d´eriv´e des champs brise l’invariance : ∂µψ(x) → ∂µ(U(x)ψ(x)) = ∂µU(x)ψ(x) + U(x)∂µψ(x). (I.18)

Le Lagrangien de Dirac pr´esent´e pr´ec´edemment prend donc la forme (on consid`ere `a partir de maintenant la d´ependance en x implicite pour faciliter la lecture) :

L → ψiγµµψ+ ψiγµU+

µU ψ− ψmψ. (I.19)

Pour rendre notre Lagrangien invariant sous une transformation de jauge locale, nous pouvons d´efinir un nouveau champ de mani`ere `a ce que sa transformation sous U annule le terme suppl´ementaire. Soit :

Aµ= Ai

µTi (I.20)

o`u Ai

µ est un ensemble de champs que l’on nommera champs de jauge et Ti sont les g´enerateurs du groupe de sym´etrie consid´er´e. Si l’on ajoute un terme d’interaction entre les fermions et ces champs, on obtient l’expression suivante pour le Lagrangien :

L = ψiγµµψ− gψγµAµψ− ψmψ. (I.21)

Nous cherchons d´esormais une transformation Aµ → A

µ telle que le Lagrangien soit invariant sous la transformation de jauge :

L → ψiγµµψ+ ψiγµU+µU ψ− ψmψ − gψU+ γµA µU ψ. (I.22) On trouve : A µ= UAµU++ i g(∂µU)U+ . (I.23)

On peut finalement d´ecrire une d´eriv´ee g´en´eralis´ee, prenant en compte la variation de la jauge dans l’espace-temps que l’on nomme d´eriv´ee covariante :

Dµ≡ ∂µ+ igAµ. (I.24)

Celle-ci permet de redonner sa forme originelle au Lagrangien de Dirac tout en assurant son invariance de jauge locale :

L = ψ(iγµDµ− m)ψ. (I.25)

On ajoute ensuite le terme de dynamique des champs de jauge : Ldyn= −g2

4 F

iµνFiµν (I.26)

o`u :

fijksont les constantes de structure du groupe, d´efinissant la commutation des ´el´ements du groupe de Lie [Ti, Tj] = ifijkTk.

On obtient pour finir un Lagrangien total invariant sous une transformation de jauge locale U(x) :

Linvariant= ψ(iγµDµ− m)ψ − g2 4 F

iµνFiµν. (I.28)

La th´eorie de Yang-Mills signe donc un changement de paradigme en physique des particules. Les sym´etries d’un syst`eme, jusqu’alors consid´er´ees uniquement comme des caract´eristiques permettant de simplifier un probl`eme peuvent ˆetre utilis´ees de mani`ere constructive pour ´edifier une th´eorie des interactions : les th´eories de jauge. Nous allons voir par la suite qu’il est ainsi possible de construire une th´eorie de jauge bas´ee sur le groupe de sym´etrie SU(3)C⊗ SU(2)L⊗ U(1)Y, d´ecrivant les interactions forte, faible et ´

electromagn´etique via l’´echange entre fermions de bosons de jauge de spin-1.