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L’intérêt de porter un regard attentif sur une déjà longue histoire

L'histoire de l'aviron est très ancienne. 15

Elle est directement liée à la volonté de l’homme de se déplacer sur l'eau. On en trouve ainsi trace dans l’antiquité : en Egypte (y compris dans des représentations sur des monuments), en Grèce, à Rome (les fameuses « Naumachies » au cours desquelles les jouteurs, choisis parmi les esclaves, s’affrontaient jusqu’à la mort dans des enceintes aménagées). Plus tard, les drakkars normands, les Terre-Neuvas, le secours aux navires en détresse marqueront l’histoire.

Sa dimension sportive, elle, est beaucoup plus récente même si elle est cependant plus précoce que pour la plupart des autres sports. Elle date, en effet, du début de la première révolution industrielle.

Il est, à cet égard, important de revenir, même brièvement, sur la période qui s’ouvre avec les années 1830, car ces années ont eu une influence durable sur les pratiques et surtout les mentalités. Elles peuvent d’ailleurs parfois permettre d’expliquer ou à tout le moins de mieux comprendre le présent et des approches qui s’expriment entre acteurs et responsables.

Les premiers canots apparaissent sur la Seine vers 1823, ils sont construits par des charpentiers de la marine marchande. Le canotage, considéré comme l’un des premiers loisirs populaires est aussi l’un des premiers sports athlétiques et mécaniques. Il passionne bientôt toutes les classes sociales. Des innovations techniques le rendent de plus en plus performant et, notoriété aidant, divers constructeurs s'établissent à Paris et dans les environs.

C'est en 183416 qu'ont lieu, pour la première fois à Paris, des courses nautiques en canots à rames. À cette époque, de nombreux artistes, tels Théophile Gautier ou des impressionnistes (Sisley, Monet, Renoir, Caillebotte...), se passionnent pour le canotage et font beaucoup pour sa renommée.

Le canotage devient un véritable fait de société. Il est « traversé » par plusieurs types de pratiques :

15 De nombreux ouvrages existent sur l’histoire, l’organisation, la pratique de l’aviron. On citera ici, à titre de simples illustrations, « Les grandes heures de l’aviron français »de Marc Ventouillac. Préface de Jean-Jacques Mulot (2015) ; « Fausses pelles-Nouvelles d’aviron » de Benoît Decock (2016) ; « Aviron-une passion française », livre rétrospective de la saison écoulée publié chaque année par la FFA. La mission a par ailleurs procédé à la consultation de nombreux sites internet de clubs particulièrement bien documentés au plan historique.

16 Au Royaume-Uni, la première « The Boat Race » a lieu le 10 juin 1829. Elle se court tous les ans depuis 1856 (sauf pendant les deux guerres mondiales), au printemps, entre les universités de Cambridge et d'Oxford sur la Tamise à Londres. Cet événement est très populaire. Le nombre de spectateurs sur les berges de la Tamise est estimé à environ 500 000. En 2004, la retransmission télévisée a été suivie par un peu plus de 500 millions de téléspectateurs. Ceci en fait un des événements sportifs les plus suivis au monde. Les membres des deux équipes sont traditionnellement surnommés les blues (les bleus) et chacun des bateaux Blue Boat, le Cambridge University Boat Club ayant pour couleurs le bleu clair et Oxford le bleu foncé.

- le canotage de «balade», pratiqué par les vrais romantiques, amoureux de nature et de grand air, relativement sages ;

- le canotage du «chicard et du flambeur», moins discret, prétexte à faire la fête et à se faire voir ;

- le canotage «sérieux» des rameurs respectables issus de l'aristocratie et des classes libérales. Ce dernier donnera naissance au mouvement sportif, organisant les premières courses et fondant les premières sociétés.

Progressivement, un antagonisme apparaît entre les «canotiers à canotières» et les

«canotiers sérieux», passionnés de sport. La liberté de comportement des premiers nuit à la réputation des seconds qui ont besoin d'appuis pour obtenir les subventions nécessaires au financement d'embarcations de compétition.

En 1838, un groupe d'amateurs passionnés crée la « Société des Régates du Havre » : elle est la doyenne des sociétés françaises de sport nautique. Rouen en 1847, Lyon en 1855, Bergerac en 1860, Boulogne sur mer en 1861 fondent, à leur tour, une société de régates.

La «Société de Régates» a pour objet l'organisation des régates et des fêtes nautiques, ainsi que l'établissement des règlements nécessaires pour assurer la régularité des épreuves. Il n'existe pas encore de « club-houses » tels que nous les connaissons aujourd'hui.

Les courses à virages, qui se pratiquent en mer et en rivière, sont des spectacles populaires.

Des prix en espèces récompensent les vainqueurs et le public participe à des paris mutuels.

1857 voit l'apparition de «jockeys d'eau», mercenaires de course, véritables professionnels.

À Paris, est créée, en 1853, la première «Société des Régates Parisiennes» (S.R.P.). Ses buts sont d'encourager «le goût des courses nautiques» en organisant des régates, de parrainer la création de sociétés en province (30 jusqu'en 1869) et de discipliner le canotage.

Le Second Empire correspond à un « âge d'or », car, hormis les courses hippiques, les régates sont sans concurrence. Elles représentent le « sport spectacle ».

Après 1870, l’essor du mouvement sportif et associatif profite à l'aviron. Cinquante sociétés sont fondées de 1872 à 1882. À cette époque, elles sont souvent omnisports.

Les tentatives d'union ne manquent pas. Mais tous les congrès et les conventions échouent sur la question des «amateurs».

Aucun accord ne semble possible sur les prix en espèces. Faut-il les refuser en les dénonçant comme un salaire déguisé ou les accepter comme un moyen de financer des embarcations onéreuses ?

Cette situation amène les dirigeants des trois fédérations les plus importantes, l’USAF, l’UNSSO et la fédération des sociétés nautiques du nord de la France, à signer une «trêve diplomatique» qui fait naître la FFSA, Fédération Française des Sociétés d'Aviron, le 30 mars 189017.

17 En 1899 la FFSA supprimera les prix en espèces (remis aux premiers prix des courses). La FFSA décidera également de ne pas s'entendre avec l’USFSA et régira seule l'aviron en France3.

Une fédération internationale voit le jour en 1892. La Belgique, l'Italie, la Suisse et la France fondent la Fédération Internationale des Sociétés d'Aviron (FISA)18.

Pierre de Coubertin voit l'aviron comme l'un des sports de base de l'Olympisme. «Nul ne saurait dénier au rowing ses qualités supérieures au double point de vue mécanique et hygiénique... Le rameur... pratique la gymnastique vraiment la plus complète qui se puisse imaginer». «La cure d'aviron» (1930).

A Athènes, en 1896, pour les premiers Jeux de l’ère moderne, les épreuves d'aviron doivent se dérouler dans la rade du Pirée, mais, au dernier moment, elles sont annulées en raison des mauvaises conditions atmosphériques.

Les « canotiers sérieux » sont, certes, aujourd’hui, les seuls à conserver une vraie visibilité…

Mais les conditions de création, de structuration et de développement de l’aviron continuent de marquer durablement cette discipline. Le poids de l’histoire est encore bien présent.

L’importance accordée aux « valeurs fondatrices » de la discipline est forte. L’histoire a largement façonné des façons d’analyser des faits et de poser des questions. Les démarches retenues pour appréhender les enjeux auxquelles la FFA doit faire face et apporter des réponses adaptées traduisent souvent l’importance attachée, ainsi que la fierté qui y est associée, à la construction historique de l’aviron en tant que discipline sportive. « La pérennisation de nos actions et de nos traditions, socle de notre organisation » était l’intitulé de la conclusion de la présentation du projet fédéral 2014-2016. Cette longue et belle histoire peut parfois aider à comprendre pour quelles raisons des choix stratégiques, pourtant nécessaires, semblent aussi délicats et sensibles à opérer.

18La FISA a été créée à Turin par des rameurs de France, Suisse, Belgique et d'Italie (ainsi que par des rameurs de l'Adriatique) le 25 juin 1892 en réponse à la popularité grandissante des régates d'aviron, afin d'uniformiser et réglementer les distances de course, les compositions de bateaux, les catégories (poids, âge)...À cette époque, des paris étaient souvent pris sur les résultats des courses. Les rameurs et entraîneurs prenaient fréquemment part à ces paris, ce qui pouvait conduire à une certaine corruption. La première régate de la FISA, dans laquelle tous les participants étaient amateurs, s'est déroulée à Orta San Giulio en Italie. Dix bateaux y ont été engagés dans trois courses. Le siège de la FISA a été établi à Lausanne, en Suisse, à partir de 1922. La FISA est l'organisation sportive internationale la plus ancienne à participer aux Jeux Olympiques.

Les présidents de la FISA ont été : pas de président élu jusqu'en 1924. 1924–1926, Eugène Baud. 1926–1949, Rico Fiorini. 1949–1958, Gaston Mühlegg.1958–1989, Thomas Keller. 1989–2014, Denis Oswald. Depuis 2013, Jean-Christophe Rolland -élu le 2 septembre 2013 à Chungju (Corée du Sud).

2 UNE STRUCTURATION (ORGANISATION JURIDIQUE ET