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L’intégration de la forme sonore dans les dictionnaires :

Chapitre 1 : Un état de la recherche

C. Les théories relatives à la prosodie des mots de discours

C.11. L’intégration de la forme sonore dans les dictionnaires :

Aspirant à être représentatif des recherches mettant en lien la représentation du lexique avec la prononciation ou plus généralement avec la dimension sonore, nous pouvons par exemple citer parmi les travaux les plus récents menés dans cette voie l’élaboration du dictionnaire

lexico-phonétique du français parlé : BDPHO (Belrhali, 1998). Il s’agit de la création d’une base de données en discours spontané de 30h par le Département Signal de l’ENST, l’Équipe Structure du code de l’ICP, ainsi que l’Équipe TRILAN :

« Le dictionnaire des formes contient en entrée la forme orthographique, le nombre d'occurrences, la ou les formes phonétiques (variantes) et la représentation sous forme de cohorte (V, CV VCV…). Le dictionnaire est aussi disponible avec l’entrée phonétique. » (Belrhali, 1998)

Les variantes phonétiques sont considérées lorsqu’il y a par exemple des formes d’amuïssement, d’assourdissement ou toute autre forme de modification due à la phonétique combinatoire. Le nombre maximum de variantes observées est de cinq. La majorité des formes n’ont pas de variante ou n’en ont qu’une. Sont pris en considération les accents de mots, les pauses silencieuses et les hésitations. Il ne s’agit en fait que de variantes libres, ce qui signifie qu’aucune modification de sens n’est sous-entendue. Il est toutefois intéressant de noter l’ampleur de ce travail et l’intention d’intégrer des informations sonores à une représentation lexicographique.

Remarque :

D’autres travaux mettant en lien la dimension prosodique avec les unités lexicales que nous traiterons seront pour leur part directement présentés dans les parties de cette thèse dédiées à l’étude de ces unités.

Conclusion :

Au terme de cet exposé que nous espérons représentatif des différentes manières d’aborder la question de la diversité des emplois en sémantique, nous pouvons constater que règne une grande hétérogénéité, et ce à différents niveaux.

Il est possible d’aborder le problème de la diversité en prenant comme objet d’étude le morphème ou bien en considérant les constructions dans lesquelles les morphèmes prennent place. Roulet, Rossari ou Schiffrin par exemple, ont choisi de ne s’intéresser qu’à un même type de construction discursive (de reformulation, conversationnelle…) tout en faisant varier

les morphèmes permettant de l’exprimer. En revanche, Nemo, Fischer ou Léglise analysent un même morphème dans des constructions différentes.

Si ces deux positions nous paraissent tout à fait légitimes, il n’est pas possible de déterminer a priori sur lequel de ces deux niveaux la prosodie est susceptible d’être un outil de discrimination. Ne pouvant tester dans notre travail de thèse les deux positions en question, nous avons choisi pour notre part de nous intéresser à des morphèmes en faisant varier les constructions dans lesquels ils peuvent être intégrés.

Nous avons en outre pu observer que même lorsque des théories font état d’explications de la diversité des emplois fondées sur un même principe (unificateur ou polysémique), elles ne font pas pour autant, et loin s’en faut, appel aux mêmes notions. Nous avons ainsi rencontré les notions d’argumentation, d’instruction, de pertinence, de sous-spécification, d’indexicalité, de présupposition, de profilage, de prototypie, de cognition, de dérivation, de conversation, de contribution ou encore l’appel à la dimension diachronique ou au métalangage développé par Wierzbicka. Les processus d’unification ne sont pas tous fondés sur des bases pragmatiques. Par ailleurs, nous constatons que la notion d’instruction a parfois été reprise et réemployée sous le terme de « procédure », notamment par Luscher15. Nous rejetons pour notre part l’idée d’une telle association.

Enfin, il est apparu que la dimension prosodique pouvait occuper des places variées dans les modèles, allant de son absence totale à une large part qui lui est consacrée, en passant par des théories qui soulignent simplement son intérêt à titre d’élément marginal ou pouvant simplement aider dans la désambiguïsation. Par ailleurs, la prosodie est mentionnée à des titres différents, et plus précisément comme permettant de désambiguïser parfois simplement des statuts discursifs ou parfois des sens. Notons qu’il est souvent question de son intégration ou de son autonomie prosodique par rapport à son contexte.

II. Recherches sur les liens entre la prosodie et l’interprétation

Nous allons maintenant nous attacher à décrire les recherches en prosodie qui prennent principalement pour objet d’étude le lien entre la forme prosodique et l’interprétation, c’est-à-dire en considérant la fonction expressive de l’intonation, ainsi présentée par Morel & Danon-Boileau (1998) :

« L’intonation se voit communément accorder deux fonctions, l’une iconique et l’autre conventionnelle. La fonction conventionnelle est dit-on démarcative: elle découpe le continuum de la parole en constituants homogènes. La fonction d’expressivité est, quant à elle, iconique : elle manifeste les émotions du sujet. » (p. 9).

Face à la multitude de travaux consacrés à la prosodie, et même si au cours de l’élaboration de notre travail, nous n’avons négligé aucun aspect de celle-ci, nous ne sommes pas en mesure d’en proposer ici une synthèse exhaustive. Nous avons donc choisi de ne présenter qu’une partie de ces travaux, en essayant toutefois de restituer l’ensemble des différents types d’analyses observables dans ce domaine et en nous attachant plus spécifiquement à détailler celles qui sont les plus proches de notre objet, à savoir la discrimination prosodique des connecteurs.

Nous commencerons cette présentation par deux citations qui nous semblent rendre compte de manière complémentaire de la manière dont peut être définie la prosodie :

« Que ce soit en lecture silencieuse ou oralisée, à haute voix ou pendant un discours, toute production orale est nécessairement accompagnée d’une variation musicale, d’une évolution mélodique qui constitue la musique de la phrase. Cette musique est manifestée par des montées et des descentes de hauteur, des accélérations et des ralentissements de rythme, des allongements et des raccourcissements syllabiques, des élévations et des chutes d’intensité. Parfois des variations plus complexes mais aisément identifiables fonctionnent comme des clichés mélodiques, liées à des activités ou des comportements spécifiques des locuteurs. » (Martin, 1999)

« En français, la prosodie est actualisée dans la substance principalement par des modulations de fréquence fondamentale, de durée et d’intensité, qui se combinent aux caractéristiques

intrinsèques des unités phonétiques dans le signal de parole et qui ont pour fonction de réaliser le système dans le discours. » (Lacheret-Dujour & Beaugendre, 2002)

Nous avons regroupé les travaux que nous évoquerons selon différentes catégories afin que cette synthèse soit cohérente mais ne sous-entendons en cela aucun cloisonnement entre ces catégories, étant entendu que celles-ci sont tout à fait susceptibles de se recouper.