• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Présentation de la méthode de constitution de corpus

A. Les différentes bases de données

A.1. L’Enquête Sociolinguistique à Orléans :

(http://www.univ-orleans.fr/eslo)

L’Enquête Sociolinguistique à Orléans25

Par ailleurs, toutes les situations au cours desquelles ont eu lieu les enregistrements sont soigneusement documentées et comportent des renseignements sur la catégorie socioprofessionnelle du locuteur, la qualité acoustique, le lieu ou encore la date. Ces caractéristiques nous ont été très utiles afin d’une part de sélectionner des enregistrements bénéficiant d’une qualité acoustique satisfaisante, et d’autre part afin de faire varier les (désormais ESLO) a été notre source privilégiée. Cette enquête, outre le fait qu’elle mette plus de 300 heures d’enregistrements à la disposition du chercheur, offre également l’avantage de comporter des enregistrements effectués dans des situations de communication différentes (interviews en face-à-face, tables-rondes, communications téléphoniques, enregistrements divers à l’extérieur…). Au cours de notre étude, il est apparu qu’une situation de communication particulière, par exemple l’interview en face-à-face, sélectionne des emplois précis d’un connecteur (l’interview en face-à-face comporte par exemple beaucoup d’emplois de reformulation de enfin et aucun emploi de clôture de l’énumération). Ainsi, faire varier largement les situations permet d’optimiser la possibilité d’obtenir des occurrences représentatives du comportement sémantique global des unités étudiées.

24 Nous entendons par « discours spontané » une production langagière du locuteur non contrainte, ce qui signifie que celui-ci exprime ses sentiments, ses opinions dans la manière de parler qui lui est naturelle. A l’inverse, un « discours construit » consiste en la lecture d’un texte défini à l’avance avec des expressions et des sentiments plus ou moins simulés.

paramètres socioprofessionnels des locuteurs. Etant entendu que la manière de s’exprimer varie non seulement pour un même locuteur, souvent lorsque les situations de communication divergent mais pas nécessairement (variation intra-personnelle), et également d’un individu à un autre (variation interpersonnelle), il est important de constituer un corpus susceptible de comporter l’éventail le plus large possible d’occurrences et d’emplois pour chacune des unités étudiées. Les raisons d’une telle différence de prononciation sont également liées à des phénomènes sociolinguistiques. Il s’avère en effet qu’une multitude de critères sociaux influe directement sur la manière de s’exprimer d’un individu. Ainsi l’âge, le sexe, la région d’habitation, la catégorie professionnelle, etc. sont autant de facteurs de variation de la parole qu’il est nécessaire de prendre en considération. Cette notion de variation se révèle donc être très importante dans le cadre de notre analyse et également très complexe à cerner. La distinction entre une variation de forme prosodique n’entraînant pas de modification du sens du connecteur et une variation prosodique menant au contraire à une nouvelle interprétation constitue tout l’enjeu de notre étude.

Enfin, ESLO offre un autre intérêt difficilement observable ailleurs, à savoir que pour une grande partie des enregistrements, c’est le même questionnaire qui a été soumis aux enquêtés. De cette manière, il est possible de compléter notre étude en comparant les réponses de différents locuteurs aux mêmes interrogations et d’observer si l’emploi d’un connecteur par exemple est récurrent en fonction d’un type de question précis.

Le travail sur du discours spontané amène toutefois le chercheur à faire face très régulièrement à des chevauchements de discours des locuteurs, ce qui entrave par la suite l’analyse acoustique des extraits sélectionnés. D’autre part, des bruits intempestifs (sonneries, cris d’enfants, bruits de fonds…) peuvent apparaître et fausser occasionnellement la bonne qualité acoustique des enregistrements.

L’enquête26

26 Il s’agit exclusivement dans notre étude de références à ESLO 1, ESLO 2 étant actuellement en cours d’élaboration.

a été réalisée entre 1968 et 1971 à Orléans à l’initiative de chercheurs britanniques, qui sont eux-mêmes intervenus afin de réaliser les interviews. En raison du fait qu’ils s’expriment pour la plupart d’entre eux avec un accent anglais, nous avons fait le choix de n’extraire que du discours produit par les enquêtés. Nous considérons les données extraites d’ESLO comme représentatives du discours le plus spontané auquel il est possible d’accéder en respectant une certaine déontologie. Il s’avère toutefois que le paradoxe de l’observateur que Labov a pu mettre au jour et théoriser, et selon lequel la présence de l’observateur influe

sur la manière de s’exprimer de l’enquêté, s’est inévitablement instauré lors des enregistrements :

« Le discours de l’interview est un discours soigné, non de façon absolue, mais par comparaison avec le parler de la vie quotidienne. Dans l’ensemble, c’est un discours public, surveillé et contrôlé par réaction à la présence de l’observateur. » (Labov, 1976)

Il s’est installé d’autant plus que l’observateur n’est pas toujours un intervenant extérieur qui se contente d’observer mais également la personne qui mène les interviews. Nous estimons qu’au fil de l’interview, qui peut durer jusqu’à deux heures, l’effet de trouble qui peut amener le locuteur interrogé à modifier son discours s’est atténué et que les extraits recueillis constituent malgré tout ce que l’on peut considérer comme du discours spontané.

A.2. Des Sous et Des hommes: (http://dsedh.free.fr/index800.htm) :

Nous avons poursuivi le recueil de nos données en puisant dans des enregistrements d’émissions économiques et politiques de l’émission Des Sous et des Hommesde P. Fourrier, libres d’accès sur Internet. Les émissions proposées sont nombreuses et accompagnées d’une transcription. Ces extraits sont venus compléter nos données en offrant une nouvelle situation de communication, et ainsi, des emplois différents.

Une situation de communication peut également sélectionner ses intervenants. Dans ce cas précis, il s’agit principalement d’économistes. Le registre de langue lui aussi varie, car les personnalités qui interviennent sont habituées à la prise de parole en public et au maniement rhétorique de la langue, de par leur fonction. Les économistes emploient beaucoup d’emplois de clôture de l’énumération ou de soulagement de enfin afin d’étayer leurs argumentations, emplois que nous ne rencontrons quasiment jamais dans ESLO. Ils ont ici une intention pragmatique bien particulière qui est celle de convaincre l’auditoire. Le discours est prosodiquement et lexicalement orienté dans ce sens, et nous estimons que ce phénomène mérite d’être pris en compte dans l’analyse.

Notre objectif visant à recueillir des emplois variés se met donc en place grâce à la variation des sources de données. D’autre part, la multiplicité des sources augmente d’autant plus la possibilité de rencontrer des emplois peu fréquents tels que l’emploi de résignation de enfin,

qui ne dépend pas forcément d’une situation communicationnelle précise mais plutôt de l’opportunité de rencontrer le rencontrer sur corpus.

Ce type d’émissions comporte du discours spontané mais à une échelle moindre que celui qui est produit dans ESLO, du fait de la préparation des questions de la part de l’animatrice et de la connaissance des réponses à fournir de la part des invités, qui leur confère une certaine aisance.

Comme pour ESLO, les conditions acoustiques sont généralement très bonnes car le matériel adéquat et les conditions optimales ont été mis en œuvre, toutefois il arrive qu’il y ait des chevauchements de discours ou bien le jingle de l’émission qui viennent parasiter les énoncés produits.