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multidimensionnelle macroéconomique

DIVERGENCE DE MODELES ET POSITIONNEMENT SUR LA FRONTIERE TECHNOLOGIQUE

II.1 L’innovation : un phénomène particulièrement adapté à une analyse systémique

Le concept de système d’innovation fait l’objet d’une très riche littérature démontrant la pertinence de ce concept (Lundvall, 1985, 1992 ; Freeman, 1987, 1988 ; Nelson, 1988). Néanmoins, si ce concept permet de saisir les multiples dimensions de l’innovation (cf. chapitre introductif), il est confronté à un certain nombre de difficultés, notamment en termes de déclinaison empirique. Dans une synthèse faite par Niosi et al. (1992), quelques temps après l'émergence du concept, les auteurs pointaient plusieurs enjeux de taille d’un tel concept, et notamment l’enjeu d’appréhender au mieux les dynamiques de globalisation et de convergence (approche positive) tout en parvenant à développer des outils d’évaluation et de comparaison (approche normative). Godinho et al. (2005), dans une tentative d’établir une approche quantitative plutôt que qualitative, se heurtent à la difficulté de définir un périmètre clair du concept dont la géométrie est variable et dont les indicateurs sont sujets à évolution.

De plus, le concept va assez rapidement s’étendre. Lundvall (1992) reconnaît deux conceptions du système d’innovation, une conception étroite qui reprend le cadre cité plus haut et la conception large qui s’étend à l’ensemble du système productif (et non plus seulement aux composantes de l'innovation en tant que telle), admettant ainsi des interactions très larges au sein du système économique. Cette acceptation large du

117 concept sera reprise par Amable et al. (1997)87 à travers le concept des systèmes sociaux

d’innovation et de production, qui repose sur une caractérisation quantitative des systèmes. Ils étendent la notion de système à l’ensemble de l’économie et montrent la persistance et le poids des spécificités sociales et nationales dans les dynamiques d’innovation et par extension au sein des systèmes économiques. Cet ouvrage est un élément fondateur de l’approche des variétés de capitalisme (Amable, 2003, 2005), elle-même structurante dans la littérature institutionnelle. Cette filiation démontre la forte interrelation entre la compréhension des systèmes institutionnels et celle de l’innovation88.

Par ailleurs une série de travaux cherchant à décliner le concept empiriquement a été conduite dans les années 2000 (Godinho et al., 2005 ; Hollanders et van Cruysen, 2008 ; Freeman et Soete, 2009 ; Peneder, 2010 ; Carrincazeaux et Gaschet, 2012 ; Arvanitis et Bolli, 2013). Tout en apportant des éléments de réflexion intéressants, aucun n’a su imposer un cadre de référence.89

Le concept de système d’innovation a également fortement influencé les agences de statistiques dans leur objectif de mesure et d’évaluation des performances et des politiques d’innovation (Godin, 2009). L’OCDE et Eurostat se sont emparées de l’outil

87 De même, Smith (1998) ou Edquist et al. (1997, 2005) défendent une approche étendue du concept.

Selon ces auteurs, la pertinence du concept clé de « système » repose sur le rôle central accordé aux interactions, considérées comme au cœur du processus d’innovation. Ces auteurs insistent sur le fait qu’au sein d’un système économique le progrès technique est au cœur du développement, c’est pourquoi le système économique dans son entier interagit avec l’innovation.

88 Par ailleurs, comme le soulignent Soete et al. (2009), Lundvall (2004), Amable (2001), et Eqduist

(2005), le concept de système d’innovation a donné lieu à de nombreuses variantes. Tout un champ de recherche s’est développé dans l’analyse de systèmes régionaux d’innovation en défendant l’idée que les interactions spatiales sont dominantes et qu’un système est surtout cohérent à une échelle restreinte. Certains travaux ont aussi défendu une approche sectorielle des systèmes d’innovation, là aussi en insistant sur l’existence de liens spécifiques au sein des industries et des secteurs économiques (Malerba et Orsenigo, 1993, 1995 ; Malerba, 2002, 2005). Bien que ces deux approches soient pertinentes pour une meilleure compréhension qualitative des interactions à des niveaux plus spécifiques (régions ou secteurs), elles négligent, pour partie, l’importance institutionnelle qui se situe principalement au niveau national et sociétal.

89 A l’heure actuelle il semble que le concept de système d’innovation soit plutôt un champ fertile de

réflexion qui est souvent intégré au sein d’autres travaux. L’approche des systèmes sectoriels s’est en partie assimilée à des travaux d’économie industrielle (Peneder 2010 ; Dosi et al., 2017), tandis que l’approche des système nationaux d’innovation s’intègre aux réflexions autour des cycles technologiques. Dans ce dernier cas, les systèmes d’innovation sont mis en relation avec les mutations technologiques à l’œuvre. A titre d’exemple l’Eurofound, l’OCDE et le BIT produisent un nombre important de publications autour des impacts de la numérisation des économies (Calvino et al., 2018 ; Craglia M. (Ed.) et al., 2018 ; Eurofound, 2018a ; Eurofound, 2018b ; ILO, 2018 ; OECD, 2018a), au sein desquelles des éléments conceptuels des systèmes d’innovation sont présents.

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conceptuel pour tenter à travers des batteries d’indicateurs de capter les spécificités de ces systèmes. Partant du concept de système d’innovation, ces méthodologies visent notamment à dépasser les mesures très technologiques (principalement utilisées dans les travaux économiques modélisés), reposant sur des variables comme l’investissement en R&D ou le nombre de brevets déposés90.

L’Union européenne, à partir des travaux quantitatifs de Hollanders (Hollanders, 2003 ; Arundel and Hollanders, 2005a, 2005b ; Hollanders and van Cruysen, 2008), s’est dotée d’une publication annuelle permettant d’évaluer les caractéristiques d’innovation des Etats-membres, le European Innovation Scoreboard - EIS (European Commission, 2018). Il comprend une batterie d’indicateurs servant à définir les performances dans la filiation du concept de système d’innovation.

De son côté, l’OCDE s’est appuyée sur les concepts de système d’innovation, comme le montre Godin (2009), pour produire une série de publications de référence sur la mesure de l’innovation. Dans cette perspective, un travail d’envergure sur les systèmes nationaux d’innovation a été mené à la fin des années 1990 par l’OCDE (ce travail conduit en trois phases est présenté dans la publication Managing National Innovation System, OECD, 1999)91.

Le concept de systèmes d’innovation est donc particulier à plusieurs égards, et a une position ambiguë dans le champ. Il se trouve à la croisée de plusieurs cadres d’analyse (économie institutionnelle, néo-schumpétérienne, économie de l’innovation etc.), tout en ayant lui-même contribué à enrichir de nombreux champs d’études (variété des capitalismes, mesure de l’innovation, cycles technologiques, systèmes techniques et industriels, approches sectorielles, etc.). Malgré la richesse de cet objet, les méthodologies adoptant le concept de système d'innovation ne sont pas véritablement stabilisées, ni théoriquement ni empiriquement. Dit plus simplement, il n’y a pas de cadre unifié.

90 Ces travaux statistiques bien que relativement détachés de certains aspects théoriques du concept

initial ont clairement pris le parti d’une mesure systémique et institutionnelle de l’innovation (Godin, 2009).

91 Ce travail de long cours a débouché sur un grand nombre de publications. Les trois plus connues sont

le Manuel d’Oslo (OECD, 2005)91 sur la mesure directe de l’innovation, le manuel de Frascati sur le rôle

et la mesure de la R&D (OECD, 2002, 2015) et le manuel méthodologique de référence de l’OCDE sur la mesure et l’approche de l’innovation (Measuring Innovation: a new perspective, 2010)91. Par la suite,

l’institution s’est dotée de deux publications biannuelles régulières (chacune alternant une année sur l’autre) qui font office de référence : l’OECD Science, Technology and Innovation Outlook, et l’OECD Science, Technology and Industry Scoreboard.

119 Dans notre cas, il s’agit néanmoins du cadre d’analyse retenu pour conduire une analyse empirique multidimensionnelle de l’innovation. Dès lors que l’on adopte plusieurs dimensions, il est nécessaire de les articuler. L’approche en système permet à la fois d’éviter de les superposer sans pour autant se contenter de les analyser une par une. Elle fournit des clés d’articulation permettant de faire ressortir des combinaisons sous-jacentes92. Par conséquent, tout en s’appuyant sur les indicateurs

produits par Eurostat, ce chapitre propose une analyse empirique en termes de système d’innovation, permettant de créer des connexions avec les institutions de l’emploi.

II.2 Mesurer l’innovation à travers deux cadres d’analyse : entre

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