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d L’influence de la culture nationale et organisationnelle sur l’identité de l’individu

CHAPITRE 1 LA DYSLEXIE DANS LES ORGANISATIONS

II. L’identité du travailleur dyslexique : L’impact des interactions intra et inter-personnelles

II.I. e La peur de la stigmatisation : calculs et stratégie de révélation

II.2. d L’influence de la culture nationale et organisationnelle sur l’identité de l’individu

Évoquer son identité selon le contexte culturel national peut produire un stigmate important ou aggraver des stigmates préexistants (Clair, Beatty, Maclean, 2005). L’organisation absorbe de plus les codes culturels. Ainsi la culture nationale entre dans l’entreprise et influence les rapports interpersonnels. Les auteurs cités ci-dessus suggèrent que la révélation de l’identité invisible est conditionnée par l’interprétation d’indicateurs culturels par les collaborateurs et la personne handicapée. En effet, la stigmatisation est un phénomène relatif et est ancrée dans un phénomène socioculturel qui a une histoire. Ces chercheurs (Clair, Beatty, Maclean, 2005) remarquaient qu’aux États-Unis, les personnes atteintes d'obésité et les personnes âgées sont dévalorisées et stigmatisées, mais que dans d’autres cultures, elles sont vénérées. La stigmatisation est aussi collectivement définie et reconnue, ce qui signifie que telles catégories de personne peuvent s’attendre à des stigmatisations singulières selon la culture du pays où ils se trouvent. D’autres recherches montrent que la culture nationale d’un pays influence le degré de la stigmatisation. Par exemple, les recherches comparatives sur la Turquie et les États-Unis de Ikizer, Ramírez-Esparza, et Quinn (2018), mettent en évidence le fait que la culture collective turque provoque une stigmatisation plus forte des personnes atteintes de dépression que celle présente aux États-Unis. Leur recherche a permis d’établir un lien de cause à effet entre le type de culture et création de stigmate. Un autre exemple est tiré du cas français. La non-maîtrise de la compétence orthographique en France est rédhibitoire à l’embauche, car elle accroît les risques d’une mauvaise image de l’organisation (Martin-Lacroux, 2016). Dans ce cas, le contexte culturel national influence la décision d’embauche ou de maintien dans l’emploi d’un salarié dyslexique. Ainsi les peurs

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et les angoisses sont accentuées si la personne est contrainte d’évoquer le secret de son stigmate invisible (Clair, Beatty, Maclean ; 2005).La culture nationale est une variable qui impacte d’autant plus les individus et les organisations que la définition médicale du handicap a pris une place conséquente dans les pratiques organisationnelles (Santuzzi, Waltz, 2016).

Ainsi, si la culture nationale entre dans l’entreprise et influence les rapports interpersonnels, l’organisation développe indépendamment sa propre culture d’entreprise qui impacte les rapports entre collaborateurs et travailleurs handicapés. L’acceptation du handicap varie selon les cultures imposées dans les différentes organisations (Schur, Kruse, Blasi, et Blanck, 2005; Santuzzi, Waltz 2016). Comme nous le rappelle Sainsaulieu (2010), la culture d’entreprise permet de mobiliser les potentiels humains. Il considère qu’elle participe à un renouvellement des pratiques managériales. La culture peut être envisagée comme un outil d’intégration de nouvelle valeur en vue de s’ouvrir à des individus différents (Sainsaulieu, 2010). Dans le cadre d’une organisation qui se veut inclusive, ces nouvelles valeurs peuvent être en conformité avec l’intégration du handicap. Le développement d’une culture collective du handicap peut se faire à différents niveaux : au niveau organisationnel, au niveau d’une équipe, d’un groupe de travail, ou d’un individu. L’adhésion aux valeurs du handicap prend sens (Wieck, 2011) par l’interaction collective. La multiplication des actions diverses sur le thème du handicap peut permettre de constituer une cohésion entre les individus. L’acceptation du collectif peut se faire par le biais d’une confrontation de la somme des cultures individuelles et organisationnelles. En effet la culture est une représentation d’un ensemble de croyances, de connaissances et d’informations qui vont participer à créer un « lien, car elle renvoie au partage de références communes ; c’est une façon partagée de voir, de dire le monde qui nous entoure et d’y agir. »

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(Lavigne, 2007, p. 248). Dans l’étude sur la surdité, Lavigne démontre que l’acculturation est un processus essentiel. Cette affirmation est valide pour toute personne intégrant une organisation, mais est d’autant plus prégnante dans le cas du handicap. Elle se matérialise dans les organisations inclusives (vis-à-vis du handicap) par des actions concrètes, qui contribuent à la création de nouvelles valeurs collectives, et permettent de faire évoluer les mentalités et modifier les pratiques (Naschberger,2008). Un métissage des cultures se produit par l’interaction des cultures organisationnelle, collective, et individuelle entre elles. Ce processus concourt à l’acceptation d’une culture commune du handicap. L’interaction par le collectif et l’organisation permet d’atteindre une acceptation conative de l’individu handicapé. Ainsi nous comprenons selon les travaux de North (2005) et Goffman (1973, 1988) que la nature des interactions humaines permet par la culture de changer les croyances humaines dans l’institution politique des organisations régie par des règles qui transpose ses croyances. Cette nouvelle culture métissée (Chanlat, Pierre, 2018) facilite d’autant plus l’acceptation de son identité personnelle par l’individu atteint de dyslexie. Ainsi la culture est un outil immatériel qui peut aider à régénérer l’identité du handicap au niveau individuel et organisationnel. Elle est un indicateur d’interprétation qui interfère avec l’image personnelle du travailleur handicapé dans la production de son identité (Santuzzi, Waltz, 2016). Par exemple, une culture d’entreprise handi-accueillante contribue à faciliter la révélation du handicap (Richard, Barth, 2017). Certaines organisations de culture traditionnelle rencontrent plus de difficultés dans l’élaboration d’une culture inclusive du handicap invisible, car leur référentiel sur la diversité est principalement lié à l’approche visible de l’identité du handicap (Clair, Beatty, Maclean, 2005 ; Santuzzi, Waltz, 2016).

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La mobilisation du concept du stigmate permet d’orienter notre recherche à l’échelle de l’individu et de comprendre que l’interprétation du traumatisme vécu est individuelle et produit ainsi un stigmate spécifique à chacun (Santuzzi, 2016). Ainsi l’emploi de ce concept se justifie par le fait qu’il explique l’émergence de ressources personnelles.

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- SYNTHÈSE DU CHAPITRE 1 -

Du fait de la quasi-inexistence d’une littérature sur le travailleur dyslexique et sur le handicap invisible en sciences de gestion, nous avons dû contextualiser ce handicap en situation organisationnelle. Nos réflexions se sont fondées sur les travaux théoriques de Danny Miller (2011) et ceux de Santuzzi (2014 ; 2016). Ce premier chapitre nous a permis d’établir une définition du « travailleur dyslexique » et de développer les troubles associés à ce handicap que la plupart de ces travailleurs partagent ainsi que les difficultés qu’ils rencontrent.

Les éléments développés dans cette première partie de chapitre nous permettent d’apporter des arguments de réponse à la première question de recherche.

- QR1 - Comment l’individu dyslexique se situe -t-il dans l’organisation ? -

Cependant un enrichissement de ces arguments par l’approche du handicap sous l’angle de l’évolution de l’identité du travailleur dyslexique nous est apparu indispensable.

Pour cela, nous nous sommes appuyés sur les travaux de Goffman (1975), King et John (2014) et Santuzzi et Waltz (2016). Ceux-ci nous ont permis d’établir le rôle indéniable des interactions intra-personnelles et interpersonnelles sur l’évolution de l’identité du travailleur dyslexique. Celles-ci sont à l’origine de la mise en place d’une stratégie de dissimulation du handicap ou au contraire encouragent sa révélation. Dans les deux cas, la performance de l’individu s’en trouve modifiée par l’acceptation de l’identité du handicap par celui-ci ainsi que par son organisation (cf. FIGURE 4)

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FIGURE 4 - L’identité du travailleur dyslexique : L’impact du stigmate, des interactions intra et interpersonnelles

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CHAPITRE 2 – LE PROCESSUS D’ÉLABORATION