B. SYNTHESE DES RESULTATS
4. Point sur l’influence éventuelle de la présentation clinique embolie versus phlébite
a)
Phlébites seules
Dans notre corpus, la MVTE sous forme de TVP concerne 3 propositus. Néanmoins
elle ne donne lieu à des commentaires isolés dans le discours des familles que pour 2
familles (43 et 85) au final. Une troisième famille (100) dont le propositus a vécu un épisode
de phlébite, nous a paru réagir de façon très spécifique à l’embolie d’une sœur. Toutes les
autres familles rapportent au moins un épisode d’embolie, que ce soit chez le propositus ou
parmi les apparentés.
Or, ces familles 43 et 85 (chez lesquelles il n’existe donc pas d’embolie), ne sont pas
moins préoccupées par l’évènement que d’autres qui ont vécu des cas d’embolie.
En effet, 43-P qui se montre particulièrement préoccupé par les problèmes de
circulation, et se montre particulièrement attentif au port de bas chez lui et ses enfants, ainsi
qu’à ne pas de fatiguer (à noter qu’il pense que la fatigue peut jouer un rôle dans la MVTE)
et à protéger ses veines, exprime vivement la gravité potentielle qu’il imagine de l’embolie
« la tuyauterie peut péter 43-P
Quant à la famille 85, elle met bien en évidence, et de manière spontanée, les
mesures de prévention qu’elle développe (port de bas lors des interventions lors des
interventions, attention appuyée au «dépistage » des marqueurs dans la famille) et fait
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particulièrement état de la gravité qui a été perçue de l’évènement et de l’intensité des
symptômes. « Ça a été grave quand même, un peu plus et puis elle y restait » 85-2 ; « Ça, on
ne peut pas oublier l’épisode comme celui-là. » 85-4 ; « Ma sœur, elle, c’est une thrombose,
elle a vraiment eu chaud » 85-P ; « Là par contre, j’ai vu une grosse cuisse. J’ai vu la cuisse de
ma sœur, c’était… pfff c’était impressionnant. Moi c’était insignifiant comparé à elle. Je sais
que ça a été branle-bas de combat. Tout le monde est arrivé, pompiers, Samu, ça a été
waouh ! Prise en charge très rapide. Ah ben elle est arrivée, elle a été au bloc de suite. C’était
impressionnant dans tous les sens du terme » 85-P.
Dans la famille 100, les membres insistent plutôt sur l’épisode d’embolie de la sœur,
et ils disent avoir été marqués par cet épisode « Donc vous vous étiez très au courant de ce
qu’était une phlébite parce que votre sœur…oui, je savais le nom et le danger, depuis cet
accident »100-P ; « j’ai juste vu qu’elle était en train de mourir, j’ai couru chercher le médecin
de famille qui était dans la campagne, je l’ai arrêté, il fonçait vite, puis j’ai été cherché le
curé, ça, ça marque, hein ! Donc ça m’a marqué quand même. » 100-3.
Néanmoins, pour ce qui concerne l’épisode du propositus (et en fait il y a eu 2
épisodes, un épisode antérieur relié au contexte de tennis est mentionné), le propositus
exprime une inquiétude toujours bien marquée « j’ai toujours peur que ça revienne » 100-P,
et le terme utilisé par le corps médical « profonde » semble l’avoir bien marqué puisqu’il le
relève bien « la profonde était à gauche » 100-P, et que ce détail est même repris par le
frère«non, non, je crois c’est resté au stade de phlébite, mais profond, profond, je ne sais pas
ce qu’il n’entend pas là, mais ce mot profond, ça l’a impressionné. » 100-5.
b)
Embolie seule
C’est le cas des familles 89 et 123. Les embolies, asymptomatiques, sont soit ignorées
des membres de la famille, soit minimisées au regard d’autres symptômes plus pérennes.
Dans la famille 89, le propositus se dit « sans stress » et relativise son évènement au
regard des complications liées à son infection de jambe, « Donc, cet épisode-là ? C’est une
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Quand on va se faire gratter la jambe tous les deux jours, c’est pire. Quand on a froid et
qu’on se rend compte qu’on part et qu’on est toujours là et qu’on demande si la jambe est
coupée, je pense que c’est plus dur. » 89-P ; de même que pour sa sœur 89-4 « ce qui était le
plus traumatisant, c’était quand on parlait d’amputation » 89-4 ; « après l’embolie
pulmonaire, ça été quand même un épisode, enfin je ne sais pas si on était par là nous, plus
transitoire. » 89-4. 89-5 dit ne pas avoir eu connaissance de l’embolie en ces termes. Le
discours des sœurs est de même nettement empreint de cette relativisation au regard de
l’érysipèle et du parcours de vie chaotique du frère.
Dans la famille 127, le propositus relativise nettement la portée de l’évènement « je
vous dis franchement parce que je vous dis pour moi, il n’y a pas que la phlébite. C’est peut
être important pour vous mais pour moi c’est secondaire » 127-13.
La sœur 123-5 dit même ne pas avoir eu connaissance de l’embolie, qu’elle
confondait avec les complications cardiaques de son frère, et développe beaucoup plus ses
préoccupations autour du parcours de vie de son frère. La sœur 123-4, quant à elle, a bien
relevé l’évènement et sa gravité, et son discours reste empreint de préoccupations multiples
sur le sujet.
c)
Embolies et phlébites
La plupart des familles ont vécu les deux manifestations de la MVTE. Lorsque c’est le
cas, et que les embolies sont relatées dans notre corpus, rien ne nous permet de dégager
l’idée selon laquelle les membres seraient plus inquiets que dans les cas de phlébite.
En effet, par exemple 35-P dit ne pas avoir été traumatisée (mais alors même que
l’on apprend de sa sœur qu’elle a eu peur, cette sœur qui pense donc que c’est une maladie
grave). Néanmoins elle s’attache à développer le récit d’autres pathologies.
Pour 37-P l’évènement reste bel et bien un accident, mais sa fille quant à elle dit bien
« ça peut être fatal, je garde les souvenirs de ses mollets très gonflés et durs ça m'a frappée,
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La mère 45-1 (alors même que l’embolie ait été asymptomatique, du moins perçue
comme telle) se dit très inquiète, renouvelle ses questionnements autour du risque de
récidive, se montre très attachée au port de bas chez son fils, et à utiliser le numéro d’accès
privé pour accéder plus vite à la prise en charge, s’interroge pour ses enfants…. Alors que la
fille 45-4 ne pense pas que son frère « puisse partir avec ça » 45-4
Deux membres rapportent des explications rassurantes « c’est là qu’on a vu qu’il y en
avait plusieurs, dont un gros, mais c’étaient des petits donc ils ont pu s’évacuer, ouais » 37-
P ; « et il m’a dit, bon elle a passé le cœur, donc si elle avait passé le cœur déjà! » 35-P.
Les symptômes de phlébites ont autant marqués que ceux d’embolie dans notre corpus :
« Ça peut être fatal, je garde les souvenirs de ses mollets très gonflés et durs ça m'a
frappée » 37-5 ;
« J’ai posé des questions pour savoir comment ça s’était passé et elle ne pouvait pas tout
expliquer. Elle avait des « oublis » et quand je la regardais, je voyais la carotide qui… ‘fin, je
voyais que son battement cardiaque était très élevé. Je me suis dit : « oh non ». Un malaise
plus un battement cardiaque très élevé, je me suis dit : « non, non, non » 110-7.
d)
Au final
Dans notre corpus, il n’existe pas de tendance à s’inquiéter plus d’une présentation
clinique que d’une autre : embolie versus phlébite.
Il se dégage néanmoins la tendance à la relativisation de la portée des évènements
quels qu’ils soient, au regard du contexte de poly-pathologie (famille 127, 35-P, 37-P, 45-4,
famille 89, 123-P, famille 127). Ce peut-être parce qu’elles ont été toutes bien prises en
charge dans notre corpus « le bonheur c’est que c’est arrivé quand c’était ici » 89-P.
Enfin on remarque dans notre corpus, que lorsqu’une idée de transmission se
développe en lien avec la considération d’un terrain familial d’insuffisance circulatoire, ça a
toujours été en lien avec un épisode de phlébite dans nos familles. Nous n’avons pas pu
étudier si cette éventualité d’une transmission pouvait se développer dans les familles qui
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