B. SYNTHESE DES RESULTATS
5. Point sur l’influence éventuelle de la connaissance des marqueurs génétiques sur la
Rappels : Marqueurs génétiques de risque pro thrombotiques positifs :
- 35 : 35-P-P hétérozygote PMG, alors que sœur 35-3 négatif (5 membres testés/9 positifs)
-85 : père 85-1 et sœur 85-4: hétérozygote facteur V (3/4 membres testés positifs (seule la
mère est négative)
-89 : 89-P hétérozygote facteur V (1/3+)
-110 : 110-P et sœur110-3 et 110-7 : hétérozygote facteur V, fille négative (3/4 +)
-127 : 127-11=frère hétérozygote facteur V (1/3 +)
Tous les membres de ces familles entrées dans l’étude FIT 2 du fait de l’épisode du
propositus, avaient eu connaissance des résultats du test génétique fait pour la recherche les
marqueurs (voir tableau).
Au vu des entretiens, il semble que les résultats aient été assimilés, mais ils ne sont
pas évoqués spontanément (sauf pour 127-11 qui entame d’ailleurs l’entretien en le
mentionnant). Ils ne sont plus qu’un souvenir lointain pour certains (essentiellement
lorsqu’ils étaient négatifs 43-P, 37-4).
34
a)
Marqueurs positifs
(1) Pas suffisant en soi, il faut quelque chose pour « déclencher »
Pour la famille 85, 89-P et 89-4, avoir des marqueurs positifs n’est pas suffisant en soi
pour déclencher l’évènement, un facteur favorisant restant nécessaire. « Mais comme il n’a
jamais eu de grave intervention, ça n’a pas dû se déclencher. » 85-1 ; « Je pense, il y a le
poids des bébés et puis le fait de rester allonger. Plus l’intervention chirurgicale aussi. » 85-4 ;
« Il a été alité longtemps. » 85-4 ; « Ben oui, c’est important à cause de la pilule. »85-4 ;
« elles n’ont pas eu de facteurs extérieurs contraignants, si on veut, pour donner des chocs. »
89-P ; » Il y a peut-être une faiblesse génétique mais je pense qu’il y a un environnement qui
fait qu’il y avait autre chose au moment de son infection » 89-4.
On peut penser que ce soit peut-être le cas aussi pour 35-P «on leur a dit que s’ils
avaient une intervention, il fallait qu’ils préviennent quand même » 35-P.
(2) Secondaire au regard des représentations antérieures des causes des
épisodes et du risque familial que la connaissance du facteur positif ne
déplace pas
Ces résultats positifs n’inquiètent pas pour autant 35-P, 89-P et 89-4, 127-11 puisqu’il
semble qu’ils avaient déjà leur propre conception du risque depuis l’épisode, avant d’avoir
les résultats.
En effet, par exemple, chez 110-P, l’évènement n’a quasiment pas marqué, étant
considéré simplement comme un accident, et les résultats ne sont a fortiori même pas
évoqués. Pour 89-P, le maréchal ferrant, le facteur V ne représente qu’une « porte d’entrée
coagulante plus facile » 89-P, mais cette notion semble secondaire au regard du facteur
déclenchant spontanément identifié, à savoir le traumatisme de ses veines qu’implique sa
profession, sur un terrain veineux familial défaillant. En dépit du fait qu’il se sente à risque
35
depuis la connaissance des résultats, 127-11 ne s’inquiète pas pour autant, ni pour lui, ni
pour ses enfants. 110-P n’évoque même pas les résultats.
Dans la famille 85, ces résultats entretiennent la conscience du risque qui était déjà
présente dans la famille, développée à partir de la considération d’antécédents
thromboemboliques multiples associés à un terrain d’insuffisance veineuse chez le grand
père du propositus (et ceci dans une logique telle que les apparentés sont déstabilisés
lorsqu’ils apprennent lors de l’entretien que le propositus ne présente pas le facteur).
Néanmoins, cette famille développe des préoccupations appuyées autour du dépistage des
marqueurs, le père porte des bas s’il doit se faire opérer… Donc on ne peut pas dire qu’ils
n’inquiètent pas.
(3) Malgré cette connaissance, ils développent des raisons de ne pas
s’inquiéter ou de s’inquiéter
(a)
De ne pas s’inquiéter
Ces familles peuvent aussi en dépit de cette connaissance des résultats positifs,
développer secondairement des raisons de ne pas s’inquiéter. Ces raisons peuvent par
exemple, tenir à la réassurance apportée par le fait de pouvoir prévenir les professionnels de
santé de ce statut, qui peuvent agir en conséquence « et puis maintenant qu’ils savent ce
qu’ils ont, ils peuvent prévenir, c’est ça ? » 35-P (idem pour 127-11 qui ne s’inquiète pas mais
s’attache à bien conserver le papier des résultats dans son portefeuille) ou encore au fait
que les enfants sont jeunes « donc les autres il y a mes enfants, mais comme ils sont jeunes,
36
(b)
Ou de s’inquiéter et d’alimenter les représentations de la
MVTE
A noter que ces résultats interviennent quand même parfois, même secondairement,
dans la construction de la MVTE pour les familles. Par exemple, pour 35-6 chez qui le risque
est bien matérialisé par la présence de sa mutation génétique qui provoque les thromboses
lors des interventions« je pense que c'était positif, parce qu'elle se fait surveiller, tous les
ans » 35-6. Ou encore chez 110-3 qui présente le facteur V et qui s’inquiète pour les jeunes
de sa famille.
b)
Marqueurs négatifs
En cas de résultats négatifs pour les facteurs recherchés, la potentialité de
l’évènement n’est, pour aucun membre de famille éliminée malgré tout« Et vous saviez si
vous étiez touché par l’hérédité ? Euh, non, à priori, non » 37-4 ; « peut-être que ça pourrait
m’arriver mais moi ce sont plutôt des problèmes de cancers » 35-6 (à noter que cette
patiente ne présente pas la mutation génétique, à l’inverse du propositus) ; « Bah, oui, si ça
arrive aux autres, pourquoi pas à moi, c’est comme le cancer vous savez… » 100-5 ; « Et pour
vous-même, vous pensez que ça pourrait vous arriver aussi également ? Peut-être oui,
pourquoi pas, oui, ça peut arriver à n'importe qui, je crois, personne n'est à l’abri » 37-5.
(1) D’autres facteurs favorisent la MVTE
Ceci est dû à la perception antérieure bien ancrée que quelque chose d’autre favorise la
MVTE.
37
(a)
Externes
Ce peut être un facteur ou contexte favorisant externe (l’immobilisation le plus
souvent) avec donc la possibilité de récidive en cas d’exposition à ce même facteur ou
contexte, indépendamment des résultats négatifs des tests. « Moi je reste un cas particulier
dans le sens où c’est dû à une immobilisation non traitée » 85-P ; « je ne suis pas à l’abri de
me retrouver une nouvelle fois immobilisé…. C’est bête à dire, mais le médecin je vais lui
casser les pieds » 85-P.
(b)
Internes (personnels ou « terrain » familial …)
Il peut être aussi un terrain personnel favorisant « bah je reste susceptible quand
même de faire ça, car avec mon hydrocéphalie j'ai certaines choses équivalentes avec M. Des
choses équivalentes, c'est à dire ? Par exemple la température corporelle, avant j'avais une
température normale et maintenant, j'ai 36,5, et donc je me dis qu'au moment où j'ai fait le
test peut être que je n'étais pas sujette à ça, mais je peux le devenir, ça n'est qu'un test, et
ceci pour l'ensemble des maladies… », 45-4. Cette personne développant d’autres raisons de
développer la MVTE.
Ce peut être aussi, et c’est souvent le cas, à cause de la perception antérieure bien
ancrée d’un terrain familial prédisposant à la MVTE, déjà mentionné plus haut, terrain
d’insuffisance veineuse constaté chez les différents membres de famille avec « la mauvaise
circulation » ou « les varices », les « grosses jambes », voir même la notion du « gène » ou
« faiblesse génétique », ou encore via la susceptibilité à l’hypothyroïdie qu’elle relie à la
MVTE pour 110-7.
« Physiologiquement, au niveau des familles, on est porteur de facteurs déficients comme
certains, ce sont les hanches, d’autres, d’autres choses. A mon avis, oui. La conjugaison
maternelle qui était favorable à ça plus le métier associés ont que… Parce que votre mère a
eu des varices ? Ben du côté famille ouais. Pas de plaies variqueuses mais ça a été opéré des
veines. Mon frère jumeau a été opéré des veines mais il est décédé depuis. Mais on a, je
38
pense, un côté finistérien déficient au niveau des veines superficielles » 89-P (cette allégation
alors même que le propositus est positif pour le test) ;« je me suis rendu compte que j’avais
le même passif que ma mère » 89-5 ; « Il y a peut-être une faiblesse génétique » 89-4.
« on a eu des bons résultats, il n’y avait pas lieu de s’inquiéter après, il y toujours un peu
d’angoisse, tant que l’on n’a pas eu les résultats, mais une fois que les résultats sont tombés,
il n’y avait pas lieu de s’inquiéter » 45-1 ; « On m’a demandé s’il y avait des thromboses dans
la famille, personne n’a jamais fait d’embolie, mais par contre, on a une très mauvaise
circulation du sang. Je sais que c’est autre chose, que ce n’est pas la même chose qu’une
embolie, mais enfin, pour moi c’est quand même un point de départ » 45-1 ; « Dans la famille
on est sujet aux varices » 45-4.
« Et vous faisiez le lien un peu petit peu entre la phlébite et l’embolie pulmonaire ? Ah ben oui
quand on nous a dit qu’on allait faire une recherche génétique, on s’est dit bon il n’y a pas
photo, on doit y être. Ca ne serait pas étonnant qu’on y soit même si nos parents non pas eu
de problèmes de… on n’a moins de risque que ce que l’on croyait »123-4.
Ou par exemple pour ce frère 100-5 chez qui les allégations et leurs nuances
n’écartent finalement pas le risque « vous vous sentez tranquille ? Oui, bien sûr, enfin, selon
leurs dires, moi je me confie à eux » 100-5 ; « vous ne vous sentez absolument pas impliqué
dans cette maladie, pour vous non ? Jusqu’à présent non, c’est ce qu’on m’a dit, quoi, mais
ça n’est peut-être pas vrai, ça peut peut-être se déclarer maintenant, non ? »100-5 ; « on m’a
fait une prise de sang, et on m’a dit que je n’étais pas atteint par le truc d’hérédité,
apparemment quoi… »100-5risque donc au préalablement intégré sur la double notion du
gène, et du terrain d’insuffisance circulatoire « dans les suites d’un accouchement, elle a fait
une phlébite, et ma mère a fait aussi, donc il y a le gène qui est là, mais je pense qu’on a le
système veineux un peu défaillant chez nous, je pense c’est ça » 100-5 ; « Je sais qu’elle avait
de très mauvaises jambes… » 100-5. On constate néanmoins que ce frère n’envisage pas de
risque pour ses enfants, et ceci malgré l’apparente conviction d’une susceptibilité familiale
pour la MVTE « et avez-vous discuté dans votre famille de précautions particulières à
prendre ? Non, non, non, mes enfants ma fille, non, non… » 100-5.
En d’autres termes, les résultats négatifs n’éliminent pas radicalement la perception
du risque dans la famille, le doute persistant donc souvent quand il est reconnu qu’un
39
caractère reste transmissible dans la famille. Ils paraissent donc moins importants que l’idée
antérieurement développée, de ce « quelque chose » qui se transmet, cette idée étant bien
partagée dans les familles.
En conséquence, les familles ne développent pas moins d’inquiétude pour leurs
enfants en cas de tests négatifs. Par exemple 45-1 s’inquiète des céphalées de ses enfants ;
89-5 mentionne les varices de sa fille ; 110-7 se préoccupe d’un autre dépistage du risque
pour sa fille.
Enfin, ces résultats négatifs peuvent être relativisés tout simplement par un certain
fatalisme « Et pour vous-même, vous pensez que ça pourrait vous arriver aussi également ?
Peut-être oui, pourquoi pas, oui, ça peut arriver à n'importe qui, je crois, personne n'est à
l’abri » 37-5 ; « Si ça arrive aux autres, pourquoi pas à moi, c’est comme le cancer vous
savez » 100-5.
A noter que cette sœur 123-4, se dit avoir été très rassurée par ces résultats, alors
même qu’elle continue à développer l’idée que sa famille est à risque par ailleurs. (Elle prend
du Kardégic® et sait qu’il faut qu’elle prévienne que sa famille est à risque …). A noter aussi
que ses propos sont avancés en dépit même des explications rassurantes délivrées par
l’équipe médicale lors de l’étude quant au risque dans ces familles.
c)
Au final
Au final, il n’existe pas dans notre corpus d’homogénéité quant à l’inquiétude
développée lorsque les résultats sont positifs, et à l’inverse quant à la réassurance en cas de
négativité, l’idée du risque étant finalement déjà présente avant l’intégration de ces
résultats, et ceci est valable aussi pour l’idée de la transmission aux enfants. En d’autres
termes, l’impact de ces résultats est limité, car les familles ont déjà élaboré leurs propres
idées autour du risque.
Néanmoins ils sont quand même au moins en apparence intégrés pour 45-1, famille
123, et 100-5, peut-être à cause de la réassurance qu’apportent naturellement les résultats
40