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1.2 Une histoire de la banque…

1.2.3 De 1930 au milieu des années 80 : les banques administrées

1.2.3.2 L’industrialisation du système bancaire

Face à l’embellie économique, les pouvoirs publics assouplissent la réglementation bancaire

Des années 50 aux années 75, le développement des banques s’opère selon un mode extensif, par investissement sous forme de création de guichets. L’environnement économique se modifie profondément et la France connaît, à partir du début des années 60, une période de forte croissance : « à consommation de masse, crédit de masse ». La « bancarisation » des ménages et le développement du recours au crédit accompagnent en effet la diffusion de biens durables (automobile, réfrigérateur, télévision…), élargie à de nouvelles couches sociales, ainsi que la construction massive de logements, en location ou en accession à la propriété. C’est le début de la « troisième révolution bancaire » (Bonin, 1992, p.217 et 221). Jean-Marc Le Gall utilise à plusieurs reprises, pour décrire cette période, le terme de « modernisation » (Le Gall, 1978, p.31 et 32). Les pouvoirs publics décident d’assouplir la cadre réglementaire dans le but de favoriser l’expansion des banques pour répondre à la demande croissante de

crédits. Ils mettent en place une série de réformes dans les années 1966 et 1967. Ces aménagements de la loi de 1945 entraînent le développement des prémices d’un climat de concurrence en libérant l’ouverture des guichets et le regroupement des établissements. « L’évolution économique et sociale conduit à la bancarisation pour tous et fait entrer le « service public bancaire » dans l’univers des droits fondamentaux du consommateur et du citoyen » (Zollinger, Lamarque, 1999, p.22). « Les succursales et les agences de quartier se multiplient (…). Le monde bancaire devient plus présent, plus visible dans le paysage urbain, et par-là même plus accessible » (Grafmeyer, 1992, p.92-93)1. « Les réseaux d’agence quadrillent le territoire pour « bancariser »2 les ménages sur la base d’un nombre très réduit de produits » (Gadrey, 1994c). Cette massification de l’ouverture de comptes est d’autant plus nécessaire que la mensualisation des salaires se généralise en 1970.

Dès 1957-1958, les ancêtres de nos ordinateurs font leur apparition dans les banques (Verdier, 1985b, p.66), pour suppléer à des équipements mécanographiques3 qui ne peuvent satisfaire l’augmentation des informations à traiter, consécutive au développement bancaire en cours. Il s’agit de calculatrices électroniques, travaillant sur des bandes continues perforées directement par des machines à écrire et à calculer, lors de l’enregistrement de l’opération, et munies de « mémoires magnétiques ou électroniques » (Bonin, 1992, p. 215)4. Dans un premier temps, cet informatique ne modifie pas l’organisation du travail antérieure.

Les dispositions des réformes des années 60 atténuent également, jusqu’à les rendre peu significatives, les différences entre banque de dépôts et banque d’affaires. D’une part les banques d’affaires ne sont plus soumises à aucune restriction en matière de recherche de dépôts5 et, d’autre part, les banques de dépôts ne sont plus limitées en matière de participations6. Ces dispositions manifestent la volonté des pouvoirs publics d’accroître la concurrence entre les différentes banques. Le but est d’aboutir à la création d’entreprises de taille internationale, capables de lutter en interne comme en externe contre les concurrents étrangers. Ce mouvement s’accompagne de la disparition de nombreuses petites banques de dépôt (locales ou régionales) et d’affaires (Cossalter, 1990, p.9).

1 Le nombre de guichets bancaires permanents (hors caisses d’épargne, mutuelles et coopératives) passe de 4.925 en 1967, à

9.778 en 1981 ; le nombre de comptes passe de 12,2 millions en 1970 à 21,4 millions en 1977 (Guelaud, Pitrou, 1986, p. 86).

2 Entre 1960 et 1975, le taux de « bancarisation » des particuliers passe de 35% à 90% (Cossalter, 1997). Fin 1988, 99,4% des

individus majeurs sont clients d’un établissement de crédit (Simon, 1991, p.5).

3 Ces équipements ont été mis en place à partir des années 1910, avec les machines à écrire, jusque dans les années 1930,

avec les machines électrocomptables à cartes perforées (Bonin, 1992, p.211 et 214). Un « banquier » du début du XXème

siècle (Morin, discours de 1932 ; 1992), affirmait notamment, « L’employé de banque moderne est standardisé. Son type n’est plus individualisé mais fait en série. Il est syndiqué, fait du sport, prend des douches, s’exprime avec assurance et a élargi ses idées et son esprit. Il n’est plus calligraphe, mais tape sur une machine à écrire ; il ne bat plus le record de l’addition, mais la solutionne par la machine à calculer ; il ne gratte plus du papier mais se sert de la machine à comptabiliser ».

4 La Société Générale accueille en 1963 son premier gros ordinateur.

5 Le décret du 25 janvier 1966 les autorise à ouvrir des comptes à tout déposant, qu’il s’agisse de personnes physiques ou de

personnes morales.

Enfin, en juin 1967, le marché monétaire, jusque-là réservé aux seules banques, est ouvert par décision du Conseil National du Crédit aux compagnies d’assurances, caisses de retraite et autre institutions para-financières, sur le modèle anglais et américain (Bouvier, 1973, p.98). Désormais, ces entreprises peuvent intervenir en tant que prêteurs et emprunteurs sur le marché monétaire.

Un modèle d’organisation bureaucratique

Dans les années 60-70, dans les grands établissements bancaires classiques, le modèle d’organisation bureaucratique domine. Il s’agit d’une « Bureaucratie Mécaniste » au sens de Mintzberg (1982, p.281-307) car elle est essentiellement basée sur la standardisation des procédés de travail et évolue dans un environnement simple et, malgré la croissance de la concurrence interbancaire, relativement stable. Les tâches et responsabilités sont rigoureusement définies par de nombreuses règles et procédures, le contrôle et les pouvoirs de décision sont largement centralisés, dans ces structures de grande taille. Cette période représente la phase d’industrialisation de la banque. Les réformes développées « font appel à certaines applications de l’approche système (théorie de la gestion des flux) dans l’étude des problèmes de relation entre la production et la commercialisation, et la conception d’ensemble intégrés de production et de distribution, saisis au travers d’un mode de gestion des coûts » (Cossalter, 1990, p.15). Des services standards prennent la forme de quasi-produits à partir de système techniques lourds et centralisés ; le système d’offre tend à se massifier (Gadrey, 1992, 1994c, 1999), même si les banques peuvent être considérées comme des firmes « mono produit » vivant exclusivement de la vente de crédit jusqu’à la fin des années 70 (Daley, 2001 ; Pastré, 1985, p.93).

Dans l’euphorie des années qui suivent les lois de 1966-1967, les banques recrutent du personnel en masse afin de traiter des tâches administratives croissantes, lourdes et répétitives1. Ce nouveau personnel est principalement affecté dans les services centraux (au siège) et dans les grands centres de traitement administratif, pour traiter des quantités « industrielles » de moyens de paiement. « La centralisation des opérations administratives a occasionné en soi une rupture dans le continuum de tâches qui traditionnellement constituait le métier de l’employé de banque, dont la maîtrise exigeait un assez long apprentissage sur le tas : l’osmose qui caractérisait le travail commercial au guichet et le suivi administratif des opérations qui y étaient initiées est brisée par une spécialisation renforcée dans l’administration ou le commercial » (Verdier, 1980b). Cela vaut toutefois surtout pour « les employés chargés de vendre et de traiter les produits standardisés, c’est-à-dire, pour

1 Entre 1966 et 1981, l’accroissement des effectifs (hors caisses d’épargne, mutuelles et coopératives) est de 72% (Guelaud,

simplifier, destinés aux ménages. Par contre, la spécificité de l’activité de l’employé de banque demeure dans les services chargés de la gestion des produits destinés aux entreprises » (ibid., 1980b). Les commerciaux sont en outre, à ce moment là, largement dominés sur les plans quantitatif et symbolique par ces administratifs « des services de production ». Cette scission administratif/commercial perdure jusqu'au milieu des années 80. La banque des années 60 est encore très largement basée sur la civilisation du support papier et du traitement impersonnel. « La culture de l’agent de banque en contact clients, « le commercial », [n’est] d’ailleurs pas exempte d’une conception routinière teintée de la vision du monde de ses collègues administratifs. Cela [résulte] de la configuration du marché de l’époque : il [suffit] presque d’attendre le client à la recherche de produits financiers standards » (Dressen, Roux- Rossi, 1996c, p. 31). Les commerciaux de l’époque sont d’ailleurs relativement polyvalents en raison du faible nombre et de la simplicité des produits qu’ils ont à vendre.

La fermeture du marché interne du travail1

La culture traditionnelle de la branche, objectivée par une Convention Collective datant de 1952, très avantageuse par rapport au Code du travail, offre toutes les caractéristiques d’un marché interne du travail très typé2, c’est-à-dire, un ensemble de règles organisant l’accès à l’emploi, les mouvements de ce dernier à l’intérieur de l’entreprise, ainsi que les pratiques de rémunérations. Les éléments constitutifs de ce marché interne ont été, à plusieurs reprises, mis en avant (Petit, Vernières, 1990 ; Grafmeyer, 1992 ; Dressen, Roux-Rossi, 1996c). Dans les années 60, la main-d’œuvre qualifiée disponible sur le marché externe est encore rare. Les employeurs sont incités à trouver en interne les ressources dont ils ont besoin. Ils mettent en place le système de formation professionnelle nécessaire à leur politique de fidélisation et de promotion des salariés. En effet, à la différence d'autres secteurs d'activités comme l'automobile, les directions ont intérêt à former et fidéliser un personnel dont l'activité, relativement stratégique, est de gérer de l'argent. Ainsi, les recrutements se font en bas de l’échelle de classification3, auprès de personnes très jeunes, ayant un bagage scolaire modeste,

1 Dans son habilitation à diriger les recherches, Marnix Dressen (2004c, p.81) s'interroge pour savoir s'il vaut mieux parler

d'un marché du travail interne ou fermé en ce qui concerne la banque. Pour l'auteur, recourir à l'adjectif fermé met mieux en évidence la distinction fondamentale entre insiders et outsiders, de part et d'autre d'une clôture dont il décrit la construction. « Cela semble avoir plus de sens de réflechir sur la dialectique ouverture/fermeture des barrières, que de raisonner autour de la dialectique internalisation/externalisation des règles de transaction ». Pendant longtemps le marché du travail bancaire a donc été « fermé vers l'extérieur et réglé à l'intérieur puisque l'opposition n'est pas seulement dans le dedans et dans le dehors, les marchés du travail fermés régulant aussi l'allocation des emplois entre les insiders, i.e. définissent les règles qui doivent prévaloir en matière d'organisation de la file d'attente devant les bonnes places ». Mais malgré ces précautions langagières, l'auteur continue toutefois, à plusieurs reprises, d'utiliser le terme de marché interne du travail dans le corps de son mémoire, preuve que l'organisation sociale de la banque précédant le milieu des années 80 peut être considérée comme un marché interne du travail fermé.

2 Les premières réflexions d’un chercheur français concernant la construction de marché interne de l’emploi sont constituées

par les travaux de Rolland Guillon (1970) reprenant les ouvrages de chercheurs américains, de la fin des années 60, tels que Perrow, Woodward, Kerr, Doeringer, et Freedman.

3 La Convention Collective de 1952 prévoit une grille de classification comportant trois catégories de personnels : les

bien souvent le seul CEP (Certificat d’Etudes Primaires), puis, plus tard, le BEPC. La banque est alors leur premier employeur et pour beaucoup le seul qu’ils connaîtront tout au long de leur carrière professionnelle. De telles pratiques contribuent à la construction d’un « esprit maison ». Ces salariés sont en majorité des salariées ayant un niveau scolaire inférieur en moyenne à celui de leurs collègues masculins et une ancienneté par la suite plus importante qu’eux. Si la tendance générale est celle de l’existence d’une « promotion sur le tas », il existe toutefois des disparités entre les sexes. Les femmes, recrutées en plus grand nombre qu’auparavant depuis la Première Guerre mondiale, doivent en effet « manifester davantage de qualités et d’ambition que leurs collègues masculins pour progresser » (Guelaud, Pitrou, 1986, p.95). En outre, elles sont plus souvent encore cantonnées dans des emplois administratifs où la promotion est moins rapide et plus limitée que dans le secteur commercial.

L’évolution dans la grille de classification est possible grâce à l’ancienneté, mais également si le salarié suit une formation professionnelle bancaire et obtient un diplôme. « Les cours de banque offrent en effet l’opportunité d’un complément de formation immédiatement monnayable, après une scolarité souvent médiocre, qui n’a pas toujours laissé de bons souvenirs, mais qui était tout de même suffisante pour que les intéressés aient le désir et les moyens de saisir ce qu’ils présentent volontiers (…) comme une sorte de "deuxième chance" » (Grafmeyer, 1992, p.78). Il y a donc possibilité, pour les salariés volontaires, patients et sachant saisir les occasions qui s’offrent à eux (Dressen, Roux-Rossi, 1996c, p.48), de réaliser des carrières ascendantes non négligeables, de « gravir les échelons » (Grafmeyer, 1992, p.184). C’est ainsi que la grande majorité des salariés accédant à des postes de responsabilité sont des cadres « maison », « issus du rang ». Mais si, en théorie, tous les salariés peuvent s’inscrire à des formations qualifiantes, certains sont sollicités par la hiérarchie, surtout ceux exerçant des responsabilités d’encadrement, et d’autres doivent exprimer sans faiblir leur motivation à se former (Dressen, Roux-Rossi, 1996c, p.121). C’est le cas là encore des femmes, qui ne sont pas prioritaires aux yeux des directions dans l’ordre des départs en formation, en raison du « risque maternel » qu’elles représentent (Guelaud, Pitrou, 1986, p.95). Dans les faits, elles ont du mal à suivre des cours parfois loin du domicile et beaucoup de difficultés à ajouter une formation à leur travail personnel et aux charges familiales qui pèsent bien souvent exclusivement sur elles.

Le mode de calcul de la rémunération permet également d’étayer l’idée selon laquelle le secteur bancaire est organisé sur la base d’un marché interne du travail très typé. La rémunération des salariés est en effet le produit entre un indice correspondant au niveau atteint dans la grille classification et la valeur du « point bancaire », réévaluée chaque année

(65% du total des salariés du secteur en 1968 (Chenu, 1990, p.74 ; source : Enquêtes sur la structure des emplois, 1968 – 1987 (déclarations des employeurs)).

par négociations entre les représentants de la profession. A chaque catégorie d’emploi est attribué un coefficient hiérarchique exprimé en points, auxquels s’ajoutent chaque année des points d’ancienneté et des points personnels. S’y adjoignent des points de diplôme et d’âge. L’ancienneté de chaque salarié régit donc en partie l’augmentation de salaire. Ces automatismes garantissent aux salariés une gestion en grande partie basée sur des procédures impersonnelles de leur parcours professionnel qui rapprochent la banque de la culture de la fonction publique (Dressen, Roux-Rossi, 1996c, p.48). Le supérieur hiérarchique direct conserve toutefois un rôle important sur le déroulement de la carrière des salariés qu’il encadre au travers de l’octroi des points personnels, ainsi que des propositions de formations et de promotions qu’il formule (Guelaud, Pitrou, 1986, p.122). A un même coefficient correspond donc plusieurs niveaux de salaires. Il existe ainsi déjà un début de politique d’individualisation du salaire (Dejonghe, Gasnier, 1990).

Dès la fin des années 60, l’informatique se généralise. Elle apparaît comme le moyen le plus adéquat pour améliorer la qualité des services rendus et notamment la rapidité de leur réalisation (Verdier, 1985b, p.68). Elle consiste en une juxtaposition d’applications permettant d’effectuer des traitements de masse tout en conservant les structures existantes des organisations (Cossalter, 1984 ; Bruand, 1986). Ce faisant, elle soutient la rationalisation industrielle en cours dans le secteur, notamment en permettant le développement de la standardisation des produits. Durant les années 70, se met en place une centralisation des données informatiques (Guelaud, Pitrou, 1986, p.116 ; Gadrey, 1992, p.98). Dans l’immédiat, les avancées technologiques n’ont pas d’incidences notables sur les effectifs. En effet, l’expansion du secteur se poursuit et de nouvelles embauches sont nécessaires pour absorber la forte croissance du nombre d’opérations et en particulier du nombre de chèques à traiter. L’utilisation de l’informatique amplifie néanmoins le processus de centralisation des tâches administratives (Le Gall, 1978, pp.53-64 ; Verdier, 1980b). Elle enferme la masse des administratifs dans des tâches peu valorisantes (Cossalter, 1997). On parle alors des « OS de la paperasse » (Dressen, Roux-Rossi, 1996b)1, des « OS du tertiaire » (Verdier, 1985a), selon une métaphore forgée par la contestation massive, en 1974, des salariés de la banque, à propos de la remise en cause de l’organisation scientifique du travail, au sens taylorien du terme (Le Gall, 1978, p.46 et p.105 ; Adler, Dubrulle, 1980, p.56). En parallèle, l’informatisation suscite un besoin d’emplois spécifiques qui ne peut être que très peu couvert par la reconversion du personnel en place (Grafmeyer, 1992, p.94).

La mobilisation syndicale dans la banque est surtout le fait des employés des grands centres administratifs (Leclercq, 1983). La grève de 1974 naît en février au Crédit Lyonnais et s'étend progressivement aux salariés des autres établissements. Ses causes sont essentiellement de deux ordres : la politique de blocage des salaires et la détérioration des

conditions de travail. Dans ses formes d'action, le mouvement est marqué par l'« esprit de mai 1968 » (Moussy, 1992) : assemblées journalières du personnel, comités de grève, commissions associant le plus grand nombre, occupations de locaux, manifestations nombreuses. Cette période marque la présence, dans le milieu employé bancaire de certaines grandes villes, d'un courant militant d'extrême-gauche.

A partir de 1970, avec le déclenchement de la crise économique internationale, les contraintes de rentabilité et d’efficacité administrative et commerciale ne cessent de peser plus fortement dans la banque. De plus, la concurrence entre banques classiques et organismes mutualistes et coopératifs est acharnée. L’instauration de l’encadrement du crédit, en 1972, pour enrayer la montée de l’inflation, bloque la concurrence en volume1. Mais dans un premier temps, les banques, en raison de leur rôle d’intermédiation, sont beaucoup moins affectées par la crise que la plupart des autres activités économiques et leurs résultats connaissent une relative stabilité de 1974 à la fin de la décennie (Grafmeyer, 1992, p.95). Elles enclenchent toutefois un processus de rationalisation de leurs structures qui ont parfois connu un développement trop rapide. Cela passe principalement par la création de guichets en nombre plus limité, voire la fermeture de certains (Verdier, 1985a). Plusieurs conflits sociaux (1978, 1989) démontrent l'inquiétude des salariés quant à leur devenir en terme d'emploi.

Si avant la crise de 1929 les contacts et les influences réciproques entre responsables publics et dirigeants des grandes banques ne manquaient pas, cette récession marque le début d’une véritable période interventionniste visant à limiter les faillites bancaires et à soutenir la politique keynésienne de l’Etat. Des années 60 au milieu des années 80, période de forte croissance économique, l’activité bancaire se libéralise quelque peu, mais toujours sous l’impulsion des pouvoirs publics. La concurrence entre les établissements de crédit est croissante, mais organisée. Les banques assurent une fonction de service public, modulée au gré des priorités économiques définies par les pouvoirs publics. La fermeture du marché interne du travail bancaire est la conséquence de la situation du marché externe sur lequel le niveau de formation demeure très bas. Une fois entrés dans la banque, les salariés évoluent dans un environnement professionnel stable et protégé. C’est une époque où l’activité bancaire se fait surtout dans les centres administratifs qui gèrent directement et de façon industrialisée les conséquences de la récente bancarisation des ménages.

1 L’encadrement du crédit consiste à contingenter, par voie réglementaire, le taux de croissance des encours de crédits

distribués par les banques. Son effet sur les banques est le suivant : « On considère trois banques ayant des perspectives de croissance différentes. La demande de crédit adressée à la première banque stagne (0% de croissance), celles qui sont adressées à la deuxième et à la troisième progressent respectivement de 5% et 10%. Les autorités fixent un taux de croissance des crédits plafonné à 5% par an à chaque banque. La troisième banque, la plus dynamique, se retrouve donc bloquée dans son développement, elle ne peut répondre qu’aux 5% de demandes supplémentaires. Les 5% restants, qui ne trouvent pas de crédit, restent soit insatisfaits, soit ils sont récupérés par la banque la moins active. Les autorités organisent ainsi la concurrence » (Daley, 2001). L’encadrement du crédit est atténuée en 1984 et formellement supprimé en 1987, exacerbant la concurrence dans le domaine de la collecte des capitaux et la distribution des prêts (Dressen, Roux-Rossi, 1996c, p.23).

1.2.3.3 La pénétration progressive des logiques de marché orchestrée par les pouvoirs

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