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Du VI ème siècle avant Jésus-Christ au XV ème siècle : les banquiers marchands

1.2 Une histoire de la banque…

1.2.1 Du VI ème siècle avant Jésus-Christ au XV ème siècle : les banquiers marchands

La notion de banque, d’origine religieuse1, est très ancienne. Dès le VIème siècle avant Jésus Christ, les trésors des temples grecques de Delos permettent en effet aux prêtres d’octroyer des prêts. L’apparition de la monnaie métallique, invention attribuée à Phidon, roi d’Argos (Descamps, Soichot, 2002, p.24), confère ensuite, de par la diversité des pièces en circulation, un rôle important aux orfèvres, changeurs et collecteurs d’impôts. Leurs contemporains déposent chez eux une partie de leur fortune. Ils sont alors enclins à en tirer profit en distribuant des prêts d’une durée plus ou moins longue. Le commerce de l’argent devient une affaire de spécialistes. Un nouveau personnage apparaît dans la société humaine : le banquier, qui sert d’intermédiaire entre les détenteurs de richesses et les emprunteurs.

5ème édition mise à jour ; Jean Rivoire (1992), Histoire de la banque, PUF, Que sais-je ? 2ème édition mise à jour ; Claude J.

Simon (1991), Les banques, Collection Repères, Editions La Découverte.

1 Nous pouvons ici faire un lien entre l'origine religieuse de l'activité bancaire et l'influence de la religion protestante sur la

Les changeurs se fixent surtout à Athènes où la liberté des taux d’intérêts est reconnue. Ils installent une table sur l’Agora ou sur les marchés, d’où leur nom de trapézites1. Ils constituent en quelque sorte les premières banques privées et remplissent la plupart des fonctions de la banque moderne : dépôts, crédit, change, création de monnaie scripturale (par l’existence de comptes courants et la transférabilité des sommes qui y sont inscrites). Les

trapézites travaillent avec les commerçants et les citadins, alors que les paysans et les

pouvoirs publics se tournent plutôt vers les prêtres des temples. Pour combattre l’usure et se soustraire à l’influence d’Athènes et de Delos, plusieurs cités grecques décident, à partir du IVème siècle avant Jésus Christ de constituer des banques publiques administrées ou contrôlées par des fonctionnaires. Très tôt donc la présence de l'Etat s'observe dans cette activité.

Peuple d’agriculteurs plus que de commerçants, les Romains sont tout d’abord peu attirés par les activités bancaires. Suite aux conquêtes militaires, apparaissent, sur le modèle grec, des banquiers privés, des argentarii, installés au forum, et des banques publiques, mensae, disposant d’une caisse centrale à Rome. Les manieurs d’argent, ou negociatores, suivent les légions romaines ou les précèdent, cherchant toutes occasions d’affaires. Ils « ne sont pas à proprement parler des banquiers, puisqu’ils ne collectent pas de dépôts » (Rivoire, 1992, p.10) Les banques continuent de prospérer à Byzance où le commerce international est très actif. Malgré les origines religieuse de la banque, les chrétiens s’en prennent à son fondement même, le taux d’intérêt, et l’Occident fait écho sans réserve aux réticences de l’Eglise. En 789, Charlemagne étend aux laïcs l’interdiction du prêt à intérêt. Mais des Juifs chassés de Palestine développent en Occident, sans suivre les lois de la société chrétienne, le prêt sur gage2. Dans les campagnes, se sont les monastères qui jouent le rôle de banquiers et assortissent leur prêt de garantie foncière. Le repli de l’économie sur elle-même au cours du haut Moyen Age (du VIIIème au XIème siècle) et l’insécurité font reculer les institutions bancaires.

Du XIIème au XIVème siècle, le commerce de banque se développe en Europe occidentale grâce aux hommes d’affaires d’Italie du Nord. De nombreuses méthodes mises au point à cette époque subsistent jusqu’au tournant du XXème siècle, comme la lettre de change. Les banquiers italiens, appelés tavolieri3 ou bancherii4, conservent souvent une activité de commerce de marchandises de toutes sortes, comme la laine ou la soie, réalisée à l’exportation et à l’importation sur une échelle internationale. Au niveau financier, en plus du commerce des lettres de change, ils acceptent les dépôts et opérations de crédit, participent à plusieurs « sociétés », pratiquent l’assurance concernant à l’époque principalement la protection des navires marchands. Les relations entre ces « banquiers – marchands » et les

1 Trapézite signifie table en grec.

2 Prêt avec intérêt accordé contre le dépôt d'un bien. 3 Tavolieri vient de tavola qui désigne la table du changeur.

4 Bancherii est tiré du mot banco qui désigne le banc du changeur. Lorsqu’un homme d’affaires manquait à ses engagements,

autres commerçants et hommes d’affaires reposent essentiellement sur la notoriété des uns et des autres. La constitution d'un réseau de relations est donc déjà central dans la pratique bancaire.

Au Moyen Age, ces banquiers italiens rayonnent vers toutes les grandes villes d’Europe occidentale où ils sont désignés sous le nom de lombards. Outre le financement du négoce, ils accordent des prêts aux particuliers, uniquement les plus aisés (principalement des prêts à la consommation à court terme) et, quand l’occasion se présente, aux pouvoirs publics. Ils concurrencent également les juifs dans le domaine du prêt sur gage. Les changeurs apparaissent en Europe à cette époque et pratiquent uniquement, dans un premier temps, le change de monnaie et le commerce des métaux précieux, dont ils déterminent le prix. Par la suite, ils acceptent les dépôts et les réinvestissent dans des prêts. Le changeur européen devient donc, petit à petit, prêteur, c’est-à-dire banquier (Moschetto, Rousillon, 2003, p.4).

Nous observons donc des liens étroits entre commerce et finance durant cette période. Les grandes affaires ne sont cependant qu’une couche superficielle de cette économie médiévale qui demeure fondamentalement rurale, même si elle devient de plus en plus artisanale dans les villes. Mais pour Jacques Le Goff (1993, p.41), le « banquier - marchand », par la masse d’argent qu’il manie, par l’étendue de ses horizons géographiques et économiques, par ses méthodes commerciales et financières, est déjà un capitaliste.

Toutefois, la relative lenteur de l’essor de la banque, qui perdure jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, peut sans nul doute principalement s’expliquer par le fait que l’argent n’est pas, durant cette période, le principal moyen de paiement existant. De nombreux autres moyens d’échanges locaux sont utilisés : sel pétrifié, houes, tabac, écheveaux de coton, etc… (Simmel, 1977, p.158 et 200). L’usage de l’argent ne devient indispensable qu’avec l’expansion du commerce international puis, plus tard, l'industrialisation de l'économie.

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