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L’indiçage contextuel dans des scènes du monde réel

Chapitre III : L’indiçage contextuel

4. L’indiçage contextuel dans des scènes du monde réel

4.1. L’indiçage contextuel dans des scènes systématiquement répétées

L’indiçage contextuel a récemment été exploré à partir de scènes du monde réel. Dans ce cadre, les travaux de Brockmole et Henderson (2006a) montrent comment la recherche d’une

cible arbitraire peut être rapidement facilitée lorsqu’elle apparaît dans une scène du monde réel systématiquement répétée au cours de la tâche. Au cours de cette étude, les sujets étaient invités à rechercher une lettre cible arbitraire (un T ou un L) au sein de photographies de scènes du monde réel. La moitié des scènes était systématiquement répétée au cours de chaque bloc alors que l’autre moitié n’était présentée qu’une seule fois au cours de la tâche. Le principe était donc identique à celui de la tâche princeps (Chun & Jiang, 1998), mais le contexte de la cible était ici défini par une photographie du monde réel. Les résultats sont toutefois très différents de ceux observés avec des contextes arbitraires (pour les résultats relatifs aux études de Brockmole et Henderson (2006a) et de Chun et Jiang (1998), cf. Figure 13). D’une part, les effets d’indiçage contextuel émergeaient très rapidement au cours de la tâche (5 fois plus rapidement que dans des contextes composés de « L ») et le bénéfice de recherche était 20 fois plus important que celui observé avec des affichages arbitraires. L’analyse des mouvements oculaires au cours de la recherche suggère que la répétition des essais facilite la recherche en guidant l’attention directement vers la cible : le nombre de fixations oculaires était parfaitement corrélé avec les données sur les TR. Mais surtout, les effets d’apprentissage étaient explicites. Non seulement les participants étaient à même de verbaliser l’existence de régularités relatives à la localisation de la cible dans des scènes répétées, mais en plus leurs performances dans la tâche de reconnaissance étaient très largement supérieures au hasard. Les participants manifestaient des performances de reconnaissance excellentes (97% de réponses « familier » pour des scènes anciennes contre 9% pour des scènes jamais vues). De surcroît, une tâche de génération indicée montre qu’ils étaient capables de positionner la cible de manière relativement précise au sein des scènes répétées (les erreurs de localisation étaient en moyenne de 1.7cm pour les scènes anciennes répétées contre 9.3cm pour les scènes vues une seule fois au cours de la tâche).

Figure 13. A gauche : Résultats observés par Brockmole et Henderson (2006a) à partir de scènes du monde réel. A droite : Résultats observés dans l’expérience princeps de Chun et Jiang (1998) à partir de

configurations spatiales. Adapté de Brockmole et Henderson (2006a) et de Chun et Jiang (1998)

4.2. Pourquoi les performances sont-elles différentes dans les scènes du monde réel ?

Quelles sont les raisons de ces différences sensibles entre les tâches de recherche utilisant des contextes artificiels et des contextes « plus naturels » ? Selon Brockmole et Henderson (2006a), en favorisant la prise de conscience des régularités contextuelles, les indices sémantiques présents dans les photographies du monde réel faciliteraient leur encodage et leur récupération. En faveur de cette hypothèse, lorsque les scènes étaient inversées par rapport à un axe horizontal, le nombre moyen de répétitions nécessaires pour observer les mêmes performances d’indiçage était environ deux fois plus élevé. L’inversion des scènes rendant plus difficile l’accès à leur sémantique, ce résultat offre un argument en faveur d’une hypothèse selon laquelle les effets précoces d’indiçage contextuel observés avec des scènes du monde réel sont au moins en partie basés sur les caractéristiques sémantiques de la scène.

Brockmole et Henderson (2006b) ont testé autrement cette hypothèse en explorant la nature de l’information scénique utilisée pour guider l’attention vers les localisations connues de la cible. Pour ce faire, ils ont testé si les scènes étaient plus précocement représentées en termes de leur identité/signification générale ou en termes de l’arrangement spécifique de leurs propriétés visuelles. La tâche était la même que celle utilisée par Brockmole et Henderson (2006a), mais une phase de transfert était implémentée. Au cours du transfert, les scènes apprises étaient inversées selon un axe vertical. Ainsi, l’identité de la scène était préservée mais l’organisation spatiale des objets était changée, décalant la position de la cible

par rapport au cadre égocentrique de l’observateur. Lors de l’inversion en miroir d’une scène apprise, les yeux des observateurs se portaient initialement sur la position ancienne de la cible, comme si l’inversion en miroir de la scène n’avait pas été détectée par les participants. Cependant, les yeux se déplaçaient rapidement vers la nouvelle localisation de la cible. L’attention serait donc en premier lieu guidée par la reconnaissance de l’identité globale de la scène, sans référence à l’arrangement spatial spécifique des traits visuels. Mais rapidement, la reconnaissance d’autres informations visuelles locales telles que les traits visuels ou l’identité des objets individuels réorienterait l’attention au sein de l’image.

De manière peut-être plus convaincante, Brockmole, Castelhano et Henderson (2006) ont montré que l’indiçage contextuel serait davantage sous-tendu par le contexte global que par le contexte local de la cible. Lorsque le contexte local, défini par les objets adjacents de la cible était altéré durant une phase de transfert, mais que le contexte global de la scène était préservé, les effets d’indiçage contextuel demeuraient intacts. En revanche, lorsque le contexte global était altéré mais que le contexte local était maintenu constant, le bénéfice d’indiçage contextuel était totalement éliminé. Cependant, lorsque seul le contexte local ou seul le contexte global était répété au cours de l’apprentissage, des effets d’indiçage contextuel étaient observés dans les deux conditions expérimentales. Le bénéfice observé était néanmoins beaucoup plus précoce et plus important lorsque le contexte global était répété. Ces résultats sont contraires aux résultats observés avec des plages de stimuli révélant que les cibles sont plus largement associées au contexte local qu’au contexte global (Brady & Chun, 2007 ; Jiang & Wagner, 2004 ; Olson & Chun, 2002).