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L’impact du phénomène sur les dynamiques urbaines

PARTIE 1 : PROBLÉMATIQUE, QUESTIONNEMENT DE RECHERCHE ET

1.4 L’impact du phénomène sur les dynamiques urbaines

La décroissance est un phénomène qui affecte l’ensemble des dynamiques urbaines. Bien que les causes premières soient, le plus souvent, de nature économique, il n’en demeure pas moins que ses impacts se font sentir sur toutes les sphères de la vie urbaine. En ce sens, il est donc logique que l’économie, la population et les acteurs locaux d’un territoire en décroissance soient directement affectés et doivent donc interagir avec ce phénomène.

Du point de vue économique, la décroissance entraîne un déclin du marché de l’emploi et des oppor- tunités d’affaires (Leadbeater, in Pallagst et al.,2009). En effet, la désindustrialisation, entraînée par la mondialisation et le transfert des activités manufacturières dans les pays en développement, a gravement touché les régions périphériques qui souvent dépendaient de l’industrie et de l’exploitation des res- sources naturelles pour leur développement.

La fermeture de nombreuses entreprises, qui ne sont plus compétitives sur le marché mondial, se réper- cute irrémédiablement dans les autres domaines d’activités économiques. Le secteur des commerces et services est le premier touché. Les entreprises de ce secteur voient alors leur chiffre d’affaires diminuer et les plus fragiles sont forcées de fermer leurs portes. Ce phénomène provoque ainsi un « effet domino » qui engendre une dévitalisation généralisée de l’activité économique du territoire en question.

C’est ainsi que les perturbations économiques vont engendrer et être liées à la décroissance démogra- phique (Fol et Cunningham-Sabot, 2010, p.368-369). En effet, le fonctionnement de l’économie a un impact direct sur les populations et leur mode de vie. Le dynamisme de l’économie d’un territoire est un élément essentiel au développement urbain. Sans croissance économique, le développement d’un territoire devient alors stagnant. Lorsqu’un déclin commence à l’affecter, une population, aussi résiliente soit-elle, ne peut résister lorsqu’il s’échelonne sur de longues périodes.

La dévitalisation de l’économie se répercute, donc, irrémédiablement sur la structure démographique des collectivités et accentue ou génère le phénomène de décroissance démographique. En effet, les condi- tions défavorables du marché de l’emploi poussent les jeunes à migrer vers les grands centres urbains, ce qui fait que les régions en déclin perdent à la fois des habitants et des naissances à venir (Fol et Cun- ningham-Sabot, 2010, p.368-369).

Cet exode régional, que l’on peut associer au phénomène de métropolisation, jumelé avec un faible taux de natalité, souvent sous le seuil de renouvellement de la population, accentue le phénomène du vieillis- sement de la population (Florentin et al., 2009, p.6). Ces caractéristiques démographiques n’aident en rien l’activité économique qui se trouve alors entraînée dans une dynamique négative.

Au point de vue social, la décroissance économique et démographique entraîne une diminution des services à la population, qui deviennent trop coûteux à maintenir en place en raison de la diminution constante du nombre d’usagers. Ainsi, au début du cycle de décroissance, les écoles et les commerces ferment, puis s’en suit une diminution généralisée de l’offre des services, pour finalement aboutir, dans les cas extrêmes à l’abandon de quartier entier par la population. Le phénomène peut donc provoquer une paupérisation et une baisse de la qualité de vie de la population (Leadbeater, in Pallagst et al., op.cit., p.89).

La décroissance économique et la désindustrialisation nuisent également à l’environnement, dans le sens où de nombreuses friches industrielles font leur apparition. La diminution de l’activité industrielle engendre l’abandon de sites souvent fortement contaminés ce qui nuit au redéveloppement de ces es- paces. De plus, malgré la chute de la population, l’étalement urbain se poursuit parce que les gens fuient les secteurs urbains en dévitalisation (Oswalt et al. 2005). Donc, on se retrouve avec de vastes espaces vacants et dévitalisés dans le centre et une surutilisation d’espace en périphérie. Dans certains cas, il est même possible de constater un développement urbain de type « trou de beigne », où les secteurs centraux sont délaissés progressivement au profit des zones périphériques.

Pour ce qui est de l’aspect politique, dans un contexte de décroissance, les élus sont forcés de prendre des décisions difficiles. Le contexte budgétaire devient ardu en raison de la diminution des ressources, associée, qui plus est, à une hausse des besoins de la population. (Kildee, in Streitfeld 2009) En outre, l’entretien des infrastructures existantes accapare une part croissante des ressources, ce qui rend difficile leur maintien en bon état. De plus, les élus en place tentent le plus souvent d’éviter d’entrer dans la rhétorique de la décrois- sance. Ce phénomène étant considéré comme synonyme d’échec, les élus qui désirent se faire réélire et qui sont redevables à leurs électeurs ne cherchent pas à attirer l’attention sur le phénomène de déclin qui affecte le territoire (Albecker et al., 2010, p.294). De plus, les politiques urbaines mises en place par les gouver- nements sont traditionnellement fondées sur la croissance. Cependant, comme les processus qui mènent à la décroissance sont complexes et dynamiques, ils ne nécessitent non pas de nouveaux outils pour gérer la situation, mais bel et bien un changement de paradigme (Cunningham-Sabot et al., op.cit., p.196). Selon Laurent Davezies (Rivière et al., 2010, p.225), les territoires sont actuellement considérés comme des sup- ports à la croissance et cette fonction de réceptacle au développement ne devrait pas supplanter leurs autres fonctions. Ils sont autant des supports de redistribution de la richesse, de mobilité, de consommation, etc. Il faut considérer dans une optique de développement durable d’un territoire, l’ensemble de ses caractéris- tiques démographiques, économiques, sociales, environnementales et politiques.

Dans le cadre des formations académiques des professionnels de l’aménagement, la formation est claire- ment tournée vers l’aménagement du développement urbain, lié à la croissance des villes. En effet, le cor- pus de cours qui est offert et les matières enseignées ne font que très rarement référence au phénomène de la décroissance urbaine. Les acteurs de la ville, qu’ils soient aménageurs, urbanistes, ou bien hommes poli- tiques, lorsqu’ils sont en charge de villes en décroissance se retrouvent alors complètement démunis. Les praticiens de l’aménagement et de l’urbanisme n’ont jamais eu d’enseignement sur la façon de déconstruire une ville existante. (Albecker et al., op.cit., p.294).

« Alors que les processus de déclin urbain ont pris à la fois une ampleur croissante et de nouvelles formes, inscrivant ce phénomène dans une dynamique de plus en plus globale, leur étude peut être l’occasion d’un changement de paradigme par rapport aux analyses traditionnelles de la

croissance et du changement urbain » (Fol et Cunningham-Sabot, 2010, p.361).