• Aucun résultat trouvé

De l’humanisme au transhumanisme : continuité ou rupture ?

I. Le courant de pensée transhumaniste : mythe ou réalité ?

1.3. De l’humanisme au transhumanisme : continuité ou rupture ?

Si nous faisons ici une large place aux valeurs humanistes, ce qui peut paraître paradoxal dans une thèse d’orientation psychanalytique dans la mesure où le sujet de l’humanisme et le sujet de la psychanalyse n’ont strictement rien en commun, comme nous aurons l’occasion de le voir, c’est que cet examen nous a paru indispensable dans le cadre de notre étude du transhumanisme. En effet, au delà de l’histoire du mouvement, nous avons accordé une attention toute particulière au discours tenu par les transhumanistes, un discours que le simple bon sens ne peut que considérer comme utopique (il y a effectivement fort peu de chances que 2035 signe le début du téléchargement des esprits), mais qui masque des pratiques bien réelles qui elles, ont un impact décisif sur les sujets contemporains, impact dont l’étude est au centre de ce travail. Notre démarche a donc été de souligner le côté mythique de ce discours, en mettant en évidence l’impossibilité de réalisation des promesses comme des menaces que véhicule l’idée de Singularité. Dans un second temps, nous avons tenté de mettre en évidence que la tentative effectuée par les nouveaux transhumanistes de s’inscrire dans une lignée anthropologique bien établie, selon le principe qui est le leur du déjà là, en l’occurrence le

déjà là d’un homme hybridé à sa technique était sans fondement.

Nous nous attaquons ici à un autre argument, toujours sous forme de déjà là, un argument qui, notons-le est d’apparition tardive, soit la troisième époque et l’euphémisation des propos qui l’accompagne, et qui situe le transhumanisme dans la filiation directe des Lumières. Il s’agit d’une filiation valorisante et rassurante car au plus près de la considération de l’humain comme le centre et le sommet de la Création, accompagnée de valeurs comme la liberté ou l’égalité, qui toutes vont à l’encontre de ce qui est reproché aux transhumanistes, soit la réification de l’humain en question. L’argument des transhumanistes est en effet de tenter de démontrer que les avancées des technosciences sont telles que le paysage humain s’en voit radicalement transformé, mais que les valeurs fondamentales traditionnelles sur lesquelles l’humanité se fonde n’en sont en rien affectées. C’est ce que nous contestons. Nous allons donc ici tenter de démontrer que le transhumanisme n’a rien d’un humanisme et que ce ne sont pas les moyens qui ont changé, mais bien la vision du monde et de l’humain qui est devenue scientifique et réifiante, une vision qui a permis de mettre l’homme au niveau de la machine. C’est donc ceci que nous allons étudier avant d’aller à la rencontre de ce qui a rendu possible l’appréhension transhumaniste du monde, soit la cybernétique et le behaviorisme.

87

L’HÉRITAGE HUMANISTE DU TRANSHUMANISME : ÉVIDENCE OU STRATÉGIE DE DISSIMULATION ?

Le problème de la continuité entre l’humanisme et le transhumanisme pourrait bien avoir été posé par Sloterdijk233, dans sa réponse à la Lettre sur l’humanisme234 d’Heidegger. Pour

résumer brièvement cette dernière, Heidegger reproche à l’humanisme de ne se préoccuper que de l’étant, soit l’être concret, l’existant, sans se préoccuper de l’Être, véritable essence de l’homme qui se révèle dans la pensée : « dans la pensée l’Être vient au langage. Le langage

est la maison de l’Être. Dans son abri, habite l’homme »235. L’oubli de l’Être serait par ailleurs une caractéristique du monde contemporain, en particulier quand ce dernier est dominé par la technique, ce qui correspond à sa « déchéance »236 dans la mesure où

« L’homme est le berger de l’Être »237, ce qui le voue à la sauvegarde de la vérité de ce dernier. C’est ce que l’humanisme, et même les différents humanismes (marxiste, sartrien, chrétien...) auraient oublié, et seule la pensée de l’Être pourrait rendre au mot humanisme son sens historique238. Heidegger nous appelle donc à envisager une forme d’humanisme plus élevée, qui rendrait à l’homme sa dignité en le pensant dans son voisinage de l’Être.

Règles pour le parc humain239 est la réponse de Sloterdijk à la Lettre sur l’humanisme, et face à cette envolée vers l’Être, il va opposer une histoire bien plus pragmatique qui prend naissance dans « l’immaturité animale chronique de l’être humain [...] créature qui a échoué

dans son être-animal et son demeurer-animal »240. Ce serait cette seule et unique condition qui aurait précipité l’homme hors d’un lien direct avec son environnement. Or, « Cet exode

n’engendrerait que des animaux psychotiques si, en même temps que l’avancée dans le monde, n’avait pas eu lieu une entrée dans ce que Heidegger appelle la maison de l’Être »241

, soit le langage. Mais à côté de cela, l’homme construit aussi de véritables maisons, de véritables villes, il s’est sédentarisé, et Sloterdijk va alors faire appel au Zarathoustra de Nietzsche (1883) pour affirmer que les hommes sont essentiellement devenus « des éleveurs

efficaces qui ont réussi à transformer l’homme sauvage en dernier homme. Il va de soi que pareil processus n’a pu se dérouler que par des moyens humanistes, des moyens relevant de

233

Sloterdijk, P. (2000). Règles pour le parc humain. Paris : Fayard.

234

Heidegger, M. (1946). Lettre sur l’humanisme (Lettre à Jean Beaufret). Récupéré de : http://laboratoirefig.fr/wp-content/uploads/2016/04/eidegger-ettre-ur-l-umanisme-1946.pdf 235 Ibid. 236 Ibid. 237 Ibid. 238 Ibid. 239

Sloterdijk, P. (2000). Règles pour le parc humain. Paris : Fayard.

240 Ibid., p. 32.

241

88

l’apprivoisement, du dressage et de l’éducation »242

. Nous passons ici à une seconde conséquence de la prématuration de l’homme, parallèle à sa prothétisation par la technique, qui est une forme de prothétisation par la société, obligeant l’homme à subir une éducation que Sloterdijk qualifie d’élevage, et qui ferait de l’homme, avant d’être le berger de l’Être, l’éleveur de l’homme lui-même. C’est ce dressage de l’homme par l’homme comme impensé de l’humanisme que Nietzsche aurait décelé. Or, qui dit élevage dit sélection, ce qui amène Sloterdijk à s’interroger : « l’évolution à long terme mènera-t-elle à une réforme génétique

des propriétés de l’espèce – une anthropotechnologie future atteindra-t-elle le stade d’une planification explicite des caractéristiques ? L’humanité pourra-t-elle accomplir, dans toute son espèce, un passage du fatalisme des naissances à la naissance optionnelle et à la sélection prénatale ? »243.

Dans cette optique et dans cette optique seulement, la manipulation de l’homme par l’homme pourrait d’inscrire dans la suite logique de l’humanisme, même si ledit élevage fait alors appel à de tout autres moyens. De fait, Sloterdijk ne dit pas vraiment autre chose que ce que nous avons déjà vu théorisé par Arendt, à savoir que le transhumanisme s’inscrit dans la lignée d’une société de consommateurs dressée à un conformisme servile. Son originalité, et ce qui a peut être contribué au fait que ses propos ont entraîné un véritable scandale244 , est de faire remonter l’origine de cet état de fait aux valeurs humanistes, entre autres l’éducation de l’homme par l’homme. Mais ce n’est pas une telle interprétation qui est soutenue par les transhumanistes quand ils se revendiquent comme les dignes héritiers de l’humanisme, bien loin de là. Il est en effet bien plus opportun pour eux de souligner la supériorité de l’espèce humaine, sa perfectibilité, ainsi qu’une foi inébranlable dans les progrès de la science. Et il est évident que l’humanisme se prête particulièrement bien à cet exercice : en effet, la lecture de certains propos et concepts tels que la perfectibilité indéfinie de l’homme (Rousseau), l’incontournable homme maître et possesseur de la nature (Descartes), ou encore la Noosphère de Teilhard de Chardin, pour ne citer qu’eux, semblent démontrer l’évidence de cette filiation, du moins si l’on s’en tient à une interprétation purement formelle des propos, excluant tout autant le locuteur et son intention, que le contexte et l’époque, pour poser l’égalité à lui-même d’un signifiant devenu signe.

242 Ibid., pp. 36-37.

243

Ibid., p. 43.

244

Ruby, C. (2003). Biotechnologies et frontières de l’humain : les thèses de Peter Sloterdijk. Dans : Raison

présente, n°145, 2003, pp. 75-87. Récupéré de : https://www.persee.fr/doc/raipr_0033-9075_2003_num_145_1_3792

89

Nick Bostrom, philosophe et fondateur de la WTA, revendique ouvertement cet héritage :

« Le transhumanisme a ses racines dans la pensée humaniste laïque, mais il est plus radical en ce qu’il promeut non seulement les moyens traditionnels d’améliorer la nature humaine, comme l’éducation et le raffinement culturel, mais aussi l’application directe de la médecine et de la technologie »245. Ferry quant à lui relativise cette filiation en divisant les transhumanistes en deux camps : ceux qui veulent simplement améliorer l’espèce humaine sans toucher à sa nature, et ceux qui rêvent d’une post-humanité, c’est-à-dire la création d’une nouvelle espèce qui dépasserait l’homme grâce à l’hybridation avec des machines246

. Pour lui, ce serait seulement ce second courant qui serait en rupture avec l’humanisme. Quant à Hottois247 (dans un ouvrage dont la lecture est conseillée par le site H+ français), il postule que le terme de transhumanisme n’aurait pas simplement été un masque ou une manière plus acceptable de qualifier une forme d’eugénisme, mais serait issu du terme « humanisme évolutionnaire » (evolutionary humanism)248 que Julian Huxley lui-même proposait comme synonyme de transhumanisme. Un tel humanisme aurait eu pour ambition de hisser les sciences et les techniques à la hauteur des religions traditionnelles, mais en leur enlevant toute dimension spirituelle. Ainsi, « l’humanisme selon Huxley doit être naturaliste – opposé à toute

surnature – moniste – opposé à tout dualisme – et évolutionniste – opposé au statisme »249. Il s’agirait donc dans cette optique d’une extension de l’humanisme, qui s’adapterait aux avancées technoscientifiques, mais au-delà, d’une déspiritualisation de l’humanisme classique, duquel il faudrait également ôter le caractère anthropocentrique, spéciste, soit l’idée d’une nature humaine distincte de celle des animaux, et à fortiori du non vivant, même si le fonctionnement du corps peut être assimilé parfois à celui d’une machine. Nous sommes en droit de nous demander si un humanisme à ce point amputé de ses bases mérite encore ce nom...

Nous soutenons quant à nous que l’interprétation de Sloterdijk d’une manipulation de l’homme par l’homme comme suite naturelle du dressage de l’homme par l’homme, que ce

245 « Transhumanism has roots in secular humanist thinking, yet is more radicalin that it promotes not only traditional means of improving human nature, suchas education and cultural refinement, but also direct application of medicineand technology to overcome some of our basic biological limits ». Bostrom, N. (2003). Human Genetic Enhancements : A Transhumanist Perspective. Dans : The Journal of Value Inquiry, vol. 37, n°4,

2003, pp. 493-506.

246

Ferry, L. (2016). La révolution transhumaniste. Comment la technomédecine et l’ubérisation du monde vont

bouleverser nos vies. Paris : Plon. [Version Kindle]

247

Hottois, G. (2014). Le transhumanisme est-il un humanisme ? Bruxelles : Académie Royale de Belgique. [Version Kindle]

248 Ibid.

249

90

dernier trouve ou non son origine dans l’humanisme, correspond entièrement au fondement et au déroulement de fait du projet transhumaniste. En effet, pour nous, les transhumanistes cachent ce projet derrière un autre versant plus classiquement accepté de l’humanisme, qui est la promotion de l’homme, centre de la nature et de la Création. Ce serait ainsi toujours du Bien de l’homme dont on se préoccuperait, y compris lorsque l’on prône la disparition de l’espèce. Ceci pourrait bien faire partie de la grande entreprise de dédiabolisation en cours dans le mouvement transhumaniste depuis les années 2000.

Un contre-argument se pose en effet d’emblée : si nous postulions que les transhumanistes étaient les dignes héritiers des Lumières dont ils continueraient le projet, nous serions immédiatement confrontés à un problème qui est celui des moyens. Rappelons que, pour les humanistes, l’amélioration des conditions de vie en général devait découler des progrès de la science, certes, mais également de l’évolution de la société. Or, avec les transhumanistes, tout l’espoir repose sur la seule technoscience, au point que, nous l’avons vu, ils aimeraient pouvoir se passer de l’État ou du moins le réduire à sa plus simple expression. Il s’agit déjà d’une divergence fondamentale qu’il convient de garder à l’esprit tout au long de cet examen des pensées de ceux que l’on a l’habitude de citer comme les précurseurs de l’idéologie transhumaniste. Parmi ces derniers, on fait en général référence à Pic de la Mirandole (Oratio

de dignitate hominis, 1486), Francis Bacon (avec, entre autres, La Nouvelle Atlantide, 1827),

mais également Condorcet (Tableau historique des progrès de l’esprit humain, 1793), Teilhard de Chardin (L’avenir de l’homme, 1946), Descartes et son concept d’animal-machine, et bien évidemment il est également question du concept de perfectibilité de Rousseau. Étrangement, on cite beaucoup moins Julien Offray de La Mettrie (L’Homme

Machine, 1747), à l’exception notable de Bostrom lui-même qui le compte parmi les

humanistes précurseurs du transhumanisme au même titre que Pic de la Mirandole, Bacon ou encore Condorcet parmi d’autres250

. Ceci étant posé, nous allons maintenant nous proposer de voyager au cœur des idées humanistes et associées à l’humanisme pour un examen critique des propos qui justement pourraient témoigner d’une telle filiation entre humanisme et transhumanisme.

250 Bostrom, N. (2005). A History of Transhumanist Thought. Dans : Journal of Evolution and Technology, vol.

91

PERFECTIBILITÉ ROUSSEAUISTE ET PLASTICITÉ TRANSHUMANISTE

Il n’est pas entièrement faux de dire que le concept de perfectibilité tel que nous le décrit Rousseau251 contient les prémisses de celui, beaucoup plus en vogue à notre époque, de plasticité, dans la mesure où ce qui est perfectible ne peut, par définition, posséder d’essence fixe et immuable. Dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les

hommes, Rousseau définit la perfectibilité comme la « faculté qui, à l’aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans l’espèce que dans l’individu, au lieu qu’un animal est, au bout de quelques mois, ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce qu’elle était la première année de ces mille ans »252

. Par ailleurs il s’agit d’une perfectibilité en théorie « presque illimitée, [mais qui] est la source de

tous les malheurs de l’homme »253

dans la mesure où elle l’arrache à son innocence première. Nous connaissons en effet la théorie de Rousseau selon laquelle c’est la civilisation qui a corrompu l’homme, déchaîné les passions et causé la plupart des inégalités. La solution de Rousseau, nous la trouverons dans le Contrat social254, qui vise l’établissement d’une société fondée sur la justice et la raison soit une solution de nature politique. Peu de points communs donc entre la perfectibilité de Rousseau, qualité spécifiquement humaine et une malléabilité de la matière telle qu’elle permettrait d’hybrider le vivant et le non vivant dans une indistinction des frontières. Nous pourrions même dire qu’il n’y a ici qu’un lien très lointain et purement formel, dès lors qu’on prend en compte le libertarisme et l’individualisme extrême des transhumanistes qui est justement ce que Rousseau fustigeait dans le Discours de 1755, sans oublier les risques d’inégalités aggravées véhiculées par le projet transhumaniste. En résumé, là où Rousseau prône avant tout une solution politique pour améliorer les conditions sociales, les transhumanistes prônent des solutions techniques qui risquent fort de n’être que le privilège de quelques uns. De fait, on assiste à une inversion des valeurs : ce ne sont plus les avancées sociales qui sont au service de l’homme, mais l’homme qui doit s’adapter aux conditions sociales, elles-mêmes sous l’emprise d’une science omnipotente et normalisatrice, comme nous serons amenés à le démontrer.

251 Rousseau, J.-J. (1755). Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. [Version Kindle]

252

Ibid.

253 Ibid.

254

92

PIC DE LA MIRANDOLE : LIMMORTALITÉ ET LE DROIT À SE FAÇONNER SOI-MÊME EN QUESTION

Pic de la Mirandole pouvait effectivement dire, en parlant de l’homme : « Qui ne

souhaiterait, reléguant toutes choses humaines au second rang, méprisant les biens de la fortune, tenant le corps pour négligeable, devenir le commensal des Dieux dès son séjour sur terre et, gorgé du nectar de l’éternité, recevoir, quoique mortel, le don de l’immortalité ? »255

. L’essai sur la dignité de l’homme dont cette citation est extraite nous en livre le contexte, soit une interprétation de la Création qui n’est par ailleurs pas si éloignée de la faute

d’Épiméthée256

, dans la mesure où il est également question de distribuer un certain nombre d’attributs aux espèces vivantes, et que de la même manière, quand arrive le tour de l’homme,

« Tout était déjà rempli : tout avait été distribué aux ordres supérieurs, intermédiaires et inférieurs »257, autrement dit, l’homme ne pouvait plus rien recevoir qui lui soit propre. Dieu se serait alors adressé ainsi à l’homme : « Si nous ne t’avons donné, Adam, ni une place

déterminée, ni un aspect qui te soit propre, ni aucun don particulier, c’est afin que la place, l’aspect, les dons que toi-même aurait souhaité, tu les aies et tu les possèdes, selon ton vœu, à ton idée »258. Nous retrouvons donc ici une interprétation religieuse de ce qui a déjà été évoqué comme l’insuffisance première de l’homme face à la Nature, qui va s’avérer en fin de compte être sa chance, une chance qui passe entre autres par sa non spécialisation, qui lui confère un degré de liberté supplémentaire par rapport au destin tout tracé de la vie animale régie par l’instinct.

Mais la manière imagée dont les choses sont ici formulées va permettre à Bostrom de nous en livrer une interprétation toute personnelle qui est la suivante : « l’homme n’ayant pas de

forme définie a la responsabilité de créer sa propre forme »259, ce qui pour lui justifie les augmentations, hybridations et autres créations techniques du projet transhumaniste, sans parler de la fameuse immortalité due à l’uploading. Un raccourci rapide donc, qui permet de s’appuyer sur le fait que Pic de la Mirandole affirme bien que l’homme, à la différence des autres créatures, et grâce à son jugement, peut définir sa nature dans la mesure où Dieu l’a fait

255

Mirandola, (della) G. P. (1486). De la dignité de l’homme (Oratio de hominis dignitate). (Hersant, Y., Trad.). Paris : Éditions de l’Éclat (2005). [Version Kindle]

256

Stiegler, B. (1994-2001). La technique et le temps. Paris : Fayard (2018).

257

Mirandola, (della) G. P. (1486). De la dignité de l’homme (Oratio de hominis dignitate). (Hersant, Y., Trad.). Paris : Éditions de l’Éclat (2005). [Version Kindle]

258

Ibid.

259

«That man does not have a ready‐made form and is responsible for shaping himself ». Bostrom, N. (2005). A History of Transhumanist Thought. Dans : Journal of Evolution and Technology, vol. 14, n°1, 2005. Récupéré de : https://nickbostrom.com/papers/history.pdf

93

« ni céleste ni terrestre, ni mortel ni immortel »260, afin qu’il puisse se façonner (moralement

et spirituellement s’entend) selon sa préférence. En effet, la suite du texte va préciser la nature de ce choix : « Tu pourras dégénérer en formes inférieures, qui sont bestiales ; tu pourras,

par décision de ton esprit, te régénérer en formes supérieures, qui sont divines »261. Donc, l’idée principale développée ici réside moins dans un quelconque accès possible à une immortalité qui par ailleurs ne saurait relever de la science, que dans le fait que Dieu ne mette aucune contrainte sur l’homme, aucune obligation d’évoluer à tout prix, comme si Dieu s’effaçait derrière cette liberté qu’il offre à l’homme d’user ou non de sa perfectibilité morale. Mais il reste évident que cette liberté ne s’exerce que dans un monde créé par Dieu, tout autant qu’à aucun moment il n’est question d’autocréation de soi par soi. De même, le fait que le corps puisse être tenu pour négligeable est à entendre par rapport à la présence en l’homme d’une âme immortelle de nature divine : il ne faut pas oublier que le projet de délaisser son corps terrestre au profit de la vie éternelle de l’âme n’est pas une idée originairement transhumaniste !

Donc là encore, pour assimiler les propos de Pic de la Mirandole au projet transhumaniste, il

Documents relatifs