• Aucun résultat trouvé

L’homme dans la tradition du Christ humble

DU MYSTÈRE CHRÉTIEN

3 L’homme dans la tradition du Christ humble

Dorothée souligne l’influence de l’humilité du Christ d’une manière qui contraste avec les Pères qui l’ont précédé. Par son humilité, le Christ a pour dessein d’apprendre l’humilité à l’homme afin qu’il obéisse. Du renoncement de la volonté propre au sacrifice d’holocauste, le moine suit les traces du Christ humble. Nous voudrions rassembler les informations recueillies pour montrer comment Dorothée aborde le thème de l’imitation du Christ humble qui était si présent chez ses Pères. Nous serons amenés à proposer quelques hypothèses sur les raisons qui ont pu motiver ses options. Sa conception de l’articulation entre le sacrifice du Christ et celui du chrétien retiendra notre attention. Elle nous conduira à mettre en perspective certains traits de la christologie de Dorothée et de son anthropologie, ce qui nous permettra d’approfondir un peu plus sa doctrine de l’humilité.

Suivre le Christ humble et l’imiter

Tandis que le thème de l’imitation du Christ dans son humilité est courant chez les maîtres de Dorothée1, le verbe « imiter » ne se rencontre qu’une seule fois dans ses

textes2. Dans le passage concerné, il ne s’agit pas, apparemment, d’imiter le Christ,

mais Dieu par l’exercice de la miséricorde3. Néanmoins, le texte pourrait s’appliquer

au Christ car « Dieu » le désigne très souvent dans ses écrits. Quoi qu’il en soit, l’idée de l’imitation du Christ est bien présente dans les Didascalies. Au vocabulaire de

1 Par exemple : cf. BARSANUPHE 111, 16-23 ; 150, 6 ; 348, 19 ; 455, 46 ; 693 ; 11. Cf. BASILE, Saint-

Esprit XV, 35, 9-10.

2 Cf. Did. XIV, 156, 12.

3 En Did. XII, 134, Dorothée énoncera la même idée en disant que la vocation de l’homme est d’être miséricordieux, saint, bon comme Dieu.

Le Christ humble de cœur 146

l’imitation, Dorothée préfère celui de la Sequela Christi1 dont les versets qui nous ont

guidés dans ces pages sont représentatifs : Matthieu 16, 24 et 19, 27, auxquels peut être ajouté Matthieu 11, 29. Grâce à Matthieu 16, 24 et Galates 6, 14 qui nous apprennent que le moine en quittant tout et lui-même, prend sa croix, suit le Christ et qu’il est crucifié, Dorothée indique que suivre le Christ revient à l’imiter jusque dans l’abaissement de sa Passion. L’imitation du Christ dans son offrande, Agneau immolé, transparaît aussi dans l’assimilation du renoncement à l’holocauste. Dans la même ligne, la marque pourpre de la tunique du moine est le signe de la suite du Christ souffrant. Cette marque rappelle, en effet, que le Sauveur a porté le manteau pourpre dans sa Passion2. En tant que soldat du Christ, dans sa lutte pour acquérir les vertus3,

le moine devra supporter toutes les souffrances que le Christ a endurées pour lui, prévient Dorothée4. Le disciple passe par où le Maître est passé.

L’appel à Galates 2, 20 pour commenter le renoncement vécu par Pierre (cf. Matthieu 19, 27) que Dorothée résume avec Matthieu 16, 24 est riche d’un sens qui n’est pas aisé à saisir5. En prenant sa croix et en suivant le Christ, ce n’est plus Pierre

qui vit en lui, mais le Christ6. Dorothée pense-t-il à une inhabitation du Christ en

Pierre ? Le contexte aide à comprendre sa pensée. À la suite du Christ, Pierre a tout quitté ; il marche sur ses traces, il se décentre de lui-même afin de vivre pour lui7. Par

son renoncement, Pierre est rendu semblable au Christ dans la Passion.

Cette conformité au Christ est abordée une autre fois par Dorothée grâce à la citation de Galates 4, 19, verset dans lequel Paul prie pour ses enfants jusqu’à ce que le Christ soit formé en eux. Dorothée explique que les enfants de Paul sont ceux qui, en l’écoutant, passent du vice à la vertu8. L’homme est configuré au Christ par les

vertus et donc par l’humilité. Cette opinion est l’enseignement commun des Pères. En outre, elle revient à dire que l’homme devient semblable à Dieu en faisant le bien, selon le principe général de la dynamique du bien.

1 Opposer la suite du Christ à son imitation ou chercher des différences est, nous semble-t-il, une impasse. Servais Pinckaers écrit à propos de l’apparente absence du thème paulinien de l’imitation dans les Évangiles : « Suivre Jésus, c’est l’imiter en laissant se reproduire dans sa propre vie le mystère de la Croix que Jésus va accomplir ». Avant cette phrase, cet auteur a cité Mt 16, 24 et après Mt 11, 28-29. PINCKAERS Servais, La vie selon l’Esprit. Essai de théologie spirituelle selon saint Paul et saint Thomas

d’Aquin, Le Cerf, Éditions saint Paul, Luxembourg, 1996, p. 88 (voir l’ensemble du chapitre sur la

conformité au Christ, p. 85-101).

2 Cf. Jn 19, 2. Sur la symbolique de la tunique : Did. I, 15, 15-37.

3 Le symbole de la tunique sans manches est le travail ascétique, cf. Did. I, 15, 7-8. 4 Cf. Did. I, 15, 22-24.

5 Cf. Did. XVI, 169, 11-16.

6 Cf. Did. XVI, 169, 11-13 qui cite Ga 2, 20.

7 Cf. Did. XVI, 169, 3-4 et 15-16. L’interprétation qui semble se dégager des paroles de Dorothée rejoint un des sens exégétiques du verset, cf. LÉGASSE Simon, L’épître de Paul aux Galates, Col. Lectio Divina, Commentaires 9, Le Cerf, Paris, 2000, p. 195-197. Cet exégète fait remarquer que ce verset signifie que le chrétien n’a pas perdu sa personnalité, cependant la transformation qu’il a vécue par le baptême et la foi l’introduit dans la nouvelle création. Il est l’homme nouveau dont le Christ Rédempteur est le créateur qui le maintient vivant par sa présence agissante.

Le Christ humble de cœur 147

Si les Pères sont unanimes pour reconnaître que le chrétien est rendu semblable à Dieu en devenant disciple du Christ et en suivant ses exemples, néanmoins, ils ne l’expriment pas de manière uniforme. Ils ont puisé aux multiples possibilités qu’offre l’Écriture. Les versets de Matthieu que Dorothée affectionne se rencontrent couramment chez eux. Il est possible de repérer chez certains des préférences. Pour exprimer cette ressemblance au Christ, Basile semble privilégier le verbe « imiter », parfois en lien avec Ephésiens 5, 1-2 où Paul invite les fidèles à l’imiter comme lui- même à imiter le Christ1. « Suivre les traces ou les pas de Jésus », formule issue de 1

Pierre 2, 21, plaît particulièrement à Isaïe2. Ce verset appartient au thème de la Sequela

Christi. Si aucune expression type ne se détache de la correspondance des reclus de

Gaza, plusieurs fois ils font appel à Jean 6, 38 pour exprimer que le moine dans le retranchement de sa volonté est semblable au Christ qui ne fait pas sa volonté, mais celle de son Père3.

La prédilection de Dorothée pour le vocabulaire et les passages néotestamentaires de la suite du Christ correspond à ses perspectives propres. En effet, Fernando Rivas a montré dans sa thèse que les dix-sept Didascalies sont construites selon le procédé rhétorique de l’akoluthia qui traduit dans le discours l’idée spirituelle de la suite du Christ que Dorothée affectionne4. Pour notre part, nous soulignerons que

le thème de la suite (akoluthia) du Christ est tout à fait adapté pour évoquer le mouvement en avant de l’homme dans la dynamique du bien ainsi que sa réponse au commandement du Christ de se mettre à son école pour apprendre son humilité. Peut- être que le thème de la suite du Christ qui souligne que l’homme prend lui-même sa propre croix a semblé à Dorothée plus en adéquation avec son optique qui valorise le rôle de l’homme dans son rapport au Christ. Quoiqu’il en soit du bien-fondé de cette hypothèse, nous voudrions approfondir l’implication de l’homme en étudiant l’articulation entre son sacrifice et celui du Christ, acte suprême d’humilité.

L’articulation entre l’offrande du Christ et celle du moine

Prendre sa croix et suivre le Christ suggère l’étroite dépendance du moine avec le Sauveur et, en même temps, une réelle autonomie.

Dans l’enquête que nous venons de mener au sujet du thème de l’imitation du Christ humble, nous avons remarqué que Dorothée avait des paroles fortes concernant la relation du Christ avec l’homme. Galates 2, 20 affirme que le Christ vit en Pierre tandis que Galates 4, 19 évoque la formation du Christ en l’homme. Malgré ces expressions, la relation qui est établie entre le Christ et l’homme ne comporte pour

1 Cf. BASILE, Saint-Esprit, XV, 6-8 ; Lettre XXIII ; CLXX ; GR 10, 75 ; GR 43, 134… Eph 5, 1-2 cité en PR 176, 264 ; 276, 322 ; RM 5, 1 ; 69, 2.

2 Cf. ISAÏE, Logos 2, 3 ; 18, 14 ; 22, 6 ; 25, 18 (trois fois) ; 25, 26 ; 27, 2. 3 Barsanuphe 288, 11-12 ; 356, 9-11

Le Christ humble de cœur 148

Dorothée aucune idée de substitution voire de fusion. Si l’homme est assimilé au Christ dans sa Passion, il demeure toujours en face de lui, dans une collaboration avec le Christ dans laquelle il est pleinement lui-même.

À ces remarques, nous devons ajouter que, de manière habituelle, Dorothée a soin de distinguer la Croix du Christ de celle de ses disciples. Il est ainsi surprenant que la Passion du Christ ne soit jamais désignée explicitement comme le modèle de l’holocauste des martyrs. De même, lorsque Dorothée se demande quelle serait l’offrande digne que l’homme pourrait présenter au Christ, alors que son raisonnement semble le conduire dans cette direction, il n’affirmera pourtant pas qu’il s’offre à l’image de l’Agneau immolé1. Enfin, si nous considérons son enseignement sur le

baptême, nous constatons qu’il ne mentionne pas la configuration sacramentelle au Christ2, il met plutôt en avant la purification des péchés et le don des commandements

que le chrétien doit observer volontairement3.

Deux textes éclairent la perspective de Dorothée. Le premier semble laisser entendre une équivalence entre l’action du Christ et celle de l’homme. Ainsi, Dorothée dit que le Christ « a crucifié le péché4 ». Puis, au paragraphe suivant, avec saint Paul,

il déclare qu’en quittant tout et eux-mêmes, « ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises5 ». Comme le Christ, les saints ont crucifié

le péché. Cependant, ils en sont capables uniquement parce qu’ils lui appartiennent et qu’ils se mettent à sa suite.

Le second passage est issu du commentaire de l’hymne de Pâques et offre de précieuses précisions. Paraphrasant le Psaume 43, 22 qu’il vient de citer6, il exhorte

ses frères :

« Sacrifions-nous, donnons-nous la mort tout le jour, comme tous les saints, pour (ἕνεκεν) le Christ notre Dieu,

pour (ἕνεκεν) lui qui est mort pour (ὑπὲρ) nous7 ».

Les nuances du grec sont parfois difficiles à rendre dans une traduction. « Pour (ἕνεκεν) le Christ », c’est-à-dire : « à cause de lui », « en raison de son amour », a une portée différente du « pour (ὑπὲρ) nous » qui pourrait se traduire : « en notre faveur ». Se sacrifier, c’est se donner la mort en raison du Christ lui qui est mort en notre faveur. Le sacrifice de l’homme n’est pas sur le même plan que celui du Christ. Cette offrande

1 Cf. Did. XVI, 167, 4-19.

2 Exprimée dans Rm 6, 5. Dorothée aborde, au sujet de la communauté, la doctrine du corps (cf. Rm 12, 5 en Did. VI, 77, 15). Il ne propose pas de développements sur le corps mystique du Christ, bien que

Did. Lettre 2, 285, 4 puisse être interprétée en ce sens.

3 Cf. Did. I, 5, 6-15. Dorothée ne fait aucune référence à l’action de l’Esprit Saint dans le cœur des fidèles.

4 Cf. Did. XVI, 167, 2-3 (expression identique en Did. XVI, 172, 12). 5 Ga 5, 24 cité en Did. XVI, 168, 24-25.

6 Ce Psaume était lu par Barsanuphe dans un sens similaire dans une lettre adressée à Dorothée, cf. BARSANUPHE 256, 55-56.

Le Christ humble de cœur 149

n’a pas de valeur rédemptrice. Elle est une réponse à Celui qui a arraché l’homme à l’enfer par son amour1. Puisque le Christ s’est immolé pour nous, qu’il s’est fait

malédiction2, « nous devons à notre tour lui offrir un don qui lui plaise3 ». Ce sacrifice

est offert, comme le faisaient les juifs4, pour rendre grâces au Seigneur de la libération

acquise par sa Pâque, pour célébrer une fête au Seigneur5.

Le Christ est l’unique cause efficiente du salut. Il en est aussi la cause exemplaire. À ce titre, le moine, provoqué par l’amour du Christ manifesté dans sa Passion, le suit en s’offrant dans le renoncement de l’humilité pour lui rendre grâce et pour lui plaire.

L’homme réalise sa vocation au bien en suivant le Christ, Nouvel Adam

Que Dorothée distingue le sacrifice du Christ de l’holocauste du moine tout en soulignant que celui-ci prend sa source et trouve son modèle dans l’offrande du Christ s’explique, nous semble-t-il, par sa christologie et son anthropologie.

En appelant le Christ Nouvel Adam et prémices de notre pâte, Dorothée professe sa véritable humanité. Ces deux titres font aussi comprendre que l’humanité est gratifiée par Dieu d’un nouveau départ. Le Christ est le premier né offert à la fois pour libérer l’homme de la captivité de l’Ennemi et pour lui apprendre à être bon comme Dieu est bon. En tant qu’Agneau immolé, il monte sur la croix et libère l’homme par son propre sang6. Cet acte du Christ est personnel et nul ne peut

l’accomplir à sa place. Il en communique les fruits par la régénération baptismale. L’homme retrouve alors le chemin du bien, guidé par l’exemple du Sauveur et ses commandements7. Prémices de la pâte humaine, le Christ manifeste dans son

Incarnation et sa Passion qu’être créé pour faire le bien s’accomplit dans le don. L’homme apprend en le suivant que son offrande s’effectue dans l’acte d’humilité qui est renoncement à soi-même pour obéir et être sauvé, c’est-à-dire faire le bien comme Dieu.

Cet acte d’humilité n’est pas optionnel car Dorothée ne perd jamais de vue la perspective générale du drame de l’humanité dont le point névralgique se situe dans la libre détermination de l’homme pour faire le bien en obéissant au commandement de

1 Cf. Did. XVI, 172, 28-29. 2 Cf. Did. XVI, 167, 9-15. 3 Did. XVI, 167, 15-16.

4 Nous constatons que, dans le texte de Dorothée, nous ne rencontrons aucun mépris pour les sacrifices des juifs. Au contraire, à la suite de Grégoire, il exhorte à faire comme eux, cf. Did. XVI, 166, 7-11. De même, Dorothée ne souligne pas que ces sacrifices de la Loi sont caducs. Peut-être aussi, est-ce le signe que Dorothée a assimilé la doctrine de tolérance professée par ses maîtres Barsanuphe et Jean, cf. BARSANUPHE/JEAN 686. Toutefois, il est tout aussi probable qu’il ne songe pas à faire des digressions sur la qualité des sacrifices de la Loi, préoccupé qu’il est par son propos.

5 Cf. Did. XVI, 166, 10-11. 6 Cf. Did. XVI, 172, 19-23. 7 Cf. Did. I, 5.

Le Christ humble de cœur 150

Dieu1. Il n’est donc pas étonnant que l’importance du libre arbitre soit soulignée dans

sa christologie. Si Dieu seul pouvait guérir l’homme et vaincre le mal2, il ne l’a pas

fait sans la participation active de la nature humaine qu’il a assumée en s’incarnant. Excepté pour dire que l’Agneau de Dieu a été immolé3, formule inspirée de Paul4, il

est remarquable que Dorothée emploie systématiquement la tournure active pour évoquer la Passion du Christ5. L’humanité du Christ n’est pas une variable

d’ajustement : « Homme, il a renouvelé l’homme déchu6 » et il a accepté la mort pour

tous7. Il est l’agent volontaire et conscient de l’œuvre du salut.

Dans l’économie du salut comme dans celle de la création, Dieu n’attend pas de sa créature qu’elle soit un acteur passif. L’œuvre du Christ en faveur de l’homme n’implique pas qu’il fasse à sa place le bien qu’il est appelé à réaliser en observant les commandements. Nous l’avons déjà fait remarquer, la grâce ne supprime pas la réelle collaboration de l’homme avec Dieu8. Dorothée insiste pour souligner la nécessité du

consentement de l’homme pour que le bien soit effectué : « Nous pouvons, si nous le voulons9 ». Si la victoire appartient bien à l’homme, elle ne peut être remportée sans

l’action de la grâce. Il faut tenir les deux, dans une harmonie qui respecte les propriétés de chaque partie. Dorothée exhorte ses frères afin que, « comme il [le Christ] a vaincu pour nous, nous soyons, nous aussi, victorieux par lui10 ». Cette parole provient de la

méditation de Dorothée sur le sens des palmes et des rameaux d’olivier que les fidèles tiennent en main pour fêter l’entrée de Jésus à Jérusalem avant Pâques. Aller à la rencontre du Christ avec des palmes signifie reconnaître en lui le vainqueur. Les rameaux d’olivier sont le symbole de la prière pour que la miséricorde intervienne11.

Nous retrouvons l’enseignement découvert lors de notre analyse de la dynamique de l’humilité. C’est au cœur de l’action, dans la constatation de son impuissance à faire le bien tout seul que l’homme crie vers Dieu pour qu’il vienne à son aide. Sans cette humilité, il est impossible d’obéir et être sauvé12.

1 Cf. Did. I, 1.

2 Cf. did. I, 4, 2-3. 3 Cf. Did. XVI, 167, 9-10. 4 Cf. 1 Co 5, 7.

5 Le Christ « a cloué le péché à la croix » (Did. XVI, 167, 2-3), « il s’est fait pour nous malédiction » (Did. XVI, 167, 12-13 citant Ga 3. 13), il monte sur la croix et a crucifié le péché, il « emmena captive la captivité » (cf. Did. XVI, 172, 11-14 ; Eph 4, 8), il a tiré l’homme de sa captivité par son propre sang (cf. Did. XVI, 172, 20-22) et il a arraché l’homme des mains de l’Ennemi (cf. Did. XVI, 172, 25-31). 6 Did. I, 4, 18-19.

7 Cf. Did. XVI, 172, 9. 8 Cf. Did. Lettre 6, 9-16.

9 Did. I, 5, 15-16, voir aussi les lignes 1-15. La formule : « si nous le voulons » se retrouve aussi en : cf. Did. I, 7, 6 ; XI, 115, 17-18 ; XIV, 154, 7 ; Lettre I, 182, 4. Sur l’importance de vouloir combattre : cf. Did. X, 104, 9-10, de vouloir faire le bien : cf. Did. X, 104, 15-17.

10 Did. XV, 165, 16-17. 11 Cf. Did. XV, 165, 9-12. 12 Cf. Did. I, 10, 9-11.

Le Christ humble de cœur 151

En évitant toute confusion entre le sacrifice du Christ et celui de l’homme, Dorothée situe le Christ dans son statut incommunicable de Sauveur tout en valorisant la responsabilité de l’homme et sa collaboration dans la réalisation du bien. Le sacrifice du Christ n’est pas simplement un modèle à suivre, il a une dimension ontologique.

Le retranchement de la volonté propre (rejeton de l’humilité qui a été retenu par les Pères et par Dorothée comme acte décisif qui initie le mouvement vers le bien) est aussi le lieu de la ressemblance de l’homme au Christ qui s’abaisse jusqu’à la Croix. Pour l’homme, suivre le Christ c’est être conforme à l’archétype qui se donne pour la libération de sa créature la plus proche et par conséquent être pleinement soi-même dans le don volontaire de soi pour rendre grâces et faire plaisir au Dieu bon et ami des hommes.

Pour Dorothée, le Christ est le modèle du chrétien non pas tant d’un point de vue comportemental, mais d’abord selon son être qui est à l’origine de ses actes. C’est ainsi que Dorothée fait remarquer que l’humilité de cœur signifie pour le Christ qu’elle n’a pas une simple attitude extérieure, mais une disposition intérieure qui qualifie ses actes1. Il demandera par conséquent à ses frères de développer en eux l’habitus

d’humilité2. De même, le moine ne s’offre pas en holocauste simplement parce qu’il

suit le Christ qui s’est offert sur la Croix. Plus fondamentalement, il s’offre parce que le Christ, être pour le don, révèle à l’homme sa vocation au don qui le rend activement ressemblant à Dieu. Ainsi l’état de l’homme κατὰ φύσιν est restauré.

* * *