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Pour être en mesure de mesurer l'influence du PTICQ sur la conception des politiques urbaines fédérale au Canada, il est important de se remémorer son évolution depuis la Seconde Guerre mondiale.

1945-1970

La période de l’après-guerre, en raison des problèmes de logements, est marquée par le désir de faciliter l’accès à la propriété domiciliaire. C’est ainsi qu’en 1946, est créée la Société canadienne d’hypothèques et de logements. En 1949, les modifications à la Loi nationale sur le logement (adoptée en 1938) autorisaient l’établissement de programmes conjoints fédéraux-provinciaux visant à fournir des logements à bas prix destinés à la vente ou à la location. En vertu de la loi modifiée, le gouvernement fédéral et les provinces devaient partager les frais (dont 75 % étaient assumés par le gouvernement fédéral) relatifs à l’aménagement et à la viabilisation des terrains. Les municipalités étaient autorisées à participer à ce programme, si leur province adoptait une loi autorisant l’administration locale à prendre charge des activités de logement qui étaient de ressort provincial. En vertu d’une nouvelle série de modifications apportées en 1964 à la Loi nationale sur le logement, des programmes plus généraux ont été mis sur pied pour promouvoir l’aménagement urbain dans l’ensemble et pas simplement la construction de logements. 1970 – 2000 Stoney et Graham découpent cette période en trois phases.

La première couvre essentiellement les années 1970. Elle est marquée par le désir d’institutionnaliser les relations fédérales-municipales. Elle débute par la création du Ministère d’État chargé des affaires urbaines34 (MEAU) et se termine par sa dissolution.

C’est le Comité sur l’habitation et le développement urbain, sous la direction de Paul Hellyer, qui suggéra la création du MEAU. Son mandat officiel était de favoriser l’influence du gouvernement fédéral sur le processus d’urbanisation, d’intégrer les politiques urbaines à celles des autres ministères et de développer

34 Le ministère d'État pour les Affaires urbaines fut établi le 30 juin 1971, en vertu de la Loi sur les ministères et ministres d'État, 19-20

des relations de coopération en affaires urbaines avec les provinces et les municipalités. En raison des limites constitutionnelles, le MEAU n’était responsable cependant d’aucun programme.

Cette étape a été marquée par le désir du fédéral de nuancer l'impression autocratique de ses interventions. C’est pourquoi le MEAU s’efforça de favoriser l’implication des citoyens et du monde municipal. Ainsi, il facilita des présentations annuelles de la FCM au conseil des ministres pour expliciter les perspectives du monde municipal par rapport aux problématiques urbaines. Le MEAU introduisit également les programmes Améliorations du voisinage et Assistance à la rénovation résidentielle. Ces programmes étaient conçus pour faciliter la participation citoyenne dans l’implantation des politiques locales. Finalement pour assurer une vision commune, par les trois niveaux de gouvernement, des solutions aux problématiques urbaines, le MEAU mit en place des rencontres tripartites. Cependant, las des revendications du monde municipal pour leur reconnaissance constitutionnelle, les provinces refusèrent, par la suite, systématiquement de se présenter à ces rencontres; ce qui obligea le ministère à ne plus en convoquer. Étant donné le manque de crédibilité du ministère et l’intention du gouvernement de réduire son budget, le MEAU fut aboli le 31 mars 1979.

La deuxième période s’étend de 1979 à 1993. Elle se caractérise par le désir de passer de straégies nationales à des ententes régionales et locales. L’accent porte sur la recherche de solutions à des problèmes complexes, situés dans des territoires circonscrits. Ainsi, l’on a vu, par exemple, des programmes de revitalisation urbaine se développer à Winnipeg et à Vancouver. Sous l’égide du programme Entente de développement urbain, l’on assista au regroupement des trois niveaux de gouvernement avec la communauté et le secteur privé pour concocter des solutions et fournir des ressources pour faciliter la revitalisation urbaine. Cette focalisation sur les régions conduisit également à la création du ministère d’État au Développement économique et régional et à celui du Département de l’expansion industrielle régionale.

La troisième période se déroule de 1993 à 2006 et porte sur la tentative de mettre en place une Nouvelle entente avec les villes et les communautés. Stoney et Graham soulignent qu’elle débute avec le PTICQ comme suite aux demandes constantes d’un financement tripartite des immobilisations. On assiste, durant cette période, à la création du ministère des Infrastructures, responsable d'effectuer les investissements stratégiques en projets d’infrastructures responsables, répondant aux besoins municipaux.

En 2001, le premier ministre Chrétien créa le Groupe de travail du premier ministre sur les questions urbaines. Comme, il est indiqué dans la présentation du Rapport d’Étape du Comité (avril 2002), la mission était « d’amorcer un dialogue avec les Canadiens et d’examiner les perspectives et les enjeux de

nos régions urbaines ». Les principales recommandations du comité sont reprises dans le discours du trône de septembre 200235. Il indique, comme stratégie globale, que « de nouveaux partenariats, une nouvelle stratégie urbaine et une nouvelle approche face aux communautés en santé pour le XXIe siècle ». Le discours précise également les actions concrètes qui seront mises en place : elles se résument comme « le gouvernement instaurera un programme d'infrastructures, s'étendant sur une période de dix ans, essentielles à la compétitivité et à la croissance soutenue et une nouvelle stratégie portant sur un système de transport sécuritaire, efficace et respectueux de l'environnement qui aidera à réduire la congestion dans nos villes ». Toujours au plan urbain, le gouvernement libéral proposait la mise en place de stratégies locales visant à réduire l'itinérance et l’aide aux Autochtones vivant en milieu urbain. Le Comité consultatif externe sur les villes et les collectivités, constitué par le parti libéral et présidé par Michael Harcourt, dans son rapport Pour en finir avec l’incertitude et favoriser la résilience des collectivités (2006), abonde dans le même sens. Il insiste entre autres sur l’importance d’utiliser une approche intégrée permettant la confection de politiques apte à résoudre des problématiques complexes, d’adopter une démarche décisionnelle axée sur le lieu et de renforcer une infrastructure municipale délabrée.

Dans cette même période, d’autres actions ont été mises en place par le gouvernement fédéral. En 2004, pour diminuer le fardeau des municipalités, il a aboli la taxe sur les produits et services (TPS) qu’elles devaient assumer. Toujours pour aider à l’équilibre des finances municipales, et répondre simultanément aux demandes du monde municipal de disposer d’autres sources de revenus, les villes ont obtenu le partage de la taxe de vente sur l’essence; lequel deviendra permanent à la fin de la décennie. Des programmes ont également été conçus soit pour forger des liens entre le secteur privé et des partenariats de développement économique communautaire ou soit pour faciliter des ententes gouvernementales tripartites à des fins d’initiatives urbaines particulières. Sur ce dernier point, l’entente de Vancouver, conclue entre le fédéral, la province de la Colombie-Britannique et la Ville de Vancouver, est une des réalisations les plus connues.

Le gouvernement conservateur du premier ministre Harper élu en 2006, a, selon Neil Bradford (2006)36, une brisure ou à tout le moins une approche différente de la politique urbaine. Les principaux instruments

35 Discours du Trône ouvrant la deuxième session de la 37e législature du Canada

http://www.pco-bcp.gc.ca/index.asp?lang=fra&page=information&sub=publications&doc=sft-ddt/2002-fra.htm

36 Bradford, Neil, «Whither the Federal Urban Agenda? A New Deal in Transition»

http://www.google.ca/search?q=politique+urbaine+du+canada+2005-2011&ie=utf-8&oe=utf-8&aq=t&rls=org.mozilla:en- US:official&client=firefox-a#sclient=psy&hl=fr&client=firefox-a&rls=org.mozilla:en-

US%3Aofficial&source=hp&q=Whither+Canada%E2%80%99s+Federal+Urban+Agenda%3F&aq=&aqi=&aql=&oq=&pbx=1&bav= on.2,or.r_gc.r_pw.&fp=88ca4ceb67b3692a

de cette politique conservatrice sont axés sur des investissements fédéraux, plus particulièrement en projets d’infrastructures, sur une réglementation fédérale pour la mise en place de villes sécuritaires et sur des transferts fiscaux aux provinces pour les aider à assumer leurs responsabilités quant aux municipalités. Comme l’on peut s’en rendre compte même les deux approches de politiques urbaines sont fort dissemblables sur certains aspects. Ainsi la nouvelle approche libérale pour les villes et communautés est axée sur une gouvernance à multi palliers du développement urbain, sur des stratégies d’innovation et sur un partenariat gouvernemental pour le développement communautaire, en économie sociale et en intégration des immigrants et des communautés autochtones. Les conservateurs, moins interventionnistes, préfèrent laisser ces responsabilités aux autorités provinciales. Leur intervention est ciblée sur des programmes pour augmenter la sécurité citoyenne dans les villes. Cependant, les objectifs des deux partis se rejoignent sur des investissements fédéraux en programme d'infrastructures.

Les chercheurs ont l’habitude, quand ils se penchent sur l'analyse des politiques urbaines ou de la problématique du financement des infrastructures municipales, de ne pas considérer l’impact du PTICQ dans l’évolution des politiques urbaines canadiennes. De ce fait, ils négligent une variable à l’origine et de la reconnaissance de la problématique du déficit de renouvellement des infrastructures municipales et de la pertinence d’utiliser les programmes d'infrastructures à frais partagés comme moyen pour le fédéral de se rapprocher du monde municipal.

C'est pourquoi nous tenterons de démontrer dans notre analyse l’influence du TIC et du PTICQ sur la mise au premier plan du déficit de renouvellement des infrastructures et de la pertinence de l’utilisation des programmes de financement tripartite en période de récession économique et sur une base récurrente, comme un mode d’intervention sans risque du fédéral dans un champ d’intervention provincial. De plus comme l’indique notre question six (6), nous tenterons d’évaluer si le PTICQ a été le déclencheur de l’intégration des investissements fédéraux en infrastructures, comme un instrument récurrent, dans les politiques urbaines tant conservatrice que libérale.