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L’hôpital de Maréville

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 128-131)

Première partie : l’éclosion d’une vie religieuse municipale (fin XVI e siècle - début des années 1630)

C. Les fondations aux marges de la ville

4. L’hôpital de Maréville

L’espace situé autour des villes est chargé d’ambiguïté : c’est un espace annexe de la ville, où celle-ci peut s’étendre en faubourgs, un espace qui possède ses propres lieux sacrés mais ceux-ci dans la dépendance de la ville. Mais c’est également dans cet espace qu’on relègue tout ce que la ville juge indésirable ou dangereux en ses murs, notamment les pestiférés. Lors de l’épidémie signalée en 1594 (on la connaît car la rue des Maréchaux en particulier est signalée comme étant atteinte45, et la Ville paie 2 francs au curé de Saint-Sébastien pour que les corps des pestiférés soient enterrés46), les pestiférés sont expulsés vers des « loges », appelées également « bordes », qui sont des cabanes construites à leur seul usage, hors des murs de la ville. En 1541, la Ville avait acquis un terrain à l’ouest de Nancy, baptisé « l’Aulnel »47 puis le « clos l’asné » ou l’Asnée, flanqué d’un cimetière et destiné à ces loges48. Le 4 avril 1597, Anne Feriet, veuve d’Antoine Go, seigneur de Noviant (ou Novéant, selon les sources), lègue 30 000 francs destinés pour moitié à y construire un « hôpital », au sens de l’époque, incluant des logements pour un concierge49, des chirurgiens qui devaient soigner les pestiférés, et pout l’autre moitié à entretenir les lieux et le personnel. L’ensemble inclut également une chapelle consacrée à sainte Anne, dont l’aumônier doit célébrer une messe à sainte Anne tous

42 A.D.54, H 884.

43 A.M.N., BB 37, non paginé.

44 PFISTER Christian, Histoire de Nancy, op. cit., vol. 3, p. 31.

45 A.M.N., CC 5.

46 A.M.N., CC 6.

47 A.D.54, B 7250. Le document est mis en ligne à l’adresse suivante : http://www.archives.meurthe-et-moselle.fr/fileadmin/Sites/Archives_d__partementales_de_Meurthe_et_Moselle/documents/paleographie/24.pdf.

48 Aujourd’hui dans la commune de Villers-lès-Nancy, sur l’emplacement de la bibliothèque diocésaine.

49 A.M.N., CC 258, f.° 16 v°. Copie en CC 259.

les mercredis et une autre de la Passion tous les vendredis. Il doit également célébrer une messe annuelle, avec procession dirigée par le chapelain, et prédication le jour de la Trinité commémorant la dédicace de la chapelle ; le tout se fait en présence de deux conseillers de ville représentant la municipalité50. Le site est désormais connu sous le nom d’« hôpital de Maréville » ou, plus rarement, « Marainville ».

L’hôpital de Maréville

Musée Lorrain,2007.0.3114.

Il est placé sous la protection des ducs de Lorraine par les lettres patentes du 2 avril 1603 qui exempte fiscalement la chapelle et son concierge51. Mais c’est le Conseil de Ville qui gère l’hôpital, suite aux deux codicilles qu’Anne Feriet a pu ajouter à son testament. Il en nomme le chapelain, qui peut être un régulier. Par exemple, il prévoit en 1621 de passer un contrat avec les Cordeliers pour desservir la chapelle de l’hôpital « en temps de santé et de contagion »52. Il nomme également le concierge qui a la garde des bâtiments et des biens53.

50 A.M.N., BB 19, f.° 86 r°.

51 A.M.N., CC 448, f.° 101 r°.

52 A.M.N., BB 3, f.° 27 v°.

53 A.M.N., BB 2, f.° 150 v°.

L’hôpital de Maréville ne fait guère parler de lui avant l’épidémie de peste de 1630-1631 ; il devient alors un des sites où les pestiférés sont envoyés54.

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Nancy, à la fin des années 1620, est-elle vraiment cette « ville-couvent » que certains historiens ont présentée ? Vers 1630, apogée de Nancy avant que la peste et la guerre ne déciment la population, le rapport nancéien est de dix nouveaux couvents pour une population estimée à environ 18 000 habitants. À titre de comparaison, à la même époque, Lyon accueille une trentaine de nouveaux couvents pour 35 000 habitants55 : trois fois plus de couvents pour deux fois plus d’habitants. On est également loin des vingt-et-un couvents fondés entre 1492 et 1650 à Douai, qui compte 12 000 habitants56. D’où vient, dès lors, cette conclusion que Nancy est une « ville-couvent » ? On peut l’attribuer à la politique d’implantation de couvent hautement revendiquée par les ducs de Lorraine et relayée par les élites locales : de nombreux couvents s’installent d’autant plus facilement que la Ville Neuve offre de la place. Si on compare Nancy à Liège, à qui Marie-Élisabeth Henneau attribue aussi cette qualification57, la première est loin des trente paroisses et des cent clochers de la seconde. En revanche, ces deux villes partagent une position de proximité avec le monde protestant, une volonté de se protéger de cette religion perçue comme un péril. La densité très élevée des établissements religieux doit dès lors servir à constituer une muraille symbolique repoussant ce danger. Encore faut-il que cet effort de défense contre l’hérésie soit commun à tous. Or, au début du XVIIe siècle, le Conseil de Ville de Nancy s’est montré davantage le relais des initiatives qu’initiateur lui-même ; sans doute le rapport de forces ne jouait-il pas en sa faveur. Mais, comme Rennes dans les années 163058, il commence à manifester une volonté de jouer un rôle sinon moins passif, du moins qui n’est pas cantonné à l’accompagnement. Tisser des relations particulières avec les maisons religieuses qui se sont installées appartient à cette démarche.

54 JACQUEMIN Fabiola, Les cimetières de Nancy, …op. cit., pp. 90-100.

55 HOURS Bernard, Des moines dans la cité…, op. cit., pp. 14-15.

56 DINET-LECOMTE Marie-Claude, « L’expansion des couvents et des fondations charitables dans la première moitié du XVIIe siècle. Exemples d’Amiens, d’Arras et de Douai », dans BRUNEEL Claude, DUVOSQUEL Jean-Marie, GUIGNET Philippe, VERMEIR René (dir.), Les « Trente Glorieuses » …, op. cit., pp. 89-106.

57 HENNEAU Marie-Élisabeth, « Fastes princiers et culte eucharistique au pays de Liège : cérémonies baroques au cœur d’une principauté ecclésiastique des XVIIe et XVIIIe siècles », dans DOMPNIER Bernard, Les cérémonies extraordinaires du catholicisme baroque…, op. cit., pp. 261 à 276.

58 PROVOST Georges, « Un pouvoir municipal à l’œuvre… », op. cit.

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