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Chapitre 3. Etude du volatilome pour évaluer la qualité/fraîcheur du poisson frais

I. Les outils de la caractérisation du volatilome

1. L’extraction des composés volatils : préalable à l’analyse

Avant d’être analysés les composés doivent être extraits, selon plusieurs techniques, de leur matrice initiale et concentrés avant d’être appliqués dans le module d’analyse. Diffé- rentes méthodes d’extractions existent comme l’extraction liquide-liquide, en phase solide ou celle moins répendue en fluide supercritique (Hennion 1999; Baudot et al. 2001; Pourmorta- zavi & Hajimirsadeghi 2007). Si elles sont techniquement applicables pour l’extraction de composés volatils, elles sont de moins en moins utilisées, suplantées par de nouvelles tech- niques d’extraction de l’espace de tête également appelé headspace.

a.

L’espace de tête statique

L’espace de tête est une technique d’extraction de composés volatils généralement réalisée dans des flacons, pouvant être opérée à partir d’une matrice solide ou liquide, en concentrant les espèces volatiles dans la partie gazeuse (figure 3-2).

La notion d’espace de tête statique consiste à collecter les composés volatils à l’aide de différentes méthodes : fibre SPME, seringue à gaz ou sac Tedlar®, au sein d’un système

Figure 3-3 : Représentation schématique des deux étapes de partition enregistrées lors d'une extraction par une fibre SPME, avec K1 le coefficient de partition entre l’échantillon et l’headspace et K2 celui entre

l’headspace et la fibre.

Figure 3-4 : Graphiques illustrant l'impact de la concentration en sel et du pH sur la valeur d'aire de diffé- rents composés volatils.(Li et al. 2004). Avec  la tri-n-butylamine, | la di-n-butylamine,  la triéthyla- mine,  la tri-n-propylamine,  la n-butylamine et  la TMA.

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fermé. LA SPME est une seringue terminée par une fibre recouverte d’une phase solide ad- sorbante. Le collecteur est introduit dans l’espace de tête ou directement plongé dans un liquide (figure 3-2), permettant l’absorption ou l’adsorption des composés volatils durant une période définie. La dernière étape consiste à l’introduire dans l’injecteur du système d’analyse et d’expulser ou désorber les composés, mécaniquement ou par augmentation de la température (Rouessac & Rouessac 2000). En outre, deux intérêts majeurs conférés par cette technique, par rapport aux approches similaires, sont l’absence de solvants et la dimi- nution du temps d’extraction (Arthur & Pawliszyn 1990).

Aujourd’hui la SPME est la technique la plus répandue pour l’analyse en headspace statique. Comme le montre la figure 3-3, son utilisation fait intervenir deux phases de parti- tion/équilibre : entre l’échantillon et l’espace et de tête (K1) puis entre l’espace de tête et la

fibre (K2). Ces propriétés de partition dépendent de chaque composé chimique. Plusieurs

paramètres permettent d’agir sur le coefficient K1 comme la durée d’extraction, sa tempéra-

ture, la concentration en sels inorganiques du milieu et le pH. La température permet de dé- placer l’équilibre vers la phase gazeuse que compose l’espace de tête. En général, plus la température d’extraction est faible plus le temps nécessaire à l'équilibre est important (Jia et

al. 1998; Li et al. 2004). Le coefficient K2 est également soumis à l’action de la température,

ainsi, l’augmentation de la température conduit à la désorption des composés à partir de la fibre (Jia et al. 1998). Le choix de la valeur du couple temps/température résulte générale- ment d’un compromis, de façon à maximiser le signal de détection (Balasubramanian & Pa- nigrahi 2011). Un second paramètre permettant de contraindre l’équilibre vers la phase ga- zeuse est l’addition de sel inorganique dans la solution contenant les composés volatils, ceux-ci permettent de diminuer la solubilité des composés volatils et donc de réduire K1. Le

déplacement de l’équilibre suite à l’augmentation de la concentration en sel varie en fonction des composés (figure 3-4) et de leur coefficient de partition eau/air. Un dernier paramètre pouvant être ajusté est le pH (figure 3-4), notamment dans le cas de certaines molécules comme les amines dont la forme volatile est la forme basique, compte tenu de leurs valeurs de pKa élevées (Heising et al. 2012; Hall 1957). Outre l’influence de la température, le fac- teur K2 est avant tout influencé par la nature de la phase adsorbante utilisée ainsi que par la

nature des composés à extraire. Ainsi plusieurs phases existent comme le polydiméthylsi- loxane (PDMS) pour les composés volatils en général, le polyacrylate pour les composés polaires, le mélange PDMS et carboxène (CAR) pour les composés volatils et les gaz, ou encore le mélange PDMS et divinylbenzène (DVB) pour les composés polaires volatils (Vau- bourdolle 2007).

L’extraction en headspace statique par SPME est un outil simple d’utilisation sans uti- lisation de solvant. Les paramètres d’extractions nécessitent généralement une optimisation préalable en fonction de la nature des molécules à analyser, un compromis est générale- ment nécessaire dans le cas de mélange de composés. Dans le cadre de l’analyse de com-

Figure 3-5 : Illustrations d'un montage de "purge and trap" utilisé pour l’extraction de composés volatils (a) et d’un système d'espace de tête dynamique en fiole (b). L’illustration (b) est reproduite avec l'autorisation de la société Gerstel.

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posés volatils, la SPME peut même être utilisée pour réaliser une quantification via l’utilisation d’étalons internes ou externes, avec une bonne sensibilité et une bonne répétabi- lité (Balasubramanian & Panigrahi 2011). Cependant dans le cas d’analyse de mélanges complexes, pouvant contenir plus de cinquante espèces volatiles différentes, la quantification devient très difficile, le choix d’étalons devenant impossible compte tenu de l’hétérogénéité des familles chimiques présentes. En l’absence d’étalon, une quantification relative peut être envisagée, mais dans le cas de mélanges complexes la répétabilité des extractions peut être diminuée. En outre, la précision de la méthode SPME peut être affectée par une vingtaine de facteurs résumés par Balasubramanian & Panigrahi (2011), souvent maîtrisables par l’utilisation d’un passeur automatique d’échantillon.

De nombreuses applications ont été décrites utilisant la SPME, historiquement c’est surtout sur des prélèvements environnementaux pour le dosage des BTEX (Benzène, To- luène, Ethylbenzène et Xylène) que la technique a été utilisée (Arthur & Pawliszyn 1990; Zhang & Pawliszyn 1993). Un second type d’application est l’analyse de matrices alimen- taires telles que fromages, charcuterie, vin, huile ou fruits et légumes (Balasubramanian & Panigrahi 2011). Parmi ces applications alimentaires des approches spécifiques ont été con- duites sur le poisson l’une des premières décrites étant celle de Béné et al. (2001). Iglesias & Medina (2008) ont montré que la fibre CAR-PDMS était la plus appropriée pour étudier les composés volatils issus du poisson. C’est d’ailleurs ce type de fibre qui a été utilisé au labo- ratoire pour développer une méthode d’étude des composés volatils issus de la chair de plu- sieurs espèces de poissons, conditionnées sous diverses formes (Duflos et al. 2006; Duflos, Leduc, et al. 2010; Leduc, Krzewinski, et al. 2012).

b.

L’espace de tête dynamique

La technique d’espace de tête dynamique, contrairement à l’headspace statique, est une méthode dans laquelle une partie de l’espace de tête est soustrait de manière continue, l’état d’équilibre entre phase gazeuse et solution n’étant donc jamais atteint. L’échantillon est placé dans un compartiment balayé par un flux de gaz inerte, chassant les composés volatils présents vers une zone contenant la phase adsorbante généralement composée de Tenax® (figure 3-5). Ensuite, certains extracteurs réalisent une purge « sèche » pour éliminer l’eau, puis la température est augmentée pour désorber les molécules, cryo-focalisées ensuite en tête de colonne (Pillonel et al. 2002; Leduc, Tournayre, et al. 2012).

La technique d’headspace dynamique a été utilisée pour de nombreuses applications sur les arômes des aliments comme les composés volatils issus du fromage, de viandes, de miel, d’huiles, de vins ou même de fruits (Qian et al. 2002; Rivas-Cañedo et al. 2011; Rado- vic et al. 2001; Reboredo-Rodríguez et al. 2012; Bicchi et al. 2004). Dans le domaine plus

précis de l’analyse des composés volatils issus du poisson, plusieurs études ont également été menées en espace de tête dynamique. Ainsi, des profils aromatiques de différentes es- pèces de poisson comme le saumon, le cabillaud, le lieu noir ou encore le maquereau ont pu

être obtenus (Refsgaard et al. 1999). L’headspace dynamique a également permis de com- parer les profils aromatiques de dorades sauvages et d’élevage et leurs évolutions lors de la conservation Alasalvar et al. (2005). Cette méthode d’extraction a également été utilisée pour étudier l’impact du temps de conservation de harengs sur la composition du volatilome enregistré après cuisson (Aro et al. 2003). Enfin, une approche récente a été réalisée par le laboratoire en collaboration avec l’INRA pour le suivi d’altération de bar. Cette étude a per- mis de définir des aromagrammes en fonction de l’état d’altération du bar et de trouver des marqueurs olfactifs en lien avec la fraîcheur et l’altération (Leduc, Tournayre, et al. 2012).

Dans le domaine de l’extraction des composés volatils de nombreuses techniques d’extractions existent comme l’headspace statique et l’headspace dynamique qui sont les plus utilisées. Il n’y a pas de consensus entre les auteurs pour savoir quelle méthode est la meilleure, cela dépend de l’application désirée et du type de composés à analyser. La mé- thode d’extraction dynamique offre une meilleure sensibilité par rapport à l’headspace sta- tique et permet la détection efficace d’un nombre plus important de composés dont ceux de poids moléculaire élevés ou à l’état de traces (Overton & Manura 1995; Marsili 1999). D’autres auteurs notent que la SPME est plus simple, rapide et économique que la technique d’headspace dynamique, de plus elle serait plus précise pour une sensibilité équivalente (Marsili 1999; Pillonel et al. 2002). L’existence d’artefacts inhérents à l’utilisation de certains appareils d’headspace dynamique a été décrite comme un frein (Marsili 1999), cependant ce type d’inconvénient est aussi rencontré en SPME.