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2. A propos des résultats

2.4. De l’expérience de la relation à la nécessité d’une formation

D’une manière unanime, les interviewés déclarent avoir été peu formés à la relation médecin-patient pendant leur cursus initial. Ce constat est concordant avec les travaux sur ce sujet [7-11].

De fait, la philosophie de l’enseignement universitaire semble être en inadéquation avec la réalité de la médecine générale. En effet l’apprentissage de la maladie, centré sur le matériel organique, ignore la subjectivité du patient et relègue au rang de diagnostic d’élimination tout trouble lié à la psyché du patient, qualifié souvent de trouble fonctionnel. Alors que, de son côté, le médecin généraliste est un psychosomaticien [55]. Il en va de même avec la théorisation sur la relation médecin-patient qui, elle, semble ignorer la subjectivité du médecin et paraît absurde pour les interviewés.

De plus, la quasi-exclusivité des modèles hospitaliers rend l’identification professionnelle des futurs généralistes assez difficile, voire négative [55]. A ce propos, dans notre étude, le stage chez le

84 praticien semble être perçu assez positivement.

Les caractéristiques de la population interviewée viennent nuancer ce constat. En effet, il s’agit d’une population de médecins généralistes d’un âge moyen de 50 ans, installés en moyenne depuis 20 ans. Ceci ne peut tenir compte de l’évolution actuelle de la formation initiale. Les nombreux travaux sur la formation à la relation médecin-patient montrent son importance croissante [7, 8, 11].

2.4.2. Place de l’expérience et des recettes personnelles

Un point essentiel de notre étude est la place majeure de l’expérience professionnelle dans la formation à la relation médecin-patient. Les interviewés sont unanimes pour dire que cet apprentissage se fait avant tout « in vivo », auprès du patient. Le sens relationnel, le « savoir-être » serait inné et le « savoir-faire » acquis dans chaque vécu relationnel. Cette ambivalence inné-acquis dans l’habileté à être en relation est également retrouvée dans le travail de S. Cherif Beck [7].

Concernant leurs affects, l’expérience donne aux médecins le temps de mettre en place leurs « recettes personnelles », d’acquérir leur « savoir-faire » de manière autodidacte. Par contre leur approche étant plutôt déterminée par leur personnalité, celle-ci reste constante le long de leur activité. Et le partage d’expérience vient les conforter dans leur pratique.

Peu nombreux sont les interviewés à rapporter une remise en question via un vécu professionnel. A l’inverse, la richesse de son vécu professionnel amène le médecin à devenir plus « philosophe », plus serein dans son exercice. Le recul apporté par l’expérience est également rapporté dans le travail de M. Elefterion Herault [71].

2.4.3. Place de la formation continue

Concernant la formation continue, les avis sont beaucoup plus partagés.

Dans notre étude, la moitié des interviewés se sont penchés sur la question via la littérature, des séminaires, DU, travail personnel ou en groupe. Mais la place d’une formation à la relation médecin- patient et à la gestion des affects contre-transférentiels reste très controversée. Est-ce en raison d’un culte de la performance ? De la crainte de ce culte et du jugement des pairs ? De la crainte d’être formaté ? De la dénégation de leur subjectivité lors de la formation initiale ? Ces raisons coexistent probablement et se confondent. Le manque de confraternité, la peur du jugement et le culte de la performance étaient retrouvés comme freins à l’expression des émotions dans le travail de M. Elefterion Herault [71].

D’un autre côté, les interviewés qui ont bénéficié d’une formation en reconnaissent généralement l’intérêt, notamment concernant des astuces face à des problématiques relationnelles.

2.4.4. Cas particulier du partage d’expérience entre professionnels

Dans notre étude on peut voir que l’individualisme du médecin généraliste est parfois la cause d’un sentiment de solitude dans sa pratique. Si le libéralisme donne au médecin les rênes de son métier, il le laisse seul face à ses difficultés. La plupart des interviewés se questionnent, s’interrogent et recherchent un écho de leurs problématiques dans la pratique de leurs confrères.

D’une manière générale, les rencontres entre confrères lors de FMC, réunions de groupes ou simples échanges entre collègues sont recherchés. Ces espaces de partage permettent aux médecins

85 généralistes de :

Se sentir membres d’une communauté médicale,

Trouver un écho de leurs problématiques,

Verbaliser leurs difficultés,

Trouver des clés pour certaines problématiques relationnelles.

Ces bénéfices du partage d’expérience ont été retrouvés dans les travaux de S. Cherif Beck [7] et de E. Gourrin [11].

Ces échanges entre confrères assurent un équilibre au médecin généraliste lui-même, le confirmant dans son identité et sa personnalité professionnelle. En offrant au professionnel une place au sein de sa communauté, ces partages d’expérience pallient à la formation initiale hospitalière.

Par contre, rares sont les études « in vivo » de l’exercice quotidien du professionnel. Les échanges entre confrères semblent plus être un bienfait pour le généraliste en personne, dans le sens d’un groupe de parole, qualité qu’ils attribuent d’ailleurs aux groupes Balint. Concernant sa pratique relationnelle, les partages susceptibles d’induire un changement dans sa pratique et chez son patient ne sont quasiment pas évoqués dans notre étude. D’un point de vue « étude clinique », le partage d’expérience serait plutôt redouté pour la remise en question qu’il présuppose. Ce point particulier était retrouvé dans le travail de S. Cherif Beck [7].