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publiques : vers l’analyse des possibles

compensatoires

Dans cette deuxième partie de l’introduction théorique, nous allons nous intéresser à la construction des politiques publiques de compensation du handicap et les façons dont elles sont ou non mobilisées par les anciens « étudiants handicapés » lors de leurs transitions vers l’emploi. D’abord, nous balayerons les façons dont le handicap a été théorisé, dans le temps, à travers notamment différents « modèles ». Ces derniers ont influencé l’élaboration des politiques publiques. C’est pourquoi nous regarderons ensuite dans quelle mesure l’environnement est aujourd’hui pensé comme devant pourvoir à la participation sociale à travers l’exemple du « droit à la compensation ». Nous définirons aussi les contours du statut administratif de « travailleur handicapé ». Celui-ci deviendra le dispositif de compensation du handicap retenu pour notre analyse des enjeux et déterminants de la « réception des politiques du handicap » (Revillard, 2017). Nous constaterons qu’il offre a priori divers usages. Ces libertés laissées aux anciens « étudiants handicapés » pour recourir à cette RQTH et l’utiliser nous paraissent être propices à l’analyse de leurs possibles compensatoires. Lorsque nous présenterons ces derniers, nous nous questionnerons sur leurs poids dans l’élaboration des possibles professionnels.

Rendre les expériences du handicap intelligibles

Commençons par présenter les trois principaux « modèles » du handicap : médical, social et celui du Processus de Production du Handicap. Nous poursuivrons en présentant la teneur de la pensée inclusive. Les analyses sur l’école y tiennent le haut du pavé. Enfin, nous aborderons les façons de considérer les socialisations au handicap. Il s’agit donc de proposer des orientations pour appréhender conceptuellement le handicap.

Modèles interprétatifs et traitement socio-politique du handicap

Dans le modèle dit « médical » ou « biomédical », le handicap a été appréhendé comme une conséquence inévitable d’une déficience et considéré comme une caractéristique de l’individu. Ici, le handicap se comprend « en termes de pathologies individuelles, se

traduisant par des besoins spécifiques qu’il faudrait compenser pour un groupe minoritaire d’individus » (Valdes, 2016, p. 5). Le « modèle social » du handicap met

lui l’accent sur la part des facteurs environnementaux dans la production du handicap : c’est la société qui produit le handicap. L’objectif n’est pas « de nier ou de dépasser les

singularités corporelles ou mentales, mais de mobiliser les pouvoirs publics et la société tout entière, valides et non-valides, sur une question considérée comme transversale » (Chauvière, 2003, p. 104). Des mouvements sociaux internationaux de

personnes handicapées ont ainsi vu le jour pour porter ce discours et ses revendications55. Ils ont par exemple promu la « stimulation par les pairs » ainsi que l’« empowerment » (Ville, 2005). Ces mouvements sociaux sont largement étudiés dans la littéraire scientifique – notamment parce qu’ils ont participé au développement de celle-ci à travers les « Disability studies » (Ville, Fillion et Ravaud, 2014). On peut retenir que ces mouvements ont permis d’« imposer les personnes handicapées

comme partenaires compétents et légitimes dans les instances internationales de production normative » (Chauvière, 2003, p. 107).

Le modèle du « Processus de Production du Handicap » (PPH) ou de « Développement Humain » (MDH-PPH) offre une forme de compromis entre ces lectures médicale et sociale. Il met en avant les interactions entre des facteurs personnels (limitations de capacités – dimension fonctionnelle – entraînées par une déficience ou un trouble) et un environnement pouvant contenir des « obstacles » (matériels ou symboliques) ou des « facilitateurs » à la « participation sociale » (Fougeyrollas, 2002, 2010 ; Fougeyrollas et Charrier, 2013). C’est ici l’interaction sujet-environnement qui peut générer soit des « situations de handicap », soit des « situations de participation

sociale ». Ces interactions forment des « habitudes de vie ». Cette perspective intègre

55 Michel Chauvière présente notamment l’Independent Living Movement (à partir des travaux de Catherine Barral). Ce mouvement émerge « au début des années 1970 à partir de l’expérience

d’intégration sur le campus universitaire de Berkeley d’un petit groupe d’étudiants handicapés moteurs […] dans leur répertoire d’action, le self-help […] s’y marie avec les outils de la lutte pour les droits civils […] et ceux du mouvement consumériste » (Chauvière, 2003, p. 105).

les inégalités sociales alors que celles-ci se voyaient jusqu’ici « naturalisées dans le

cadre d’une vision réduisant le handicap à un fait individuel ou d’ordre médical »

(Gardien, 2006, p. 52). Ce modèle a guidé nos réflexions sur le handicap, c’est pourquoi nous avons utilisé, notamment dans les articles présentés et leurs articulations, les termes qui y sont associés (environnements, obstacles, facilitateurs, limitations, désavantage social, etc.). Nous chercherons ainsi dans nos analyses à saisir ce que l’université permet de concrétiser en termes de participation sociale. Cependant, nous questionnerons bien le devenir des « étudiants handicapés » car nous sommes pour l’instant attaché à la façon dont les jeunes mobilisent et se dégagent des statuts administratifs mis à leur disposition – et qui font bien référence, eux, au « handicap » construit comme une catégorie, forcément circonscrite, de l’action publique.

Les acteurs scientifiques, politiques et représentatifs des personnes handicapées56 ont collectivement participé à ces évolutions des modèles du handicap. Conjointement aux conceptions brièvement présentées, le traitement socio-politique du handicap a ainsi changé durant cette période. Il peut s’interpréter à partir des textes de lois et des classifications de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ces dernières permettent de distinguer et d’agréger des « familles de déficiences » (Stiker, 2006).

En 2001, la Classification internationale des handicaps (CIH), révisée, devient la Classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé (CIF). Cette dernière reconnaît l’existence d’interactions entre une personne et son environnement, « après de longues années de résistance » (Fougeyrollas, 2016). Le fondateur du MDH-PPH souligne que la CIF ne distingue pas pour autant explicitement l’activité et la participation. Apparaît ici une dissonance importante : le PPH sépare bien les incapacités et les situations de handicap (Ibidem).

Dans les façons d’interpréter le handicap, il devient ainsi possible d’agir sur ces facteurs environnementaux et plus uniquement sur les individus. La dominante médicale a ainsi laissé place à la prise en compte de facteurs sociaux (Valdes, 2016). Le registre socio-politique avait déjà changé : le modèle d’après-guerre de la « réadaptation » n’était plus unique (Ville, Fillion et Ravaud, 2014). Celui-ci visait « la

normalisation des personnes et leur retour à la vie ordinaire » (Ville, 2005, p. 138).

56 Par simplicité, mais aussi afin de mettre en avant une dimension identitaire qui nous intéresse, nous allons néanmoins qualifier les individus étudiés ici, non pas comme des « personnes vivant ou ayant vécu des situations de handicap » mais comme des « personnes handicapées » ou des « étudiants handicapés ».

C’était une pensée intégrative, aujourd’hui remise en cause par la « philosophie » de l’inclusion : est dans la normalité tout individu, avec ou sans déficience.

Vers une pensée inclusive : le rôle de l’éducation

Des significations différentes apparaissent pour les mêmes notions (notamment l’intégration, l’assimilation ou l’inclusion) ainsi que pour leurs pratiques associées (Ravaud et Stiker, 2000a). Les termes ne sont donc pas univoques. L’intégration correspondait dans des sociétés plus anciennes à l’idée d’une seule place fixée et attribuée à certains individus. Plus récemment, elle se comprend comme un processus. Il a pu s’agir de normalisation : l’objectif est de faire en sorte que l’individu se fonde dans une moyenne. À ce titre, l’assimilation se pense à partir d’un cadre commun, « consensuel et uniformisant » à plébisciter. L’individu doit ici rejoindre un ensemble.

L’exclusion a été largement discutée par Robert Castel qui propose la notion de « désaffiliation »57 (Castel, 2009). Les auteurs spécialisés dans l’analyse du handicap conservent pour autant le premier terme tout en la définissant bien comme « l’absence

de participation à une activité productive et un isolement relationnel » (Ravaud et

Stiker, 2000a, p. 13). La « désaffiliation » souligne le caractère potentiellement mouvant de la situation, son lien avec l’économie et ses mécanismes sociaux. Au sujet des personnes handicapées, ils invitent cependant à privilégier le terme de ségrégation pour marquer l’exclusion de « certains lieux ou dispositifs ». Ce qu’ils définissent comme une « non-accessibilité » leur paraît plus « constante » et « banale ». Ils observent ainsi une « mise à l’écart » de certains individus. Mais si « les personnes

avec un "handicap" sont, plus que d’autres, la manifestation de l’iniquité et de l’inégalité de la société » (Ravaud et Stiker, 2000b, p. 16), ceci s’observe dans le degré

et non par la nature. Et les auteurs de conclure que : « l’exclusion est un processus qui

comporte des formes différentes, se rapporte toujours à un contexte, peut avoir des degrés et peut être commune à bien d’autres individus ou groupes » (Ibidem, p. 17).

Ils soulignent par ailleurs que l’« inclusion » est l’antonyme le plus évident d’« exclusion »58 (Ravaud et Stiker, 2000a).

Serge Ebersold (2009, 2013) a livré plusieurs réflexions sur la notion d’« inclusion » comme « conception systémique du monde social ». Il estime qu’elle « déplace les

grilles de lecture des inégalités : elle rapporte la vulnérabilité sociale à l’absence de ressources culturelles, sociales, économiques, identitaires, relationnelles nécessaires à la réalisation de soi et à l’engagement social et non plus aux vulnérabilités liées à la division du travail » (Ebersold, 2009, p. 73). Ce paradigme se développe autour d’une

idée principale : « la place de plein droit de toutes les personnes, quelles que soient

leurs caractéristiques, dans la société et ses organisations » (Le Capitaine, 2013,

p. 126). Il cherche à remplacer l’intégration pensée comme la volonté de « réparer les

personnes avec des différences corporelles pour les faire rejoindre à tout prix le cercle fermé de la normalité qu’on a soi-même préalablement définie » (Ibidem, p. 127). La

norme doit ici varier et inclure tous les individus, et toutes leurs singularités.

L’éducation apparaît alors comme un ressort pour tendre vers une telle vision et pratique du monde social. C’est au cœur des transformations des pratiques éducatives que l’on peut observer une tendance vers un traitement social plus inclusif des individus et de ses difficultés consubstantielles59. L’école est aujourd’hui sollicitée pour accueillir les élèves vivant avec des limitations de capacités après que l’État a par le passé « organisé le retrait des "anormaux" dans les filières spécialisées » (Zaffran, 2007, p. 42). Surtout, ce traitement n’est pas pensé uniquement pour les personnes dites handicapées (Plaisance, 2007). L’école « postnormative » doit s’adapter à la « diversité des besoins éducatifs et [élaborer] des projets personnalisés de

scolarisation » (Ebersold, 2009, p. 75). Ce faisant, elle sera à même de « mettre en

58 Ce terme permet aussi de marquer « une communauté de langage avec la terminologie

anglo-saxonne » (Ravaud et Stiker, 2000a, p. 2).

59 Sur ces contradictions entre cette pensée inclusive et le contexte scolaire actuel, Jean-Yves Le Capitaine renvoie notamment vers les travaux de François Dubet sur les pratiques de sélection et de compétition à l‘école. Dans quelle mesure cette fonction de « distribution sociale » qui se cumule à la fonction d’instruction peut-elle offrir un cadre à une dynamique inclusive ? L’auteur y voit une nécessaire « révolution » de l’école : « la notion d’inclusion a un statut paradoxal : d’une part, elle a

une visée démocratique et émancipatrice en donnant à chacun, quelles que soient ses caractéristiques, une véritable place de droit et d’égalité dans la société ; d’autre part, elle émerge dans les bagages d’une société inégalitaire et normative, qui prône la performance, la compétition, et se satisfait de nombre d’exclusions ou de désaffiliations » (Le Capitaine, 2013, p. 128).

scène » la diversité. L’auteur rappelle à ce titre que la déclaration de Salamanque60

invite à nommer les élèves comme étant « à besoins éducatifs particuliers » et non « handicapés »61. Au-delà de la simple mesure de la réussite scolaire, Serge Ebersold invite à questionner « l’effet d’affiliation » de la scolarisation.

Saisir les socialisations du handicap

Le handicap est un construit relationnel lié à un apprentissage. Les environnements des personnes handicapées produisent des représentations et des pratiques liées à leur handicap : le cercle familial, les prescripteurs du champ médical ou de la prise en charge et de l’accompagnement des personnes handicapées, les associations de pairs en handicap, etc. (Blatgé, 2012). Des prescripteurs vont ainsi, de manière consciente ou non, inviter l’individu à développer certaines manières de faire : utiliser des aides techniques, privilégier des méthodes d’auto-compensation, exposer ou masquer son handicap, etc. Il en est de même quant à la façon de se définir : se penser comme une personne handicapée, avoir un discours militant sur le handicap, etc. Il y a donc pour chacun un processus de socialisations. Nous retenons l’usage du pluriel car elles nous apparaissent multiples et probablement divergentes.

Comme l’écrit Erving Goffman (2010), « l’individu stigmatisé se trouve au centre

d’une arène où s’affrontent les arguments et les discours, tous consacrés à ce qu’il devrait penser de lui-même autrement dit, à son identité pour soi. À ses divers tourments, il doit encore ajouter celui de se sentir poussé simultanément dans plusieurs directions par des professionnels qui lui clament ce qu’il devrait faire et ressentir à propos de ce qu’il est et n’est pas » (p. 147). Ces invitations à intégrer des

60 Conférence mondiale sur l’éducation et les besoins éducatifs spéciaux élaborée par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la Science et la Culture (UNECSO) et le gouvernement espagnol en juin 1994 (7-10 juin). Une sitographie autour de la thématique présente le cadre international, des informations sur les politiques nationales en Europe et les bonnes pratiques au niveau international (Beaucher, 2012).

61« Si à l’origine le terme d’inclusion soulignait la volonté de scolariser les enfants présentant une

déficience ou un trouble d’apprentissage en milieu ordinaire, il désigne désormais l’exigence faite au système éducatif d’assurer la réussite scolaire et l’inscription sociale de tout élève indépendamment de ses caractéristiques individuelles ou sociales. Sa consécration dépasse en cela largement la question du handicap et de la scolarisation d’un groupe minoritaire » (Ebersold, 2009, p. 79). Par ailleurs notons

que Serge Ebersold (parmi d’autres qui fondent une communauté scientifique) retient cette appellation d’« élèves » ou « jeunes » à « besoins éducatifs particuliers (BEP) » dans ses productions scientifiques.

normes et valeurs relayées par les différents environnements ainsi que la réponse donnée par l’individu à ces demandes participent à la construction des postures liées au handicap. Celles-ci vont alors influencer les habitudes de vie de l’individu.

Mais ces forces socialisatrices ont des formes et des contenus qui diffèrent pour chaque individu tant elles dépendent de sa position sociale et de son milieu d’origine. On peut par exemple imaginer le poids des caractéristiques socioculturelles de la famille d’origine dans la capacité à décrypter des formalités administratives souvent nécessaires au recours aux dispositifs. De plus, celui-ci ne se pensera et ne s’accomplira pas de la même façon selon l’espace d’autonomie laissé aux jeunes handicapés. Ces socialisations antérieures au moment de l’entrée sur le marché du travail ont alimenté la construction identitaire de la personne handicapée. Il faut en tout cas noter que la logique inclusive telle qu’elle est mise en œuvre ne peut qu’être inégalitaire tant la mise en œuvre d’une cohérence et d’une complémentarité entre les dispositifs de compensation est laissée à la responsabilité de la famille (Ebersold, 2013).

Des politiques publiques d’emploi à destination des personnes handicapées : effort(s) de l’environnement

Nous allons d’abord faire une présentation des politiques d’emploi « en faveur des

personnes handicapées ». Nous mobiliserons aussi la littérature autour du principe et

des applications de la non-discrimination. Ensuite, nous verrons que délimiter la population handicapée à partir d’un critère administratif est périlleux. Cependant, ce sera l’option retenue et nous nous attarderons alors sur le statut de « travailleur

handicapé ».

Les expériences du handicap sont déterminées par des inégalités sociales : la « dimension biologique des déficiences » est en effet loin d’être absolue et ne résulte pas d’un « hasard » (Mormiche et Boissonnat, 2003). À partir d’un traitement de l’enquête Handicap-Incapacité-Dépendance (INSEE), les auteurs considèrent que : « la dimension biophysique du handicap (les déficiences) dépend de la position

occupée dans la société et par conséquent ne peut être entièrement comprise comme un fait de nature » (Ibidem, p. 282). Plus encore, « les disparités décrites se

prolongent et s’amplifient encore quand l’on passe des déficiences aux incapacités puis aux désavantages, c’est-à-dire quand on s’achemine de l’inscription dans les corps à sa traduction dans la vie sociale » (Ibidem, p. 282). À déficiences semblables,

le milieu social produira différents niveaux d’incapacités (Mormiche et Groupe de Projet HID, 2000). On peut penser que l’inégale qualité des environnements accentue ainsi les situations de handicap chez une partie de la population. Des politiques publiques à destination des personnes handicapées se sont créées pour limiter notamment ces inégalités. Plus largement, la mise en cause de l’environnement dans l’analyse des difficultés auxquelles les personnes ayant des limitations de capacités font face est devenue, nous l’avons vu, relativement forte.

L’invention et la mise en place de systèmes de compensation doit permettre de réduire les contraintes environnementales et, par là-même, de développer la participation sociale : la situation de handicap serait ainsi réduite, sinon supprimée. Les politiques publiques les plus récentes ont ouvert notamment la question du « droit à la

compensation » pour les personnes ayant des besoins spécifiques. Dans ce contexte, la

compensation n’est pas limitée à l’unique action de l’individu (ce que nous appellerons par la suite l’auto-compensation) ou de ses aidants proches. La compensation devient une offre politique et il est aisé de dénombrer les différents types d’aides institutionnelles conçues pour permettre aux individus handicapés les sollicitant de favoriser leur participation sociale. Les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) orchestrent et mettent en œuvre la délivrance et le suivi des aides et prestations. Certaines politiques sont orientées vers le travail et renvoient vers la question de l’employabilité (Seak-Hy et Ville, 2013).

Évolution historique et politiques d’emploi « en faveur des personnes handicapées »

La loi du 23 novembre 1957 crée la catégorie de « travailleur handicapé62 » et instaure pour la première fois un droit au travail pour ces individus et une priorité d’emploi (Ville, Fillion et Ravaud, 2014). Cette période renvoie à celle de transformation des

62 « Toute personne dont les possibilités d’acquérir ou de conserver son emploi sont effectivement

politiques du handicap : « la solidarité nationale mise en place par l’État se substitue

à l’assistance charitable et aux solidarités primaires et familiales » (Ibidem, p. 64).

La loi d’orientation en faveur des personnes handicapées de 1975 institutionnalisera ensuite le champ du handicap, tout en en définissant pas, « volontairement », le handicap63. La Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) fait notamment son apparition. L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) sera mise en place à partir de la loi du 10 juillet 1987. Celle-ci « ne vise déjà plus les

personnes mais bien davantage les conditions qui pèsent sur leur vie, leur insertion »

(Chauvière, 2003, p. 113). La loi définit alors un champ des possibles, « circonscrit par

un ensemble de contraintes favorables et défavorables, en termes de trajectoires de vie » et orienté vers le travail en milieu ordinaire (Gardien, 2009, p. 14). Elle contient

notamment des mécanismes d’incitation à l’embauche : « pas moins de douze pages et

de dix-huit articles constituent le chapitre relatif à l’emploi des travailleurs handicapés, balisant les futures actions à mettre en œuvre sur le terrain » (Gardien,

2006, p. 53).

Le cadre des mesures d’indemnisation et de compensation du handicap est ainsi défini juridiquement. En adaptant une typologie de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), Louis Bertrand distingue tout d’abord les mesures d’indemnisation et de compensation du handicap (Bertrand, 2013). Parmi celles-ci, l’Allocation d’Adulte Handicapé64 (AAH) a probablement la plus grande notoriété. Ensuite, il identifie les mesures en faveur de l’intégration au marché du travail. Il en présente trois types qui sont des applications françaises de la typologie de l’épidémiologiste Daniel Mont. Premièrement, les mesures de régulation du marché qui visent à « agir sur le comportement des employeurs » (Ibidem, p. 45). L’exemple phare étant la mise en place depuis 1987 d’un quota : toutes les entreprises publiques ou privées de 20 salariés ou plus se voient dans l’obligation d’employer des « travailleurs handicapés ». Ceux-ci doivent représenter au minimum 6 % de l’effectif

63 Elle sera accompagnée de la loi de 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales. Notons des mobilisations collectives contre ces lois menées, notamment par le collectif « Handicapés

Méchants », dans un contexte universitaire et exposées au moyen d’une analyse socio-historique