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Avant-propos de l’article

Ce deuxième article marque une bascule dans notre démarche d’analyse des transitions vers l’emploi des « étudiants handicapés » : il ne s’agit plus de mesurer les parcours mais d’appréhender leurs ressorts. Après avoir observé les positions professionnelles de ces jeunes, nous cherchons à comprendre quels sens ils donnent au travail et par là-même comment ils définissent leurs possibles professionnels. En s’inspirant de l’analyse des rapports à la vie professionnelle (Longo, 2011), nous avons cherché à interroger le sens des exigences relatives au travail et à l’emploi que les jeunes formulent, et qui délimitent ainsi leurs horizons professionnels.

Les possibles professionnels retenus dans l’analyse sont liés à l’expérience du handicap et à la façon dont se co-construisent les rapports au handicap et au travail. Il n’est donc pas ici question de rendre compte de l’élaboration de ces possibles professionnels en les faisant discuter avec les parcours de formation accomplis ou bien des configurations, par exemple géographiques, liées à la famille, au couple, au réseau amical, etc. En revanche, les impératifs liés au travail et présentés dans l’article sont ceux, légitimés par les diverses expériences du handicap des individus, des effets vécues ou anticipés de leurs limitations de capacités. Autrement posé : toutes choses égales par ailleurs (niveau d’« adéquation » entre la formation et l’emploi, localisation du travail, salaire, etc.), dans quel type d’environnement professionnel un jeune ancien

étudiant estime-t-il, au regard de son handicap, pouvoir raisonnablement « se soutenir » (au sens de « se maintenir dans une position, un état sans tomber »108).

Les exigences mises en lumière nous renseignent sur la diversité des expériences du handicap et sur les ajustements opérés par les enquêtés entre le travail et les autres sphères de la vie. Des dimensions individuelles liées au handicap abordées statiquement, prennent ici du relief (invisibilité, ancienneté des troubles, volonté et capacité ou non des individus à se revendiquer comme une « personne handicapée », etc.) ; et semblent alimenter des configurations dissemblables. Les possibles professionnels analysés cristallisent des dynamiques d’adhésion au, ou de rejet du travail. À ce titre, ils alimentent notre réflexion sur la dynamique des parcours de vie de ces jeunes, de leurs formes de participation sociale et des « places » auxquelles les jeunes handicapés aspirent. En définitive, nous observons comme ces jeunes subissent, s’approprient ou se jouent de la norme de travail.

L’article matérialise le travail de recherche mené en 2015 sur les rapports à la vie professionnelle. Il approfondissait les pistes du travail exploratoire qui relevait les stratégies de recherche d’emploi (certains enquêtés décrivaient une focalisation sur les grandes entreprises). Nous avons répondu à un appel à contributions en octobre 2014 pour un dossier intitulé « Handicap, transition vers l’âge adulte et vulnérabilités » coordonné par Serge Ebersold et Philippe Cordazzo (2015). L’ambition du numéro était de « cerner les conditions de transition vers l’âge adulte des jeunes adultes

handicapés et de cerner les dynamiques de vulnérabilisation qui participent au processus de production du handicap […], dans un contexte de dégradation économique et sociale » (extrait de l’appel à contributions). La proposition d’article a

été acceptée en décembre 2014. La première version de l’article a été soumise en mars 2015. Trois expertises nous ont été transmises en mai 2015. L’article dans sa version finale a été publié en septembre 2015. Nous sommes premier auteur. Nathalie Le Roux, deuxième auteure, a encadré ce projet de publication et nous a accompagné dans le resserrement de l’objet de recherche.

Article

Dès les années 1990, des acteurs universitaires se sont interrogés sur leur capacité à accueillir et à accompagner les étudiants handicapés au sein des établissements, tout en remarquant qu’il devenait « impérieux de les sensibiliser, dès que possible, à la construction d’un projet professionnel » (Association Étudihand’Orléans, 1996). Les personnes handicapées, y compris les jeunes, sont en effet, d’une manière générale, plus souvent éloignées du travail et de l’emploi que les autres (Amrous et al., 2013). Nous pouvons cependant penser que les jeunes handicapés ayant fréquenté l’enseignement supérieur ces dernières années ne sont pas les plus « limités » en termes de capacités si on les compare à l’ensemble des jeunes handicapés, et qu’ils sont à ce titre probablement plus éloignés des emplois en milieu protégé. Dès lors, comment ces jeunes ayant eu accès à l’enseignement supérieur perçoivent-ils l’injonction faite à la population étudiante de trouver un emploi, qui plus est à hauteur de leur niveau de diplôme ? Comment vont-ils y répondre ? Quelles conditions et exigences fixent-ils lorsqu’il s’agit de trouver et d’exercer un emploi ?

Les rapports à la vie professionnelle des jeunes handicapés

La littérature scientifique est particulièrement riche quand il s’agit de comprendre le sens donné au travail par les individus et de proposer des catégories permettant de le penser et de l’interpréter (dimensions instrumentales et non instrumentales, dimensions instrumentales et postmatérialistes, etc.). Dominique Méda et Patricia Vendramin questionnent ainsi la contradiction entre le fait que les Français accordent une très grande importance au travail et leur souhait qu’il prenne moins de place dans leur vie (Méda, Vendramin, 2010 et 2013). Il s’agit alors de saisir dans quelle mesure le travail est, au fil des parcours, « central ou concurrencé par d’autres domaines de vie, d’investissement affectif, de réalisation de soi » (Méda, Vendramin, 2013, p. 55). L’analyse des arbitrages et ajustements entre ces différents domaines amène ces deux auteures à insister sur la dimension polycentrique de l’existence, et donc de l’activité

professionnelle. Celle-ci occupe une place signifiante et centrale, mais au même titre que les autres espaces de réalisation de soi comme la famille, les amis, les loisirs, l’engagement militant. Plus globalement, les auteures concluent que « même si certaines tendances discriminantes peuvent être observées » (p. 182), l’âge, la profession et catégorie socioprofessionnelle ou le genre ne déterminent pas le rapport au travail.

Nous retenons plus particulièrement une approche permettant d’appréhender les subjectivités liées à la fois au travail, à l’emploi et aux formes d’investissement professionnel, notamment par rapport aux autres espaces d’engagement. Cette approche invite à interpréter les parcours des jeunes à travers l’analyse du rapport à la vie professionnelle (Bidart, Longo, 2007), c’est-à-dire la « manière dont les jeunes se positionnent face à la vie professionnelle en général et pour eux-mêmes » (Longo, 2011, p. 31). Trois dimensions s’articulent alors entre elles. La première est le rapport à

l’activité et questionne globalement la place et l’importance du travail dans la vie du

jeune, notamment au regard des autres sphères de la vie sociale. La deuxième est relative au rapport au travail, entendu comme le sens donné à celui-ci et les facteurs de motivation mis en jeu dans l’exercice ou dans l’anticipation du travail (rétribution, accomplissement de soi). La troisième, le rapport à l’emploi, traite des critères d’évaluation mobilisés pour définir ce qu’est un « bon emploi » : niveau de salaire, perspectives d’évolution, horaires, relations, etc. Cette approche se révèle pertinente pour saisir au mieux les positionnements des jeunes handicapés à leur sortie de l’enseignement supérieur : comment vont-ils arbitrer leur engagement professionnel par rapport à leurs autres occupations et comment vont-ils, durant leur recherche d’emploi, juger les différentes opportunités professionnelles ?

Il semble ainsi fécond d’étudier les « formes de disponibilité temporelle » (Bouffartigue, 2014) établies par les individus eux-mêmes relativement au travail et aux autres espaces. Pour la population étudiée, il nous semble impératif de considérer que ces jeunes connaissent potentiellement les aspects particuliers de l’expérience du handicap, souvent coûteux en temps. Il est alors nécessaire de prendre en compte l’investissement en temps et en énergie dans les éventuels soins, dans l’apprentissage des troubles ou déficiences (lorsque ceux-ci apparaissent ou évoluent) ou dans l’investissement dans les mobilisations collectives de personnes handicapées.

Si les travaux scientifiques nous renseignent sur le développement global du niveau d’autonomie des jeunes (d’un point de vue personnel, relationnel et culturel), ils insistent tout autant sur le poids des « formes de prise en charge familiale et institutionnelle et d’intervention dont ils font l’objet » (Cicchelli, 2013, p. 39). Cette dépendance s’observe certes pour l’ensemble des jeunes, mais elle est potentiellement plus grande pour les jeunes handicapés, notamment à travers l’accompagnement indispensable de leurs parents dans leurs parcours de formation (Ebersold, 2014). Si l’autonomie se remarque avant tout par son absence (Dubet et al., 2006), des travaux nous invitent à saisir « les multiples interdépendances cachées qui sous-tendent la position de celui qui est considéré comme autonome » (Marcellini, Dugne, 2014, p. 125). Être autonome, ce n’est pas agir seul, mais être en mesure de bénéficier d’un réseau d’interdépendances, dont les relations sociales, techniques, institutionnelles ou symboliques soutiennent les actions et décisions (Winance, 2007). Sont alors vulnérables ou dépendants ceux qui sont dans des « situations de déstructuration de ces interdépendances ordinaires » (Marcellini, Dugne, 2014, p. 125). Dès lors – et loin d’un essentialisme qui désignerait comme vulnérable toute personne handicapée –, interroger les parcours des jeunes handicapés lors de la transition vers l’emploi permettrait de saisir les éventuelles situations de vulnérabilité de jeunes en train d’une part de reconfigurer leurs réseaux d’interdépendances et d’autre part de confronter leurs rapports au travail au marché de l’emploi. Notre intention est donc de questionner les rapports à la vie professionnelle des jeunes étudiants handicapés au moment de leur sortie de l’enseignement supérieur et de la transition vers l’emploi – cette période permettant de prendre en compte la « totalité de la personne et les espaces qu’elle traverse » et d’articuler les différents temps de l’individu, « en faisant place à l’analyse de leurs imbrications et interférences » (Zimmermann, 2013, p. 53).

Pour répondre à cet objectif, les exigences exprimées par les jeunes handicapés vis-à-vis des cadres du travail et de l’emploi seront retenues comme objet d’analyse. Ces éléments, entendus comme les conditions sine qua non fixées par les individus par rapport à leur activité professionnelle, circonscrivent et, de fait, « segmentent » le champ des possibles professionnels. Il s’agit donc bien de saisir prioritairement ce que certains individus de notre échantillon ne veulent pas par rapport au travail et à l’emploi – et non ce que l’ensemble des enquêtés nous disent de leurs attentes générales. L’objectif n’est pas l’exhaustivité, notamment en raison de l’échantillon retenu qui est limité. L’ambition de ce travail est avant tout de donner à voir des

configurations qui ne sont pas nécessairement dominantes (certains enquêtés ne posent aucune exigence). Cet article repose ainsi sur l’analyse de cas de jeunes qui circonscrivent le marché du travail dans lequel ils s’inscrivent. Quels critères sont alors fixés ? Comment nous permettent-ils d’interpréter des régimes d’équilibrage du travail par rapport aux autres sphères de la vie, et d’identifier les façons dont le travail est perçu – tantôt comme menaçant, tantôt comme émancipateur ?

Pour chacun des exemples présentés dans cet article, nous tenterons de saisir les processus de construction de ces exigences. Il s’agira en définitive de comprendre comment les expériences variées du handicap (familiales, médicales, associatives, éducatives ou professionnelles) permettent d’éclairer le sens de ces limitations des possibles professionnels. Cinq types d’exigences relatives au travail seront abordés successivement : l’emploi à temps partiel, la gestion de carrière, l’emploi dans une grande entreprise, les relations professionnelles, et la place du handicap dans les missions professionnelles.

Méthodologie

Le matériel qualitatif est basé sur un corpus de récits d’insertion (n = 17) recueillis de décembre 2011 à juin 2012 dans le cadre de l’« étude sur le devenir professionnel des étudiants handicapés » (financement MIRE/DRESS/CNSA109). Le recrutement de ces enquêtés s’est déroulé par le biais d’un appel à témoignages diffusé auprès d’un réseau de contacts diversifiés (SAEH, associations de parents ou de personnes handicapées, structures d’aides à l’insertion professionnelle ou réseaux médicaux). Les entretiens cherchaient à aborder les parcours d’études et de transition vers l’emploi des individus et les configurations de recours aux différents dispositifs de compensation du handicap. Trois situations, entre un et cinq ans après la sortie de l’enseignement supérieur, ont été étudiées : en emploi, en recherche d’emploi ou ayant renoncé à

109 Mission Recherche/Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques/Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

chercher du travail. Notons que l’échantillon comprend des jeunes ayant présentant des déficiences ou troubles variés.

Le temps de travail

Alors que le temps partiel est communément considéré comme subi, certains enquêtés le recherchent en priorité et l’intègrent dans leur « gestion du temps de vie » (Nicole-Dancourt, 2004). Ils manifestent ainsi le besoin soit de conserver « un temps pour eux », soit, surtout, de se protéger d’un rythme de travail pensé comme incompatible avec leurs maladies ou leur vie domestique.

Lorsque nous demandons à Anthony s’il dispose d’une aide humaine, il répond négativement et se présente à ce titre comme « tétraplégique, mais autonome ». Anthony a eu un accident à 17 ans. Cet épisode a notamment reconfiguré son projet de formation et son projet professionnel. Après plusieurs années passées en centre de rééducation, il a obtenu une place en centre d’hébergement adapté durant son diplôme universitaire de technologie. Cet apprentissage de l’autonomie dans la vie quotidienne (entendu pour lui comme le fait d’accomplir seul les tâches domestiques) apparaît dans son parcours comme l’élément principal de son passage à l’âge adulte. À la fin de ses études, Anthony n’a candidaté que pour des emplois à temps partiel. N’ayant jamais obtenu d’entretien, il a interrompu sa recherche d’emploi après une année. Au moment de l’enquête, il occupe la fonction d’administrateur dans une association de personnes handicapées, une activité qui ne lui prend que peu de temps, « quelques heures par mois ». Son activité principale est l’entretien de son logement.

« – Et là, vous m’avez dit : « Ce matin, je comptais travailler », c’était travailler par rapport… ?

– Oui par rapport à l’appartement, j’ai… je dois nettoyer deux-trois trucs, hier j’étais à la laverie et je n’ai pas encore plié le linge… j’ai enlevé les draps pour les changer aussi, ce genre de chose, ranger deux-trois affaires… » (Anthony, inactif, trouble moteur.)

Plus généralement, le travail salarié représente pour Anthony une menace pour son autonomie dans la vie quotidienne – laquelle a été difficilement conquise. L’exigence du temps partiel a été motivée par le fait de pouvoir gérer son quotidien seul. Cet aspect le différencie de Marie, atteinte d’une paralysie cérébrale de naissance, qui a obtenu un master de droit et occupe un poste à temps plein. Dans l’impossibilité d’assurer ses tâches quotidiennes (toilette, cuisine, ménage, etc.), elle les délègue à une tierce personne, et se définit elle-même comme n’étant pas autonome dans sa vie quotidienne110. Ces deux cas ne présentent ainsi pas les mêmes dispositions vis-à-vis de l’acceptation d’une prise en charge extérieure des activités domestiques : elle est contournable et refusée par Anthony, elle est indispensable et acceptée par Marie. Cette dernière a toujours été largement accompagnée, depuis sa naissance, que ce soit par des professionnels ou par sa famille, fortement très présente pendant ses études. Son réseau d’interdépendances apparaît alors particulièrement développé. Issue d’un milieu social favorisé (son père est avocat, sa mère secrétaire du cabinet d’avocat de son père), son rapport à la délégation de certaines tâches est positif. Le père d’Anthony, quant à lui, est ouvrier et sa mère technicienne ; les deux ont été reconnus comme invalides en raison de troubles psychiques apparus à la suite de l’accident de leur fils. Celui-ci a vécu éloigné de ses parents durant son long séjour en centre spécialisé et n’a pu, au contraire de Marie, satisfaire aux attentes familiales liées au travail, inscrites dans des rapports de classe. Anthony vit dans une dépendance financière envers l’État en tant que bénéficiaire de l’allocation adulte handicapée, ce que Marie a toujours refusé.

Outre l’arbitrage entre temps de travail et sphère domestique (lequel mobilise en lui-même de nombreux facteurs), c’est aussi l’importance de la sphère des loisirs qui justifie ce choix d’un temps plein ou d’un temps partiel. Marie a abandonné l’ensemble de ses activités de loisirs au bénéfice de son travail, alors qu’Anthony estime que le travail représente un danger pour celles-ci. Pour ce qu’il considère comme son autonomie (se débrouiller seul, sans être soumis à des contraintes extérieures), le travail, couramment pensé comme un levier, devient pour Anthony un danger.

L’exigence d’un temps partiel s’observe également chez trois enquêtées au profil similaire. Annette, Karine et Andréa présentent toutes un trouble psychique, diagnostiqué pendant leurs études supérieures. Au cours de l’apprentissage de la

maladie et de la gestion de son traitement, elles ont toutes trois abandonné leurs études et renoncé à leurs ambitions professionnelles initiales. Elles sont actuellement dans une phase transitoire, essayant de redéfinir un projet professionnel en adéquation avec leur nouveau projet de vie.

« La fatigue, ouais, c’est apprendre à se connaître parce qu’on n’est plus une personne normale, on est une personne avec une maladie qui engendre des freins quoi, donc, voilà. […] Je ne peux pas travailler à plein temps pour l’instant, je m’en sens pas du tout capable. » (Karine, inactive, trouble psychique.)

Cette exigence d’un temps partiel semble constitutive d’un rapport à la maladie qui fait du travail une menace pour l’apprentissage d’un équilibre de vie dans lequel la gestion du stress et le maintien d’une hygiène de vie (par exemple un sommeil important et régulier) sont surplombants. Le travail est globalement associé à de la souffrance et à un rythme soutenu incompatible avec la maladie. Toutes trois « ralenties », elles voient dans le temps partiel une façon de se protéger du travail tout en y accédant.

À l’analyse des entretiens, deux facteurs paraissent avoir construit cette revendication d’aménagement du temps de travail. Le premier est l’expérience acquise au cours des années précédentes. Leur difficulté à suivre le rythme des études universitaires et les échecs rencontrés durant les stages ont conduit ces enquêtées à en conclure qu’elles ne pouvaient exercer un travail à temps plein, au risque que celui-ci ne devienne un danger et déclenche des « crises ». Le deuxième facteur est la socialisation expérimentée dans un groupe d’entraide mutuel (GEM) que les enquêtées fréquentent chaque après-midi, donc quasiment à temps partiel. C’est un espace d’échanges et de découverte de la maladie, du point de vue médical et de ses effets périphériques. Le GEM devient aussi un lieu de constitution d’un nouveau réseau amical, l’ancien étant décrit comme « décimé » par l’expérience de la maladie. Ce groupe d’entraide semble moteur dans le processus de recomposition des parcours. Il apparaît également pourvoyeur de « bonnes pratiques » dans la gestion quotidienne de la maladie et notamment dans l’élaboration des revendications professionnelles, dont le temps partiel est un exemple111.

111 Il est aussi raisonnable de penser que le temps complet au travail peut être associé à l’incapacité de pouvoir prolonger cette activité associative, qui semble essentielle pour les enquêtées.

Le travail dans le temps

Dans le prolongement du recours au temps partiel, certains anticipent leur investissement professionnel à long terme ainsi que la « gestion » de leur carrière. Nowel et Emma ont agi, dès leur entrée dans la vie active, par anticipation en planifiant sur le long terme leur carrière de « travailleur handicapé ». Pour cela, elles revendiquent dans la sphère professionnelle leurs besoins de compensation. Nowel a obtenu un emploi à durée indéterminée à l’issue de son stage de master 2. Embauchée à temps plein, elle a, à plusieurs reprises, demandé à réduire son temps de travail, passant à 80 % puis à 60 %. Ce choix implique une planification de la suite de sa carrière professionnelle et marque la volonté de s’inscrire durablement dans son emploi.

« Comme je vous le disais, l’échelle de temps elle est grignotée beaucoup par la dépendance, et il faut répartir. […] On se dit : « J’ai envie de travailler, j’ai envie de travailler longtemps