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L’environnement virtuel comme soutien à l’activité

2. La recherche sur la communication asynchrone : de l’outil aux communautés

2.5. Comprendre les communautés virtuelles

2.5.5. L’environnement virtuel comme soutien à l’activité

Les communautés virtuelles rassemblent des personnes qui, à travers le prisme de leurs expériences, de leurs compétences et de leurs systèmes de connaissances, partagent des perspectives différentes sur l’objet qui les rassemble (Fisher, 2001). L’établissement d’une compréhension partagée, le travail et l’apprentissage collaboratifs requièrent un environnement sociotechnique qui leur permettra de construire un système de connaissances commun dans lequel la signification des concepts et des objets peut être débattue et résolue. Pour chaque communauté, l’environnement utilisé sera choisi en fonction de l’activité qui lui est spécifique. Il doit permettre aux membres des communautés de communiquer et d’interagir non seulement au niveau technique mais aussi au niveau de leur objet, à l’aide de ressources intégrées dans l’environnement tels que des modèles, des langages, des concepts, des méthodologies ou des outils propres au domaine se rapportant au sujet d’intérêt ou à

15 Le modèle proposé est construit selon les principes de la Modélisation par Objets Typés (Paquette, 1996), à

l’objet d’apprentissage de la communauté. L’environnement doit également donner forme à la culture du groupe et permettre d’exprimer son histoire. La structure de l’environnement et les composantes avec lesquelles les membres interagissent doivent pouvoir être mobilisées pour partager les cognitions, les valeurs et les priorités de la communauté.

Selon leurs particularités, les communautés requièrent des environnements aux configurations spécifiques. Les communautés de pratique, plus homogènes que les communautés d’intérêt intelligentes, bénéficieront d’environnements orientés vers la profession, le métier ou la pratique (architecture, urbanisme, comptable, enseignant d’une discipline, etc.). Ces systèmes facilitent la communication à l’intérieur de la communauté au dépens de la facilité de communication avec l’extérieur et d’intégration des nouveaux membres. Ils sont dépendants du domaine et, par leurs ressources, encouragent la conformité aux règles et aux normes du champ de pratique et favorisent le partage des connaissances du domaine entre les membres de la communauté. Les communautés d’intérêt intelligentes, en raison de leur composition hétérogène, doivent construire des objets qui ont une signification au-delà des frontières des systèmes de connaissances individuels pour favoriser leur interaction. Les environnements les mieux adaptés à leur activité sont ceux qui soutiennent un apprentissage mutuel par la création, la discussion et l’amélioration des objets frontières. Quant aux communautés d’apprenants, elles doivent pouvoir disposer de ressources qui leur permettront de développer rapidement l’esprit communautaire, l’engagement et l’appartenance. Des ressources de communication synchrone, particulièrement efficaces pour favoriser le tissage de liens entre des personnes qui ne se connaissent pas ou peu, peuvent être avantageusement combinées aux ressources de communication asynchrone pour permettre le prolongement des contacts et des échanges en direct. La communication privée est également très importante pour favoriser le développement des liens interpersonnels qui permettent d’établir la confiance et la socialisation par la formation de sous- groupes (Haythornthwaite, 2000). Des indicateurs de présence s’avèrent des outils utiles pour repérer et guider les apprenants qui ont des problèmes d’intégration ou de participation.

L’environnement d’une communauté, dans ses dimensions réelle et virtuelle, doit comprendre les ressources, disponibles au bon moment, qui auront été choisies en fonction de leur capacité à soutenir l’activité du groupe, mais aussi en fonction de la capacité qu’ont ou n’ont pas les usagers de les utiliser. Le choix de ces outils est crucial pour supporter la synergie du groupe et son activité. Dans la partie virtuelle de l’environnement, les outils qui s’y trouvent doivent pouvoir supporter les trois principaux ingrédients de la collaboration : la communication des idées, l’engagement des membres envers le groupe et la coordination de l’activité (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001).

Pour faciliter la communication des idées, il importe de disposer d’un logiciel qui permet de créer et d’organiser facilement des forums et de visualiser leur structure afin que l’usager puisse s’orienter dans l’espace de communication et repérer le forum qu’il recherche. Le logiciel devrait également offrir des fonctions de tri et de classement des messages, de repérage de l’information, d’annotation, de création de lien entre les messages, d’accès à des condensés ou à des résumés des interventions et de recherche par des fouilles dans le texte. En marge du forum, d’autres outils peuvent être appelés en renfort pour traiter l’information contenue dans les échanges, pour la structurer et la représenter sous d’autres formes que le texte linéaire des messages : outils de modélisation, de type hypertexte ou générateur de cartes conceptuelles.

Les outils présents dans l’environnement peuvent agir en support à l’engagement social pour développer le sentiment d’appartenance, la cohésion du groupe et une perception positive de l’activité du groupe. Ils peuvent prendre la forme d’instruments sociométriques générateurs des représentations visuelles, tels les sociogrammes, qui permettent de savoir ce qui se passe au sein du groupe, d’apprécier la dynamique des échanges et de se faire une idée du degré d’engagement des uns et des autres (Dimock, 1987 ; St-Arnaud, 1989). Ce genre de représentation peut être obtenu à l’aide de dispositifs automatisés intégrés au logiciel de forum électronique. D’autres outils peuvent également stimuler l’engagement : un répertoire des membres du groupe, un forum de socialisation ou, comme le propose Lundgren-Cayrol (1996), des instruments de mesure de la cohésion et de la productivité du groupe.

L’engagement cognitif face à la tâche peut être supporté par des outils qui aident les participants à prendre conscience de la nature cognitive de la tâche et de leurs besoins par rapport à celle-ci. Des outils de représentation et de visualisation de la tâche sous différentes formes ainsi que des outils de gestion et d’auto-gestion peuvent être utilisés à cette fin.

La coordination de l’activité du groupe est une responsabilité généralement dévolue à l’animateur ou au modérateur du groupe. Il lui revient le plus souvent le soin d’aménager les lieux de communication en s’assurant que chacun d’eux répond effectivement aux besoins reliés à la réalisation de la tâche et au bon fonctionnement du groupe. Ces lieux peuvent s’actualiser dans des forums de télédiscussion, de télétravail, de télégestion, de télésocialisation et de téléassistance (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001). Pour la coordination de l’activité, d’autres outils sont aussi utiles : outils de prise de décision, de vote, de suivi de la tâche, de coordination des agendas.

Partager l’expérience collective et en tirer du sens, élaborer et appliquer des solutions négociées à des problèmes communs, engendrent des interactions complexes entre les membres du groupe eux-mêmes et le facilitateur-animateur. La trace de ces échanges, mise en mémoire sous forme d’informations consignées, permet d’assurer la pérennité de la communauté et la transmissibilité des connaissances. La mise en mémoire rend le groupe plus conscient de sa collaboration et de son intentionnalité. Les résultats collectifs peuvent par la suite être repérés, récupérés, évoqués et réutilisés pour d’autres tâches dans la mesure où ils sont consignés, classés et indexés à cette fin.

Benoît (2000) propose trois profils d’environnements : 1) un environnement simple procurant une meilleure accessibilité de l’information (liste de diffusion) ; 2) un environnement plus interactif exclusivement dévolu à la communication et à l’échange d’information ; 3) un environnement interactif et négocié favorisant la co-gestion de l’information, la co-construction des connaissances et le co-apprentissage.

D’autres proposent de conceptualiser l’environnement en fonction des espaces d’information, de communication, d’assistance, de gestion et de production (Henri, 1998 ; Paquette et al. 2000). Dans sa plus simple expression, une telle architecture peut se traduire dans un site web de référence, un ou plusieurs lieux de discussion asynchrone et une ou des bases de connaissances. L’espace d’information recense, présente et donne accès à la documentation requise pour la réalisation de la tâche. Il contient les objectifs poursuivis par le groupe, les prescriptions de la tâche, les consignes de réalisations, un annuaire des participants et leurs coordonnées. Cet espace peut également avoir une fonction d’assistance. L’espace de communication devient le principal lieu et outil de collaboration : c’est le cœur de l’environnement (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001). Il héberge et supporte le processus de développement de la communauté, l’émergence de son intentionnalité, la coordination de son activité (fonction de gestion). Il peut également être le lieu de réalisation de la tâche lorsque la nature de celle- ci s’y prête (production). L’espace de production peut contenir la base de connaissances qui se crée à la fin de l’exercice ou au fil des étapes. Elle mémorise les acquis et témoigne de l’activité réalisée collectivement.