• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 - A propos de la résilience du milieu : le regard géographique comme médiation

2. L’environnement : entre contexte réflexif et opportunité politique

2.1. De l’énonciation à l’institutionnalisation

Les pédagogues le savent, c’est l’énoncé qui fait le problème. Il induit la façon de mener le raisonnement pour construire une réponse, ou du moins les modalités discursives de cette réponse. L’énonciation est donc une manière de produire un concept en lui adjoignant d’emblée un contenu implicite. Dans son ouvrage sur la question de l’injustice comme

fondement de la crise environnementale, Fabrice FLIPO (2007b) stipule que l’énonciation sert surtout à instruire un mode d’appréhension collectif d’une situation donnée :

« L’important n’est pas tant que les énoncés soient vrais (…) mais que ces idées, ces évidences partagées, quel que soit leur fondement, aient un pouvoir performatif (…) Cet horizon de repères stables et partagés est ce à partir de quoi s’organise la dispute »16

Bien qu’il soit fortement contesté par F.FLIPO sur sa thèse des objets non-humains17

, on lit chez Bruno LATOUR (2004) ce même constat que ce n’est de toutes façons pas l’objet à proprement parler qui fonde le contexte réflexif, mais plutôt la médiation qu’il induit :

« Quand on fait appel à la notion de nature, le rassemblement qu’elle autorise compte infiniment plus que la qualité ontologique de naturel, dont elle garantirait l’origine »18

Cette énonciation se charge de surcroît d’une symbolique référentielle qui permet d’évaluer les pratiques. C’est par exemple ce qu’André MICOUD (2005) décrit à partir du terme de biodiversité. Selon lui, ce terme apparu en 1986 à la faveur du National Forum on Biological

Diversity, évoque finalement moins la multiplicité des choses naturelles que leur mise en

perspective temporelle et spatiale à laquelle rapporter tout projet :

« Il me semble qu’une grande partie des apories actuelles traversant les propos sur la biodiversité tient à cette attention privilégiée accordée aux processus de destruction par rapport aux processus de création (…) La biodiversité est quelque chose qui, sous cette appellation-là, n’est venue à l’existence qu’en vertu précisément de la prise de conscience de ce problème (…) Instituée comme une sorte de référent majeur, placée au-dessus de tout à partir du moment où c’est du maintien de son renouvellement que dépendent nos existences, la biodiversité accède alors au rang de ces choses que le Moyen-âge appelait mystiques et que nos philosophies disent transcendantales (…)»19

Dans un monde où l’énonciation du monde était l’abondance, le développement humain se problématisait surtout au travers de l’utilisation des matières premières et de la connaissance maîtrisée des éléments, ce que Dominique BOURG considère comme un héritage de la science moderne galiléenne puis newtonienne :

« Le monde physique se réduit ainsi à des séries causales mécaniques (…) Devenue parfaitement étrangère à la sphère humaine, la nature n’est plus que le décor, juridiquement appropriable et techniquement exploitable, des actions humaines »20

Mais on sait que cette idéologie progressiste et techniciste s’invalide lorsque l’énonciation du monde devient celle de la finitude : le questionnement réassocie alors l’homme et le monde

16FLIPO 2007b, p.199

17En accord avec sa vision de la crise d’objectivité issue de l’artificielle et abusive dissociation entre la décision politique et connaissance scientifique, F.FLIPO reproche cependant à B.LATOUR d’inverser la lecture qu’il faut faire de ces objets hybrides issus de la confrontation créative entre nature et culture (les barrages, l’utilisation des champs magnétiques…). Latour les considère comme outils à développer pour relier à nouveau décision politique et science, tandis que Flipo y voit l’origine de la confusion et de l’injustice.

18

LATOUR 2004, p.47 19

MICOUD 2005, p.18

physique en faisant ressortir l’ensemble des irrégularités qui échappent à l’arbitraire humain. La problématisation glisse alors de la connaissance que les sociétés ont du monde physique, à la compréhension de leur relation au monde. Ceci est contenu dans le concept d’environnement, apparu au cœur de la polémique des années 1960-1970 entre tenants de la croissance forte (voie exclusive de répartition des richesses) et ceux de l’écologisme radical (l’homme est un parasite en surnombre), et dont nous reprenons la définition posée par Lionel CHARLES et Bernard KALAORA (2003) :

« [L’environnement] est une façon de voir le monde qui repose sur l’interrogation quant à la façon dont précisément nous voyons le monde, jusqu’à comprendre ce que l’on ne peut voir et pourquoi »21

Alors que l’écologie (ALPHANDERY, BITOUN, DUPONT 1993 ; LAIGLE & THUAL 2007) ou la biodiversité (MICOUD 2005) sortent de leurs logiques purement scientifiques pour se propager autour de la conviction qu’il n’existe pas d’autre repère de civilisation acceptable, l’environnement est un terme plus générique qui prend valeur de principe stabilisateur entre la puissance de la nuisance et le bien-être social attendu. Il nous faut insister sur cette définition de l’environnement fournie quelques lignes plus haut, dans la mesure où elle nourrit notre intuition profonde que le champ d’analyse est, aussi bizarre que cela puisse paraître, celui de l’inconcevable, c’est-à-dire tout ce qu’on ne peut pas imaginer parce que ça n’est pas élaboré dans les représentations vis-à-vis de l’incertain. C’est une modalité de la connaissance qui échappe à la maîtrise de ce qu’on peut penser, classifier, ordonner dans les normes établies, et qui repose sur une acceptation qu’autre chose peut se passer… mais quoi ? L’environnement en tant que pensée réflexive contient de ce mystère, en liant l’homme à la part obscure de ce qu’il n’est pas encore capable de formuler.

Première d’une longue série de concertations internationales ayant contribué à faire émerger la notion de "développement durable" au cours des deux décennies suivantes, la déclaration finale de la conférence des Nations Unies sur l’Environnement de Stockholm (1972) a ancré le sens usuel contemporain de l’environnement et en a fait un paradigme de l’action :

« L'homme doit constamment faire le point de son expérience pour continuer à découvrir, à inventer, à créer et à avancer. Dans les pays en voie de développement, la plupart des problèmes de l'environnement sont causés par le sous-développement (…) Dans les pays industrialisés, les problèmes de l'environnement sont généralement liés à l'industrialisation et au développement des techniques (…) L'augmentation naturelle de la population pose sans cesse de nouveaux problèmes pour la préservation de l'environnement et il faudrait adopter, selon que de besoin, des politiques et des

21

mesures appropriées pour régler ces problèmes. Les hommes sont ce qu'il y a de plus précieux au monde (…) Les hommes de toutes conditions et les organisations les plus diverses peuvent, par les valeurs qu'ils admettent et par l'ensemble de leurs actes, déterminer l'environnement de demain »22

L’exigence environnementale inclut donc l’argumentaire écologiste, en tant qu’affirmation de la responsabilité humaine dans une perspective intégratrice qui renvoie à la question du milieu (expérience, inventer, créer), mais elle le déborde par l’extension et la multiplication des échelles de compréhension des phénomènes. Ainsi l’environnement comme contexte

réflexif se détourne de la conviction qu’il est possible de comprendre et réguler des

déterminations évolutives, car cette conviction ne réussit plus à absorber la complexité de ces évolutions, ni leur prédictibilité. En parallèle, l’environnement comme opportunité politique

entraîne un besoin d’articulation et de mise en cohérence de l’action, nécessitant un système de valeurs sinon communes, au moins collectives. L’exigence environnementale donne alors une autre signification aux réponses institutionnelles qui doivent dorénavant prendre en compte l’extension aux conséquences non intentionnelles de la décision ( le local et le global, le court terme et le long terme.)

2.2. L’élaboration d’une gouvernance mondialisée

de l’environnement et l’évolution des enjeux

Le néologisme gouvernance invoque une horizontalité des pratiques qui relie la décision à la coordination des acteurs concernés sur un espace donné. Cette coordination est avant tout celle des représentations et du consensus à établir sur une vision commune du devenir de cet espace. Rapportée à la question environnementale, la gouvernance mondialisée place donc à l’échelle de la planète l’observation de la relation homme-milieu, désectorialisant les intérêts nationaux et transnationalisant les stratégies des acteurs dominants.

Lorsque l’ONU instaure les grands principes des relations internationales dans un contexte de reconstruction économique et humaine, les préoccupations concernant la défense de la nature et de la santé à partir d’une perception locale immédiate relativisant les effets nocifs au profit du bien-être acquis, évoluent vers une critique des orientations économiques qui affectent la gestion des ressources mondialisées. De cette prise de conscience naît un engagement de la part des dirigeants à se rencontrer tous les dix ans pour faire un bilan de l’état environnemental de la planète. L’appellation « Sommet de la Terre » donnée à cet

22

événement renvoie à la capacité collective de pallier les problèmes inhérents à la croissance socio-économique.

Le schéma 2 met en perspective l’évolution des enjeux institutionnels et politiques portés par ces Sommets de la Terre, sous le triple aspect de leur spatialisation, de leur perception et du mode de régulation principalement invoqué pour orienter la stratégie de développement. Dans l’éclatement scalaire qui accompagne la problématique environnementale, nous avons choisi d’introduire une nuance qui n’est habituellement pas relevée, alors qu’elle sous-tend pourtant l’essentiel du discours contemporain sur le développement. En effet le niveau mondial procède d’une lecture des distinctions qui en s’assemblant, forment un tout, un système. Tandis que le niveau global est à considérer ici comme celui qui offre la vision d’ensemble de ce qui fait dénominateur commun à l’échelle de la planète Terre, un peu comme si on la voyait depuis l’extérieur, intégrée dans un univers plus vaste. Il est vrai qu’il n’est pas forcément utile de prendre la mesure de ce qu’on ne travaille a priori pas en géographie ou tout autre approche de sciences humaines et sociales. Toutefois la thématique même de la durabilité fondée sur un bien commun qui est la planète Terre soumise aux modifications globales liées à l’activité anthropique au sens large, incite à repérer cette nuance. Elle traduit en effet implicitement une transition capitale entre une logique d’agrégation et une logique d’inclusion. Nous schématisons cela sous la forme suivante (ce schéma sera réutilisé pour comprendre les logiques spatiales de l’intervention, dans le cadre de l’analyse menée au chapitre V) :

Logique d’agrégation

Logique d’inclusion

Prise en compte de plusieurs points problématiques

La somme de ces points isolés forme une lecture d’ensemble

Prise en compte de la vision d’ensemble

Recherche des points problématiques

Schéma 2 : logique d’agrégation / logique d’inclusion

© C .F A U V E L 2 0 0 9

En 1972 à Stockholm, le premier de ces Sommets de la Terre qui entérine la lecture environnementale, justifie la protection des ressources comme condition sine qua non du développement. Dans un entretien avec Anne-Marie DUCROUX (2002), Ignacy SACHS place à l’échelle internationale la combinaison des questions d’environnement et de développement socio-économique. Il décrit alors l’écodéveloppement comme « une troisième voie médiane » entre les promoteurs de la croissance économique pure et les écologistes qui se radicalisaient de plus en plus, :

« Le message de Stockholm a ensuite été renforcé à travers le colloque de Cocoyoc en 1974, qui a encore approfondi cette idée, à l’époque appelée écodéveloppementécodéveloppementécodéveloppement, et qui dit fondamentalement la écodéveloppement chose suivante : le développement est toujours, pour ce qui est de ses finalités, social et éthique. Il faut apprendre à autolimiter la ponction des ressources pour qu’elle ne se fasse pas seulement en faveur de la génération présente. Donc solidarité synchronique avec la génération présente pour ce qui est des finalités socialesfinalités socialesfinalités socialesfinalités sociales du développement et solidarité diachronique avec les générations futures pour ce qui est de la gestion de l’environnementgestion de l’environnementgestion de l’environnementgestion de l’environnement. Enfin, pour que les choses se fassent, un troisième pilier : la viabilité économiqueviabilité économiqueviabilité économiqueviabilité économique. Il ne sert à rien de lancer des idées généreuses si on ne regarde pas leur viabilité économique. Dès 1974, pour des raisons finalement peu importantes, on a changé le langage pour parler de développement durable. »23

En marquant symboliquement l’entrée dans l’ère du "Développement Durable", le 2ème Sommet de la Terre qui se tient à Rio de Janeiro en 199224

montre combien cette vision défendue par I. Sachs s’est enrichie en seulement deux décennies. En effet, la régulation préconisée pour circonscrire les problèmes a étendu l’appareil réglementaire au profit d’une approche intégrée qui met l’accent sur les répercussions spatio-temporelles des décisions immédiates. La dimension globale sur laquelle repose le "Développement Durable" se médiatise d’autant mieux qu’elle permet de reconsidérer l’ancienne dichotomie Nord-Sud, héritée des épisodes colonisateurs. Celle-ci n’a d’ailleurs pas disparu, mais évolué dans sa forme contemporaine vers une ingérence dans les affaires socio-économiques, de plus en plus relayée localement par une société civile qui entérine assez insidieusement cet état de fait (l’humanitaire et le commerce équitable en sont deux transcriptions notoires). Ainsi le "Développement Durable" a-t-il permis la reconnaissance des responsabilités incombant aux pays industrialisés dans la fragilisation de pays des continents africain, sud-américain et subcontinent indien, dont l’économie traditionnelle dépend d’équilibres séculaires entre les modes de vie des populations et les ressources naturelles. La Déclaration de Rio l’officialise :

23DUCROUX 2002, pp.27-39

24

En vérité il s’agit du 3ème Sommet de la Terre, puisque ceux-ci ont été prévus tous les 10 ans. Mais en 1982, le Sommet qui s’est tenu au Kenya n’a soulevé qu’un intérêt mitigé, dans un contexte de libéralisation du marché et de guerre froide qui laissait peu de place aux préoccupations sociales et environnementales. C’est peut-être aussi ce qui explique par la suite le succès médiatisé du Sommet de Rio en 1992, dans la mesure où celui-ci a été conçu et préparé pour éviter une répétition de l’échec du Sommet de Nairobi.

« (…) les pays développés admettent la responsabilité qui leur incombe dans l’effort international en faveur du développement durable, compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur l’environnement mondial et des techniques et des ressources financières dont ils disposent »

Certes cela ne supprime pas la dichotomie Nord-Sud, mais cela renouvelle les enjeux de coopération et de partenariat dans les décisions concernant l’environnement planétaire. Cette mise en lumière des acteurs spatialisés, conjointement responsables de l’avenir des ressources vitales comme des choix économiques, a orienté la Déclaration de Johannesburg de 2002 qui entérine l’importance de cette approche intégrée par un engagement « à rendre la société mondiale plus humaine »25

. Le propos est assez déconcertant, car y est tacitement admis ce désencastrement que l’économiste Karl POLANYI décrivait dans La grande transformation

(1944), soit une inversion du système dans lequel l’organisation économique n’a qu’une fonction de régulation du couplage besoin-satisfaction, au point que c’est le marché qui se met à contenir les relations sociales et humaines. En ce tournant de siècle, la vision reste naturellement globale, mais le long terme propitiatoire de la fin des années 80 s’est petit à petit technicisé au travers de démarches prospectives, destinées à anticiper le contexte le plus favorable à « la conception d’un plan pragmatique et d’une grande visibilité qui aboutisse à l’élimination de la pauvreté et favorise le développement humain »26

.

Le schéma 3 propose une synthèse de l’évolution de la problématique environnementale dans le contexte de la mondialisation accélérée depuis la seconde moitié du XXème

siècle. Il se lit bien sûr dans un mouvement chronologique marqué par la forme de la flèche et les dates successives des Sommets de la Terre. Toutefois on a voulu distinguer dans ce mouvement chronologique trois clefs de lecture simultanées, pour bien faire ressortir que les idéologies énoncées reposent sur des conceptions différentielles de l’environnement et donc de la prise en charge politique, selon la perception spatialisée, la perception temporelle et le mode de régulation associé. On distingue ainsi plusieurs formes discursives traduisant ces idéologies : d’abord la défense de la nature (vert clair) qui s’est transformée en édiction de normes protectionnistes, en particulier à la charnière des années 1970 ayant contribué à institutionnaliser la notion d’environnement (vert vif). Puis une seconde charnière majeure dans le tournant des années 80-90 avec l’émergence de la notion de « Développement Durable » (double vert foncé). A chacune de ces idéologies identifiées est associée une petite liste non exhaustive, contenant des textes fondateurs ayant assis la crédibilité de l’évolution paradigmatique ou des conférences phares ayant fortement œuvré dans ce sens.

25

Résolution 1 de la Déclaration de Johannesburg. Source : www.agora21.org/johannesburg/rapports/onu-joburg.pdf 26

P A R T IE I L ’a p p ro ch e t h é o riq u e d u « d é v e lo p p e m e n t d u ra b le » e n sc ie n ce s s o cia le s C h a p itr e 2 7 1 Spatialisation Perception temporelle Régulation

locale mondiale globale

a posteriori immédiate dilution réglementation à long terme responsabilisation Stockholm 1972 Rio 1992 - Création de l’UIPN, 1948 - Le printemps silencieux 1962 - Conférence de l’UNESCO sur la Biosphère, 1968 - Rapport Meadows, 1972 - Stratégie Mondiale de la Conservation, 1980 - Rapport Brundtland, 1987 - 1er rapport GIEC, 1990

globale

anticipatoire

intégration

- 2ème et 3ème rapports du GIEC sur le changement climatique, 1995 et 2001 - Conférence de N. York, 1997 - Protocole de Kyoto, 1997 - Conférence Marrakech, 2001

- Conférence de Nairobi, 2006 - 4ème rapport GIEC, 2007 - Conférence de Bali, 2007

Johannesburg 2002

Défense de la nature et de la santé

Protection des ressources

et de l’environnement "développement durable"

© C. FAUVEL 2009 Schéma 3 : Evolution de la problématique environnementale dans le contexte de mondialisation

Une remarque s’impose rapidement à propos du choix de placer le rapport Brundtland dans l’item « protection des ressources et de l’environnement » et non dans celui de « Développement Durable ». En effet ce rapport, publié en 1987 à la suite de plusieurs années d’observations dans le monde entier, établit des constats sur l’insuffisance de la coordination politique internationale vis-à-vis « du droit de l’humanité à un environnement sain et productif »27

que la décennie 1970 avait fait émerger. Stigmatisant la « myopie avec laquelle nous avons cherché la prospérité »28

, le rapport dresse le bilan de la décennie 1980 comme celui d’un appauvrissement des logiques développementalistes qui n’ont pas su œuvrer concrètement en faveur des préoccupations environnementales, autour desquelles s’étaient pourtant construites les ambitions d’un monde meilleur. Présentés sous l’angle socio-environnemental dans ledit rapport, les constats les plus problématiques sont agencés pour souligner le besoin de faire évoluer fortement la protection environnementale vers une officialisation de la remise en question des modèles idéologiques en cours (productivité, croissance, libéralisation du marché). Certes le « développement durable » y est présenté pour la première fois sous cette terminologie comme principe moteur de cette remise en question, mais ce n’est encore qu’une lecture d’expertise lorsque le rapport sort en 1987. C’est pourquoi, sans rien retirer à la force du propos tenu en 87, on choisit donc d’identifier le Sommet de Rio en 1992 comme la date qui l’officialise autour d’un constat public et politique : les tentatives de réglementation associées n’ont pas réussi à faire évoluer une lecture mondiale des défis environnementaux de façon déterminante et il faut urgemment agir en conséquence de ce constat.

C’est donc à partir du tournant des années 92 que le monde se réorganise dans une lecture globale des problématiques sociales, politiques, économiques. La nuance que nous mettons dans le choix des termes « mondial » et « global » pour exprimer la conception spatiale de ces interactions marque le changement subtil de perspective qui définit la durabilité : la vision systémique et la rétroaction des phénomènes formant un tout, plutôt qu’une agrégation de multiples phénomènes qui finissent par interagir (rappel schéma 2). Nous avons voulu mettre