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Chapitre 2. Cadre méthodologique de la recherche

2.3. L’entretien et le questionnaire

Nous avons déjà exprimé notre préférence pour l’utilisation de l’entretien comme outil de collecte de données verbales. Il constitue sans doute un instrument privilégié en raison de son accès à « du matériau verbal, à de la matière discursive » (Bres, 1999 : 61). Pour ce faire, l’entretien peut être de trois types :

 L’entretien non-directif : une seule question initiale est posée, l’enquêteur n’intervient que pour encourager la parole de l’interviewé par des régulateurs (hochements de tête, « mm », « oui ») et des relances (reprise des derniers mots de l’interviewé sur un ton non conclusif). Exemple : « Que pensez-vous de vos expériences vécues en France ? »

 L’entretien directif : constitué de questions fermées (qui sollicitent une réponse négative ou affirmative. e.g. « Retournez-vous souvent en Colombie ? ») ou semi-fermées (dont les réponses ont un choix limité. e.g. « Quel est votre niveau d’expression orale en français ? Insuffisant – suffisant – bien – excellent »). Dans ce type d’entretien, l’enquêteur pose une question et après avoir la réponse de l’enquêté, il poursuit avec la suivante.

 L’entretien semi-directif ou interactif : constitué de questions ouvertes auxquelles l’interviewé peut répondre librement en livrant des opinions, des commentaires, des jugements (e.g. « Considérez-vous que le fait de vivre en France a eu un impact sur votre manière d’être et de penser? »). L’interaction entre enquêteur/informateur dans ce type d’entretien est majeure ; en plus de poser les questions et d’écouter attentivement, l’enquêteur réagit au discours de l’interviewé par des rires, la reconstruction et réorganisation des questions en fonction des réponses apportées, etc. (Blanchet, 2000 : 45).

Nous avons choisi de mener des entretiens semi-directifs car nous souhaitions que les informateurs se sentissent dans une conversation plutôt que dans un entretien formel, même si l’enregistreur et la grille d’observation leur rappelaient l’encadrement de la conversation. Nous considérons en outre que l’atmosphère créée au sein d’un entretien interactif facilite le recueil de matériau verbal sur les histoires migratoires et les représentations des informateurs. Comme le récit de vie occuperait une place primordiale dans les discours des interviewés, nous avons donc tenté de faire attention à la fréquence de nos interventions et à la manière dont nous interagissions avec eux en

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nous limitant à ne réagir à leur propos que par des rires et la reconstruction des questions en fonction de leurs réponses. Les entretiens sont devenus en conséquence un hybride d’interaction et de récit de vie.

Ce dernier est considéré d’ailleurs comme un entretien narratif, dans lequel l’enquêteur demande à l’informateur de lui raconter une partie ou tout de ses expériences vécues. Le récit de vie diffère de l’autobiographie dans la mesure où le premier s’incarne en forme orale spontanée et dialogique par laquelle le sujet partage ses expériences vécues à travers un filtre tel que « son arrivée en France ». L’autobiographie au contraire adopte un format écrit autoréflexif qui invite le sujet à considérer sa vie passée en totalité à travers un regard rétrospectif en solitaire (Bertaux, 2010 : 10, 38). Notre objectif primordial dans le recueil d’informations sur les expériences vécues des sujets consistait à chercher à comprendre ces deniers dans des segments spécifiques de leurs vies influencés par une réalité historique-sociale donnée. De possibles liens entre ces vécus et la projection de leurs représentations pourraient y émerger à notre avis.

Ceci dit, nous voyons que l’entretien permet le contact direct entre enquêteur et enquêté favorisant une interaction plus humaine et l’acquisition d’un matériau plus « autonome » dans le cas des entretiens non directif et semi-directif. Les inconvénients de cet outil concernent le coût en temps et en moyens financiers, la taille réduite de l’échantillon et l’ensemble d’attitudes et discours d’ajustement de l’informateur22

(Boukous, 1999 : 24 ; Blanchet, 2000 : 46).

En liaison avec le questionnaire, les questions peuvent être classées selon le contenu et la forme (Boukous : 1999) :

 Contenu : les questions peuvent être de faits ou d’opinions (ou psychologiques). Les premières sont relatives aux phénomènes vérifiables comme le sexe et l’âge de l’enquêté. Les deuxièmes portent justement sur les opinions, les attitudes, les motivations et les représentations des enquêtés.

 Forme : le questionnaire peut avoir une forme structurée avec des questions fermées ou semi-fermées, ou non structurée avec des questions ouvertes.

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Le type de questionnaire que nous avons adopté est celui composé de questions de faits et d’opinions en forme de questions majoritairement semi-fermées et quelques- unes ouvertes. L’intérêt de ce choix réside d’une part dans la simplicité des questions semi-fermées encourageant la participation des enquêtés, et d’autre part, dans la practicité de la forme du questionnaire à l’heure de traiter les données car les réponses aux questions semi-fermées sont relativement plus faciles à synthétiser en tableaux et graphiques statistiques.

La construction d’un « bon » questionnaire requiert certaines propriétés : systématicité (le même questionnaire administré à tous les groupes d’enquêtés) ; nombre réduit des questions ; rédaction dans une langue bien maîtrisée par tous les sujets ; élaboration de l’énoncé des questions d’une manière simple (une seule idée par question), claire (dénué d’ambiguïté) et neutre (qui ne prédétermine pas les réponses des sujets) ; l’ordre des questions allant du général au spécifique, les questions de fait précédant les questions d’opinion ; et exhaustivité des réponses suggérées aux questions semi-fermées.

Parmi les principaux avantages du questionnaire, nous trouvons le caractère standardisé permettant de soumettre les sujets aux mêmes questions, l’absence de l’effet de la personnalité et de l’humeur de l’enquêteur sur les réponses, et la possibilité de travailler avec un échantillon plus large. En revanche, l’inconvénient majeur de cet instrument concerne la rigueur dans son élaboration et la prise en compte de toutes les propriétés mentionnées précédemment afin de concevoir un questionnaire adéquat et fiable.

En définitive, il est sûrement nécessaire de valider tant le questionnaire que l’entretien à travers de pré-tests auprès d’un échantillon réduit si l’on souhaite connaître et corriger les imperfections avant de le soumettre à la population visée.

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